2 novembre 2015

ACTU : La procureure de la CPI n'enquêtera pas sur les violations des droits humains commises durant et après le coup d'Etat de 2009 au Honduras

Kadidiatou HAMA
Dans un communiqué en date du 28 octobre 2015, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé qu'elle n'enquêterait pas sur les violations des droits humains commises durant et après le coup d'Etat de 2009 au Honduras.
« Il n'y a pas de base raisonnable pour que mon Bureau entreprenne un enquête », a déclaré la procureure Fatou Bensouda. Et d'en conclure : « J'ai donc décidé de refermer l'examen préliminaire sur la situation au Honduras ».

Le Bureau du procureur avait ouvert en 2010 un examen préliminaire, préalable à une éventuelle enquête, sur les crimes présumés commis lors du coup d'Etat militaire qui avait chassé le président Manuel Zelaya du Honduras en juin 2009.

« Des violations des droits de l'Homme ont été commises le 28 juin 2009 ainsi que durant la période qui a suivi, et celles-ci sont directement attribuables aux autorités qui ont pris le pouvoir lors de ce coup d'État », a souligné Mme Bensouda.

Des manifestations de partisans de Manuel Zelaya avaient alors été sévèrement réprimées par les forces armées. Dans les années ayant suivi le coup d'Etat, l'escalade de violence au Honduras a ensuite continué.

En 2013, la procureure avait conclu que les violations perpétrées entre le 28 juin 2009 et le 27 janvier 2010 ne constituaient pas des crimes contre l'humanité, tels que définis par le Statut de la CPI.

Mme Bensouda a, par la suite, examiné des crimes allégués commis après le 27 janvier 2010, afin de déterminer si ceux-ci « pouvaient influencer [s]a décision précédente ou s'ils pouvaient indépendamment constituer des crimes contre l'humanité ». La conclusion est donc négative.

« Cette décision ne minimise pas les crimes commis au Honduras », a toutefois tenu à préciser la procureure, qui nuance : « la définition de crimes contre l'humanité impose de strictes exigences légales ».

« Si de nouveaux faits ou informations étaient disponibles dans le futur et valaient un nouvel examen des conclusions du Bureau, je n'hésiterai pas à rouvrir l'examen préliminaire de la situation au Honduras ».

Déclaration du Procureur de la Cour pénale internationale, FatouBensouda, au sujet de la conclusion de l’examen préliminaire concernant lasituation au Honduras, 28 octobre 2015

A la suite d'une analyse minutieuse sur les plans juridique et factuel des informations disponibles, j'ai estimé qu'à ce stade, les critères juridiques définis par le Statut de Rome afin d'obtenir l'autorisation des juges de la Cour pénale internationale ("CPI" ou la "Cour") d'ouvrir une enquête sur la situation au Honduras, n'étaient pas remplies.

Mon Bureau a ouvert un examen préliminaire sur la situation au Honduras le 18 novembre 2010, afin de déterminer s'il existe une base raisonnable d'ouvrir une enquête sur des crimes allégués qui auraient été commis à la suite du coup d'État du 28 juin 2009. Dans le cadre de cette évaluation, mon Bureau a examiné avec attention si les crimes allégués pouvaient être qualifiés de crimes contre l'humanité, tels que définis par le Statut de Rome de la CPI.

Sur la base des informations disponibles, des violations des droits de l'Homme ont été commises le 28 juin 2009 et les jours qui ont suivi, et sont directement imputables aux autorités qui se sont emparées du pouvoir suite au coup d'État. Cependant, au regard du critère de l'existence d'une base raisonnable tel que défini par le Statut de Rome, je suis arrivée à la conclusion, en novembre 2013, que ces violations commises entre le 28 juin 2009 et le 27 janvier 2010 ne constituent pas des crimes contre l'humanité visés au Statut, et qu'en conséquence elles ne relevaient pas de la compétence de la CPI.

Néanmoins, au vu des allégations ultérieures selon lesquelles des crimes auraient été commis après le 27 janvier 2010 et dans la région de Bajo Aguán, mon Bureau a poursuivi son examen préliminaire, afin d'évaluer si ces nouvelles allégations pouvaient avoir une incidence sur ma décision antérieure, ou si ces crimes présumés pouvaient constituer en eux-mêmes des crimes contre l'humanité.

