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29 octobre 2006

REVUE : Absurdité du jus cogens ?

Catherine MAIA

Dans le volume 110 de la Revue générale de droit international (RGDIP, octobre 2006), on remarque un article au titre volontairement provocateur : « De l’absurdité du droit impératif (jus cogens) ». L’auteur, Michael J. Glennon, Professeur de droit international à la Fletcher School of Law & Diplomacy et à l’Université de Tufts (Medford, Massachusetts), cherche à démontrer que le concept de normes impératives ne serait pas juridiquement fondé.

Plusieurs approximations sont néanmoins à relever. Tout d’abord, le jus cogens ne se confond ni avec le droit naturel, ni avec la moralité. Ensuite, la jurisprudence internationale s’est considérablement enrichie pour reconnaître aujourd’hui l’existence de plusieurs normes impératives. Par ailleurs, la déduction de la non-universalité du droit impératif du seul fait de la non-ratification par la totalité des États de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 est révélatrice d’une vision du droit international qui occulte complètement le rôle de la coutume. Enfin, s’appuyer sur l’action de l’OTAN au Kosovo pour nier l’impérativité de la prohibition du recours à la force manifeste une confusion entre les notions de dérogation et de violation.


Commentaires

1. Le samedi 28 octobre 2006, 22:56 par ayiss
D'accord avec cette analyse, ne pas confondre derogation et violation. en outre, comme la CDI l'a indiqué, la violation d'une règle de droit ne la fait pas disparaitre et n' en atténue pas la normativité...Pour la CDI, malgré la violation, la norme continue d'etre en vigueur et doit etre respectée. Elle indique les remèdes à de telles situations. Ceci est encore plus vrai lorsqu'il s'agit d'une norme impérative, dont le droit international définit les conditions de succession. On ne saurait confondre dérogation et violation, le droit international définissant là encore les conditions à respecter pour déroger à l'interdiction de recours à la force. Depuis 2003, certains juristes américains ont tenté de remodéler le jus ad bellum. Voir l'AJIL 2003.
Joseph
2. Le dimanche 5 novembre 2006, 09:00 par Taro MURAKAMI
J'ai lu avec une grande curiosité l'article dans la RGDIP. Et en lisant les commentaires d'ici, je suis très assuré pour que l'on peut même affirmer l'invocation du jus congens juridiquement. Certainement, la CIJ a admit le jus cogens par ex. dans l'avis consultatif de 1996 et il ne faut pas nier la coutume internationale. Merci beaucoup pour vos enseignements.
3. Le lundi 14 avril 2008, 15:45 par Maxence
Je viens de terminer la lecture de votre article sur la jurisprudence de la CIJ en matière de jus cogens. Il s'agit là d'une excellente analyse, publiée juste avant la reconnaissance de la notion par la juridiction.
Pour les lecteurs intéressés, je conseille vivement :
Catherine MAIA, "Le juge international au coeur du dévoilement du droit impératif : entre nécessité et prudence", Revue de droit international, de sciences diplomatiques et politiques, 2005-I, vol. 83, pp. 1-36.
4. Le dimanche 11 mai 2008, 15:29 par Maher Abdmouleh
Je ne vois pas pourquoi cet enthousisme pour plusieurs raisons, d'abord par le fait que la CIJ demeure soumise à la volonté de ses "fabricants", en outre ou est le jus cogens et le droit international dans sa globalité devant les violations massives des droits les plus élémentaires en Irak et en Palestine principalement...
5. Le mercredi 14 mai 2008, 23:39 par Maher Abdmouleh
Si le but ultime du jus cogens est d'apporter une protection supplémentaire aux droits de l'homme, de plus en plus violés et bafoués partout, il ne demeure pas moins vrai que ce but ne peut être atteint que si la société internationale est capable de trouver des mécanismes institutionnels plus efficaces. Malhereusement, cette institution n'est pas la CIJ, et ce, de part ces modalités de fonctionnement... Donc, une refonte de cette institution doit se faire, à ce moment là, on pourra sentir une meilleure prise en compte de l'individu par le droit international, sans avoir besoin d'un jus cogens au garage....
6. Le vendredi 17 octobre 2008, 18:51 par Diogène Kilapi Kitene
