21 novembre 2015

ACTU : Le Conseil de sécurité demande aux États membres de l’ONU de coordonner leur action contre Daech et d’éliminer son « sanctuaire » en Iraq et en Syrie

Catherine MAIA

À la suite de récents attentats sanglants à Paris (France) et à Beyrouth (Liban) notamment, le Conseil de sécurité a adopté, le 20 novembre, la Résolution  2249 (2015), dans laquelle il appelle les États membres de l'ONU à coordonner leur action en vue de prévenir et mettre un terme aux actes de terrorisme commis par le groupe Daech et à éliminer le « sanctuaire » qu’il a créé sur une grande partie des territoires de l’Iraq et de la Syrie.

Dans cette résolution, proposée par la France et adoptée à l'unanimité de ses 15 membres, le Conseil « demande aux Etats qui ont la capacité de le faire de prendre toutes les mesures nécessaires, (…) sur le territoire se trouvant sous le contrôle de l'EIIL, également connu sous le nom de Daech, en Syrie et en Iraq, (…) pour redoubler d'efforts et coordonner leur action en vue de prévenir et de mettre un terme aux actes de terrorisme commis en particulier » par ce groupe, « ainsi que par le Front el-Nosra et tous les autres individus, groupes, entreprises et entités associés à Al-Qaïda ».

La Résolution 2249 (2015) – la quatorzième portant sur le terrorisme depuis 1999 – invite les pays à « intensifier leurs efforts » pour empêcher leurs citoyens de s’enrôler dans les rangs de l’EI et pour tarir le financement des groupes extrémistes. Elle prévoit aussi que l’ONU prenne de nouvelles sanctions contre les dirigeants et membres du groupe et ses soutiens. En ce sens, le Conseil de sécurité exprime son intention d’actualiser rapidement la liste du Comité des sanctions créé par la Résolution 1267 (1999), « afin qu’elle tienne mieux compte de la menace que représente Daech ».

Tandis que la résolution était votée au moment où une prise d’otages dans un hôtel de Bamako (Mali)  revendiquée par le groupe djihadiste Al-Mourabitoune, lié à Al-Qaida, a fait au moins 21 morts, le Conseil a « condamn[é] sans équivoque dans les termes les plus forts les épouvantables attentats terroristes commis qui ont été commis par l'EIIL (…) le 26 juin 2015 à Sousse, le 10 octobre 2015 à Ankara, le 31 octobre 2015 au-dessus du Sinaï, le 12 novembre 2015 à Beyrouth et le 13 novembre 2015 à Paris, et tous les autres attentats commis par l'EIIL, y compris les prises d'otages et les assassinats ».

La Résolution 2249 (2015) ne donne pas à proprement parler d’autorisation légale pour agir militairement contre l’EI, ne se référant d'ailleurs pas à l'article 51 de la Charte de l'ONU, mais elle fournit un appui politique à la campagne contre les djihadistes en Syrie et Irak, campagne intensifiée à la suite des attentats du 13 novembre 2015 en France, qui ont coûté la vie à 130 personnes.

Le président français, François Hollande, a salué une résolution qui va « contribuer à la mobilisation des nations pour l’élimination de Daech ». Pour le ministre des Affaires étrangères français, Laurent Fabius, « il importe maintenant que tous les États s’engagent concrètement dans ce combat, qu’il s’agisse de l’action militaire, de la recherche de solutions politiques ou de la lutte contre le financement du terrorisme ». 

A l’ONU, l’ambassadeur français, François Delattre, a déclaré : « Face à Daech, nous avons l’humanité en commun. Nous, les Nations Unies, avons le devoir de la défendre ». « Nos actions militaires, dont nous avons informé le Conseil de sécurité dès l’origine, étaient justifiées par la légitime défense collective. Elles peuvent désormais se fonder également sur la légitime défense individuelle, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations Unies », a expliqué M. Delattre.

La France en appelle aussi à l’Europe, a poursuivi le représentant : « Mon pays a demandé et obtenu cette semaine de l’Union européenne l’activation, pour la première fois de son histoire, de la clause de solidarité mutuelle » prévue à l’article 42-7 du Traité sur l’Union européenne (TUE), a indiqué M. Delattre, en rappelant le « lourd tribut » payé par son pays dans la lutte contre le terrorisme en Syrie et en Iraq, « mais également contre Al-Qaida au Sahel ».

