14 mai 2015

ACTU : L’Assemblée générale de l'ONU adopte « le plus petit dénominateur commun » sur la Cour pénale internationale

Catherine MAIA

L’Assemblée générale a adopté, le 4 mai, la Résolution A/69/L.62 sur la Cour pénale internationale (CPI), qualifiée par le représentant du Kenya de « plus petit dénominateur commun ». 
Le représentant des Pays-Bas, qui a présenté la résolution sur la CPI, a noté que l’adhésion en avril 2015, de la Palestine au Statut de la Cour, dit Statut de Rome, constitue l’un des événements marquants depuis le dernier rapport de la Cour. 

Adoptée par consensus, la résolution demande instamment à tous les États parties au Statut de Rome de prendre en compte les intérêts, les besoins d’assistance et le mandat de la Cour et souligne l’importance de la coopération entre cette dernière et les États non parties. Le représentant du Kenya a regretté, comme les cinq autres délégations qui ont expliqué leur position, un texte qui est une simple « reprise technique » de la résolution précédente, une reprise, a-t-il précisé, qui n’est pas due à un manque d’efforts des États mais à l’obligation, dictée par les circonstances, d’adopter « le plus petit dénominateur commun ». Le représentant a comparé la CPI, qui existe depuis 12 ans, à une « adolescente qui, comme toutes les adolescentes, a besoin de directives », dont la première serait peut-être d’interpréter le Statut de Rome de manière à refléter la pluralité des réalités culturelles, sociales et politiques des États. 

Son homologue du Brésil a espéré qu’à la prochaine session, il sera possible d’adopter un texte à la hauteur « de notre objectif commun de combattre l’impunité ». Le représentant a regretté qu’une nouvelle fois, l’Assemblée générale se soit bornée à « constater que les dépenses liées aux enquêtes et poursuites engagées par la Cour, notamment celles concernant les situations dont elle est saisie par le Conseil de sécurité, ont été prises en charge par les seuls États parties au Statut de Rome ». Il est regrettable que la résolution n’appelle pas les États Membres à examiner cette question, a-t-il estimé, car nous devons réfléchir à la viabilité d’un système où la Cour fait face à une charge de travail sans précédent et où les membres du Conseil de sécurité ne cessent de jouer avec l’idée de la saisir de telle ou telle situation. Il faut se souvenir, s’est impatienté le représentant, que l’Assemblée générale a la responsabilité exclusive d’examiner et d’approuver le budget de l’ONU. Il est, en effet, « inacceptable » que l’Assemblée ne puisse se prononcer sur la question des coûts découlant de la saisine de la Cour par le Conseil de sécurité, a renchéri la représentante de l’Argentine, en estimant, à son tour, que ces coûts devraient être pris en charge par les Nations Unies et non par les États parties au Statut de Rome.

Le lien entre la CPI et le Conseil de sécurité atteste de la « politisation » de la justice pénale internationale, a commenté le représentant du Soudan qui, faisant valoir son statut d’État non partie au Statut de Rome, a dit ne pas se sentir concerné par « une résolution qui n’a aucun poids ». Il a accusé la Cour d’être devenue un instrument visant exclusivement « les dirigeants et les symboles africains ». 