C´est avec interêt que je viens de lire tant la reflexion principale que celle des différents internautes ci-dessus sur "le jus cogens" et vous en remercie vivement. Tout en étant d'accord sur le caractère impératif des normes du jus cogens dont, du reste le fondement est à la fois conventionnel en référence a la convention de vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, et jurisprudentiel en référence à l'avis consultatif de la CIJ du 28 mai 1951 et bien d'autres décisions; J'aimerai faire observer que les différentes violations des droits de la personne humaine tant par les régimes politiques d'opressions que dans les zones des conflits armés internationaux ou non interationaux, ne doivent s'analyser qu'en termes de transgressions, qui ne sont pas de nature à enlever aux normes du "jus cogens" leur valeur intrinsèque. Car, en effet, dans la plupart des cas sinon en réalité, les motivations qui fondent ces différentes atteintes à l'ordre international humanitaire sont plus politiques que juridiques et trouvent leurs justifications beaucoup plus dans les divergences d'intérêts et les rapports de force qui caracterisent les relations internationales...
Le débat reste ouvert quant à ce point.
7. Le samedi 17 janvier 2009, 22:18 par Maher Abdmouleh
Cher ami et peut être chère collègue dans la mesure que vous êtes un internationaliste.
En fait, le débat sur le jus cogens n’est pas juridique structo sensu, dire que ce concept est contenu d’une manière équivoque dans la Convention de Vienne, puis mentionné dans la jurisprudence internationale à deux reprises, (notamment sa consécration expresse en reconnaissant que le Génocide est un jus cogens : conflit Congo / Rwanda) n’est pas d’une importance capitale sauf pour ceux qui s’attache à la dogmatique juridique
Le droit (interne et international) a une finalité, c’est d’être appliqué, c'est-à-dire produire ses effets juridiques, ce sont des formules d’écoles pour les étudiants en droit.
De ce point de vue, le jus cogens est interpellé, autrement dit, posé une règle sans pouvoir l’appliquer, ça sert à quoi ? pour les juristes, il s’agit d’une règle en désuétude, qu’il faut peut être l’abrogée.
Je crois que les commentaires sur le jus cogens doivent viser le coté humanitaire, c’est dire la vocation ratée du jus cogens
Et c’est peut être à partir de se constat d’échec que la société internationale prend conscience de ses faiblesse ainsi que de ses devoirs qu’elle n’a jamais pu assumer et remplir
Prenez à titre d’exemple la guerre sauvage menée contre les palestiniens à Gaza, elle met en question non seulement le jus cogens, mais toute la légitimité du droit international, conçu, à travers la charte de l’ONU, pour la paix, la sécurité et, et…
8. Le dimanche 18 janvier 2009, 10:22 par C.
Je trouve votre raisonnement très curieux, si ce n’est dangereux. Si une norme est violée, doit-on lui retirer son caractère contraignant ? A fortiori lorsqu'il s'agit d'une norme impérative, qui n'est qu'un degré de plus visant à reconnaître l'existence d'un ensemble de valeurs fondamentales pour la communauté internationale ?
Aller en ce sens, serait non seulement méconnaitre la notion de normativité, puisque toute norme par définition peut être violée bien qu'elle ne doive pas l'être, mais cela conduirait à n'admettre aucune norme, toutes ayant été violées à un moment ou un autre...
Bien au contraire, il faut toujours et encore renforcer les mécanismes de sanction. Nous n'aurons jamais, en droit international, des mécanismes présentant les caractères du droit interne. Et il est un fait que les rapports de pouvoir peuvent nuire à ces sanctions (de la même manière d’ailleurs que dans les droits nationaux), mais cela n'affaiblit pas la norme elle-même.
Quant aux violations qui se déroulent sous nos yeux actuellement à Gaza, je ne pense pas qu’il y ait un seul Etat pour soutenir leur légalité. C’est en cela que la prohibition des graves violations des DH n’est pas affaiblie.
Mince consolation vous me direz… Et vous aurez sans doute raison. Mais c’est à tous les autres Etats aujourd’hui dans le monde qu’il appartient de réagir en marquant leur désapprobation et leur condamnation. Il relève de notre responsabilité collective - Etats et société civile - de ne pas rester immobile et muet.
9. Le jeudi 12 février 2009, 16:20 par ap
L'article de Glennon est sans doute plus provocateur qu'autre chose, mais au fond il ne dit qu'une chose toute simple: ceux qui se disent positivistes ne peuvent qu'être embarrassés par cet ovni qu'est le ius cogens, dont l'histoire remonte al totus orbis de vitoria, penseur jusnaturaliste. Certes les juges affirment l'existence de normes de ius cogens. Mais demandez-vous: pourquoi ne pas appliquer simplement les normes coutumières ? Le génocide n'a pas besoin di ius cogens pour être interdit, la coutume et le traité sont plus que suffisants. Alors oui, c'est de la piètre rhétorique, pernicieuse qui plus est, lorsque, comme dans l'affaire Al- adsani, après avoir sorti du chapeau le flamboyant ius cogens, on fait primer les règles sur les immunités...

D.R. à 02:40
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