Depuis que cette clause a été imaginée en 1948, elle n’avait jamais été activée. Le déclenchement, le 17 novembre, de l’article 42-7 du TUE est donc un acte politique très fort. Cette clause prévoit que si un État membre de l'UE fait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir : « Au cas où un État membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l'article 51 de la Charte des Nations Unies. Cela n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres ».

Si l’ensemble des Européens ont apporté leur soutien à la France, au-delà de l’affichage de l’unité politique, la portée pratique du 42-7 du TUE paraît néanmoins limitée, dans la mesure où les pays qui disposent de moyens militaires considérables font déjà partie de la coalition militaire internationale engagée en Syrie et en Irak. Par cette mesure, Paris a avant tout souhaité légitimer ses frappes et certainement aussi entamer une discussion sur le financement des opérations au nom de la défense commune.

La France, a encore annoncé M. Delattre, « triplera dans les prochains jours » sa capacité de frappe contre Daech avec l’arrivée, dans la région, du porte-avions Charles de Gaulle. Mais cette lutte ne pourra être efficace que si elle s’appuie sur une « transition politique » permettant de mettre un terme au conflit syrien, « qui a fait, et continue de faire, le lit du terrorisme ». Ces propos ont été appuyés par plusieurs délégations, dont celles des États-Unis et de la Lituanie.

Le représentant de la Fédération de Russie à l’ONU s’est, pour sa part, félicité des amendements apportés à sa demande au texte adopté, en particulier l’inclusion de la référence à la Charte des Nations Unies, en estimant qu’il ouvre la voie à l’émergence d’un « front antiterroriste ». Toutefois, M. Vitaly Churkin a précisé que sa délégation œuvrait à la préparation d’un autre projet de résolution, conformément au projet de texte que le président russe Vladimir Poutine avait présenté fin septembre 2015. Jusqu’à aujourd’hui rejeté par les Occidentaux, ce texte prévoit d’associer le régime de Bachar Al-Assad à la lutte contre les groupes extrémistes. Or, contrairement à Moscou, Londres, Paris et Washington veulent un départ du président syrien dans le cadre d’une transition politique pour régler le conflit.






MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES RÉSULTANT D'ACTES DE TERRORISME

Résolution 2249 (2015) du Conseil de sécurité, 20 novembre 2015

Le Conseil de sécurité,

Réaffirmant ses résolutions 1267 (1999), 1368 (2001), 1373 (2001), 1618 (2005), 1624 (2005), 2083 (2012), 2129 (2013), 2133 (2014), 2161 (2014), 2170 (2014), 2178 (2014), 2195 (2014), 2199 (2015), 2214 (2015) et les déclarations pertinentes de son président,

Réaffirmant les buts et principes de la Charte des Nations Unies,

Réaffirmant son respect pour la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’indépendance et l’unité de tous les États conformément aux buts et principes consacrés dans la Charte des Nations Unies,

Réaffirmant que le terrorisme, sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, constitue une des menaces les plus graves contre la paix et la sécurité internationales et que tous les actes de terrorisme sont criminels et injustifiables, quels qu’en soient les motivations, le moment et les auteurs,

Considérant que, par son idéologie extrémiste violente, ses actes de terrorisme et les attaques violentes et généralisées qu’il continue de perpétrer systématiquement contre les civils, les atteintes flagrantes, systématiques et généralisées qu’il continue de porter aux droits de l’Homme et ses violations du droit international humanitaire, notamment celles fondées sur des motifs religieux ou ethniques, son action d’éradication du patrimoine culturel et ses activités de trafic de biens culturels, mais aussi par le contrôle qu’il exerce sur une grande partie du territoire et des ressources naturelles de l’Iraq et de la Syrie et par son recrutement et la formation de combattants terroristes étrangers qui menacent toutes les régions et tous les États membres, même ceux qui sont loin des zones de conflit, l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL, également connu sous le nom de Daech) constitue une menace mondiale d’une gravité sans précédent contre la paix et la sécurité internationales,

Rappelant que le Front el-Nosra et tous les autres individus, groupes, entreprises et entités associés à Al-Qaida constituent également une menace contre la paix et  la sécurité internationales,