Après avoir soigneusement analysé les informations disponibles au regard des critères juridiques établis par le Statut de Rome, j'ai estimé qu'il n'existe pas de base raisonnable permettant à mon Bureau d'ouvrir une enquête. En conséquence, j'ai décidé de conclure l'examen préliminaire portant sur la situation au Honduras. Mon Bureau a préparé un rapport détaillé qui présente et explique ses conclusions.

Je tiens à insister sur un point. Cette décision ne minimise en aucun cas ni les crimes commis au Honduras, ni leur impact sur les victimes. Il convient cependant de rappeler que la définition des crimes contre l'humanité, telle qu'elle ressort du Statut de Rome, impose des conditions juridiques strictes qui permettent de différencier les crimes contre l'humanité d'un contexte de violence généralisée, constante et organisée.

Mon Bureau a fondé son évaluation sur la situation au Honduras à partir de sources publiques et fiables, que nous avons soumises à notre pratique rigoureuse d'analyse indépendante, impartiale et minutieuse. Si, à l'avenir, de nouveaux faits ou de nouvelles informations nous parvenaient, et qui justifieraient que le Bureau révise sa décision, je n'hésiterai pas alors a ré-ouvrir un examen préliminaire sur la situation au Honduras.

Contexte

Le Honduras a déposé son instrument de ratification du Statut de Rome le 1er juillet 2002. La Cour est par conséquent compétente pour juger les crimes visés par le Statut de Rome commis sur le territoire du Honduras ou par des ressortissants de cet État à compter du 1er septembre 2002.

Le 18 novembre 2010, Luis Moreno-Ocampo, alors Procureur de la Cour, avait annoncé que le Bureau du Procureur allait ouvrir un examen préliminaire portant sur la situation au Honduras après avoir reçu des informations sur des crimes allégués qui auraient été commis après le coup d'État du 28 juin 2009.

Le jour du coup d'État, l'ancien Président du Honduras, M. José Manuel Zelaya Rosales, était arrêté par des membres des forces armées et transféré de force par avion au Costa Rica. Le Gouvernement de facto avait adopté une série de mesures restreignant les libertés de circulation, de réunion et d'expression, et avait établi une "cellule de crise" pour coordonner les opérations policières et militaires destinées à garantir la mise en œuvre de ces mesures.

Des manifestations dénonçant le coup d'État organisées à travers le pays par des milliers de partisans de José Manuel Zelaya se sont heurtées à une résistance et à des comportements violents des forces de l'ordre, aboutissant à des violations des droits de l'Homme à grande échelle. Les tentatives du président évincé Zelaya de revenir au Honduras et son refuge temporaire à l'ambassade du Brésil à Tegucigalpa avaient alors déclenché d'autres manifestations qui ont été sévèrement, voire dans certains cas violemment réprimées par les forces de l'ordre.

Dans les années qui ont suivi le coup d'État de 2009, le Honduras a connu une escalade de la violence, en partie à cause de l'instabilité politique à la suite du coup d'État, mais aussi à cause de l'expansion du trafic de drogue et de l'activité des organisations criminelles, de la prolifération des armes, et à cause d'opérations des forces armées liées à la sécurité des citoyens. Dans la région de Bajo Aguán, les violences de longue date liées aux litiges fonciers entre la population locale et des sociétés privées ont été par la suite exacerbées par la présence accrue des organisations criminelles transnationales, des voleurs et des pillards sur les plantations de palmiers, et des rivalités entre groupements de paysans. Dans ce contexte, l'insuffisance d'enquêtes et de poursuites par les autorités nationales a aggravé le cycle de criminalité et d'impunité au Honduras.

Le Bureau du Procureur de la CPI mène des examens préliminaires, des enquêtes et des poursuites à propos du crime de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre en toute indépendance et en toute impartialité. Il poursuit actuellement des enquêtes en: Ouganda; en République Démocratique du Congo; au Darfour (Soudan); en République centrafricaine; au Kenya; en Libye; en Côte d'Ivoire et au Mali. Il conduit également des examens préliminaires à propos des situations en Afghanistan, en Colombie, en Géorgie, en Guinée, en Iraq/Royaume Uni, au Nigéria, en Ukraine et en Palestine.



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