RAPPORT DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE

Adoption du projet de Résolution A/69/L.61

Dans cette résolution adoptée sans vote, l’Assemblée générale salue le rôle que joue la Cour pénale internationale (CPI) dans un système multilatéral qui a pour vocation de mettre fin à l’impunité, de renforcer l’état de droit, de promouvoir et d’encourager le respect des droits de l’homme, d’asseoir durablement la paix et de promouvoir le développement des États.  Elle demande aux États parties au Statut de Rome qui ne l’ont pas encore fait de légiférer pour donner effet aux obligations découlant du Statut et de coopérer avec la Cour à l’exécution de sa mission.  Elle sait gré aux États, parties ou non au Statut de Rome, à l’ONU et aux autres organisations internationales et régionales du concours qu’ils ont prêté jusqu’à présent à la Cour, et engage les États qui en ont l’obligation à faire de même à l’avenir, en particulier en matière d’arrestation et de remise, de communication de preuves, de protection et de réinstallation de victimes et de témoins et d’application des peines.
L’Assemblée souligne l’importance de la coopération avec les États non parties au Statut de Rome et rappelle que si l’acceptation de la compétence de la Cour par un État qui n’est pas partie au Statut est requise, cet État peut, par déclaration déposée auprès du Greffier de la Cour, consentir à ce que la Cour exerce sa compétence à l’égard du crime dont il s’agit.  Elle demande instamment à tous les États parties de prendre en compte les intérêts, les besoins d’assistance et le mandat de la Cour.

Elle note que l’Assemblée des États parties au Statut de Rome a décidé, à sa treizième session, de reprendre sa session à La Haye les 24 et 25 juin 2015 et d’y tenir également ses quatorzième et quinzième sessions.  Elle  attend avec intérêt la quatorzième session, qui doit se tenir du 18 au 26 novembre 2015.

Explications de position

Le représentant du Kenya a indiqué que son pays s’était joint au consensus et ce, malgré le fait que la résolution ne soit qu’une reprise technique de la résolution précédente.  « Cette reprise technique n’est pas due à un manque d’efforts des États membres mais parfois nous n’avons pas d’autres choix que d’adopter le plus petit dénominateur commun. »  Le représentant a comparé la CPI, qui existe depuis 12 ans, à une « adolescente qui, comme toutes les adolescentes, a besoin de directives ».  « La Cour doit s’en tenir au strict respect de son mandat », a-t-il insisté, avant de plaider pour une interprétation du Statut de Rome qui soit de nature à refléter la pluralité des réalités culturelles, sociales et politiques des États.  « Les États doivent être traités sur un pied d’égalité », a-t-il poursuivi, avant de dire que la distinction entre « partisans de la Cour et sujets de la Cour » était artificielle.  Le délégué du Kenya a espéré qu’à l’avenir l’Assemblée adoptera un texte de meilleure qualité et d’une plus grande pertinence.

Son homologue du Soudan a indiqué que toute tentative de politiser la CPI et d’en faire un instrument au service d’intérêts partisans n’allait pas dans le sens de la justice internationale.  « Il s’agit au contraire d’une violation de la légalité internationale qui ne fait qu’accroître les tensions entre les pays », a-t-il prévenu.  Il s’est dit préoccupé par la tentative de certains États de transformer l’Assemblée générale en Assemblée des États parties au Statut de Rome.  Les parrains de la résolution ont essayé d’inclure des notions qui n’ont rien à voir avec les relations entre l’ONU et la CPI, a-t-il poursuivi.  Il a vivement regretté que la Cour soit devenue un instrument visant exclusivement « les dirigeants et les symboles africains ».  « Que fait la Cour vis-à-vis des autres crimes commis dans le monde? »  « Pourquoi évite-t-elle de se pencher sur les scandales qui éclatent ailleurs qu’en Afrique? » a-t-il interrogé tout haut.

Le représentant a aussi estimé que le lien entre la CPI et le Conseil de sécurité attestait de la politisation de la justice pénale internationale.  Ce lien n’est pas naturel, a-t-il dit, déplorant que « certains pays, certains citoyens continuaient d’échapper à la Cour ».  Mon pays, qui n’est pas partie au Statut de Rome, n’a aucune obligation vis-à-vis de la Cour.  « Le Soudan n’est en rien concerné par cette résolution qui n’a, à nos yeux, aucun poids ».