Résolu à combattre par tous les moyens cette menace d’une gravité sans précédent contre la paix et la sécurité internationales,

Prenant note des lettres datées des 25 juin et 20 septembre 2014 émanant des autorités iraquiennes, dans lesquelles elles déclarent que Daech a établi un sanctuaire hors des frontières iraquiennes, qui constitue une menace directe pour la sécurité du peuple et du territoire iraquiens,

Réaffirmant que les États membres doivent s’assurer que toute mesure prise pour lutter contre le terrorisme soit conforme à l’ensemble des obligations que leur impose le droit international, en particulier le droit international des droits de l’Homme, le droit international des réfugiés et le droit international humanitaire,

Déclarant de nouveau que la situation continuera de se détériorer en l’absence d’un règlement politique du conflit syrien et soulignant qu’il importe que soient appliquées les dispositions du Communiqué de Genève en date du 30 juin 2012 qui est joint en annexe à sa Résolution 2118 (2013) et de la Déclaration du Groupe international d’appui pour la Syrie, en date du 14 novembre 2015,

1. Condamne sans équivoque dans les termes les plus forts les épouvantables attentats terroristes qui ont été commis par l’EIIL, également connu sous le nom de Daech, le 26 juin 2015 à Sousse, le 10 octobre 2015 à Ankara, le 31 octobre 2015 au-dessus du Sinaï, le 12 novembre 2015 à Beyrouth et le 13 novembre 2015 à Paris, et tous les autres attentats commis par l’EIIL, également connu sous le nom de Daech, y compris les prises d’otage et les assassinats, note que cette organisation a la capacité et l’intention de perpétrer d’autres attentats et considère que tous ces actes de terrorisme constituent une menace contre la paix et la sécurité ;

2. Exprime ses très sincères condoléances aux victimes et à leur famille, aux peuples et aux Gouvernements de la Tunisie, de la Turquie, de la Fédération de Russie, du Liban et de la France, ainsi qu’à tous les Gouvernements dont les ressortissants ont été pris pour cibles lors des attentats susmentionnés et à toutes les autres victimes du terrorisme ;

3. Condamne également dans les termes les plus forts les atteintes flagrantes, systématiques et généralisées aux droits de l’Homme et les violations du droit international humanitaire, ainsi que les actes barbares de destruction et de pillage du patrimoine culturel que continue de commettre l’EIIL, également connu sous le nom de Daech ;

4. Réaffirme que ceux qui commettent des actes terroristes, des violations du droit international humanitaire ou des atteintes aux droits de l’Homme, ou qui sont d’une manière ou d’une autre responsables de ces actes ou violations, doivent en répondre ;

5. Demande aux États membres qui ont la capacité de le faire de prendre toutes les mesures nécessaires, conformément au droit international, en particulier à la Charte des Nations Unies, au droit international des droits de l’Homme, au droit international des réfugiés et au droit international humanitaire, sur le territoire se trouvant sous le contrôle de l’EIIL, également connu sous le nom de Daech, en Syrie et en Irak, de redoubler d’efforts et de coordonner leur action en vue de prévenir et de mettre un terme aux actes de terrorisme commis en particulier par l’EIIL, également connu sous le nom de Daech, ainsi que par le Front el-Nosra et tous les autres individus, groupes, entreprises et entités associés à Al-Qaida, ainsi que les autres groupes terroristes qui ont été désignés comme tels par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies et qui pourraient par la suite être considérés comme tels par le Groupe international d’appui pour la Syrie avec l’approbation du Conseil de sécurité, conformément à la Déclaration du Groupe en date du 14 novembre, et d’éliminer le sanctuaire qu’ils ont créé sur une grande partie des territoires de l’Iraq et de la Syrie ;

6. Engage les États membres à intensifier leurs efforts pour endiguer le flux de combattants terroristes étrangers qui se rendent en Iraq et en Syrie et empêcher et éliminer le financement du terrorisme, et prie instamment tous les États membres de continuer d’appliquer intégralement les résolutions susmentionnées ;

7. Exprime son intention d’actualiser rapidement la liste du Comité des sanctions créé par la Résolution 1267 afin qu’il le tienne mieux compte de la menace que représente l’EIIL, également connu sous le nom de Daech ;

8. Décide de rester saisi de la question.
  

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