Le représentant de l’Afrique du Sud, au nom d’un groupe de 35 pays, a souligné que la coopération entre les Nations Unies et la CPI a besoin d’être renforcée.  Les directives du Secrétaire général sur les contacts avec les personnes qui font l’objet de mandat d’arrêt et des convocations apparaissent comme une étape dans la vraie direction.  La Cour a aussi besoin de ressources financières adéquates pour remplir ses mandats.  En tant que gardien de la paix et de la sécurité internationales, le Conseil de sécurité a un rôle important à jouer en assurant qu’il n’y ait pas d’impunité pour les crimes graves.  Dans ses relations avec la CPI, il devrait utiliser les saisines de la Cour de manière pertinentes et cohérentes.  Cela nécessite un suivi et un appui à la Cour pour les opérations de paix et d’ajout d’individus dans les listes de sanctions.  Nous sommes aussi très déçus par les résultats des négociations cette année.  Nous aurions aimé voir quelque chose de positive lors de la prochaine session de l’Assemblée générale comme résultat d’échanges substantiels, productifs et transparents.

Le représentant du Brésil s’est également dit frustré par les négociations de cette année.  La distance entre la résolution et les défis des relations entre les Nations Unies et la CPI n’a pas été réduite.  Nous espérons, a-t-il espéré, à son tour, qu’à travers un dialogue transparent et inclusif, nous pourrons inverser cette tendance à la prochaine session et adopter un texte à la hauteur de notre objectif commun de combattre l’impunité.  Le représentant a regretté qu’une nouvelle fois, l’Assemblée générale soit bornée à « constater que les dépenses liées aux enquêtes et poursuites engagées par la Cour, notamment celles concernant les situations dont elle est saisie par le Conseil de sécurité, ont été prises en charge par les seuls États parties au Statut de Rome ».  Il est regrettable que la résolution n’appelle pas les États Membres à examiner cette question.  Nous devons réfléchir à la viabilité d’un système où la Cour fait face à une charge de travail sans précédent et où les membres du Conseil de sécurité ne cessent de jouer avec l’idée de la saisir de telle ou telle situation.  Il faut se souvenir, s’est impatienté le représentant, que l’Assemblée générale a la responsabilité exclusive d’examiner et d’approuver le budget de l’ONU.

La représentante de l’Argentine a indiqué que son pays s’était porté co-auteur de la présente résolution en raison de son attachement à la CPI.  « La CPI n’intervient qu’en complément des juridictions nationales », a-t-elle dit, rappelant que la Cour dépendait, pour la bonne exécution de ses tâches, de la coopération de tous les États, et pas seulement des États parties.

Elle a tout de même déploré que la présente résolution ne soit qu’une mise à jour technique de la résolution antérieure.  « Certains éléments n’ont pas été inclus », a-t-elle dit, avant de dénoncer la pratique consistant à faire endosser aux États parties les coûts découlant de la saisine de la Cour par le Conseil de sécurité.  Ces coûts devraient être pris en charge par les Nations Unies et il est « inacceptable » que l’Assemblée ne puisse se prononcer sur cette question, car il y va de la crédibilité de cette institution.  Elle a également estimé que l’Assemblée devait assurer le suivi des situations déférées à la Cour par le Conseil, ce dernier n’assurant qu’un suivi « lacunaire ».
Enfin, la déléguée de l’Argentine a regretté que l’Assemblée ne puisse pas, « pour des raisons incompréhensibles », faire état des progrès réalisés en vue de l’entrée en vigueur des amendements de Kampala.

Le représentant de l’Uruguay s’est également plaint de la conduite et des résultats des négociations.  Il a espéré que les malentendus seront dissipés et que la transparence et l’ouverture seront au rendez-vous aux prochaines négociations. 

La représentante de Costa Rica a, elle aussi, espéré un processus transparent et exclusif pour les prochaines négociations.  La politisation de la résolution est une question qui doit être résolue immédiatement.  Elle s’est dite ravie que la France ait décidé de se joindre à la proposition des « Small Five » sur la saisine systématique de la CPI et l’abandon du droit de veto en cas de crimes de masse.  Elle a déploré une résolution qui ne répond pas aux engagements pris dans les relations entre les Nations Unies et la CPI. 

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