En tant que systèmes de représentation, les langues induisent une manière de percevoir et de comprendre le monde et, à ce titre, orientent l’action des individus. La prédominance d’une langue entraine en conséquence des effets sociaux et politiques majeurs, qui peuvent d’ailleurs relever d’une logique de pouvoir parfaitement consciente. Elle favorise également les individus qui maitrisent l’idiome dominant, spécialement lorsqu’il s’agit de leur langue native. Les questionnements sur la justice, au sens axiologique, ne sauraient donc faire l’économie de la dimension linguistique.
Les effets de pouvoir liés au choix d’une langue plutôt que d’une autre sont particulièrement forts lorsqu’il s’agit de dire le droit. Le langage juridique est un langage performatif dont le procès constitue l’une des formes les plus abouties. Le régime linguistique qui sera retenu, pour s’exprimer devant et au sein de la juridiction compétente, influencera nécessairement les acteurs du procès, les décisions rendues, mais aussi la lecture qui en sera faite et leur diffusion. Il débouchera, de même, sur des modalités d’organisation spécifique de la traduction : son importance est majeure tant pour les juridictions internationales qu’européennes.
Quels biais l’usage d’une langue plutôt que d’une autre entraine-t-il pour réfléchir et dire le droit ? Quelles sont ses conséquences pour l’accès au droit et pour sa compréhension ? Quelles sont les implications pratiques, économiques et juridiques des travaux de traduction ? Quels problèmes posent l’hégémonie d’une langue sur une autre, voire sur toutes les autres ? Quel régime linguistique permet le mieux d’assurer le respect des droits de la défense et plus généralement le droit à un procès équitable ?
C’est de ces questions essentielles, dans tous les procès internationaux, que traite le présent ouvrage. Il trouve son origine dans un colloque organisé en Sorbonne le 1er octobre 2021, qui a réuni des universitaires et des praticiens de toute l’Europe venus relater leur expérience et croiser leurs réflexions sur ce sujet à la fois intemporel et moderne.
Préface, Philippe Léger
OUVERTURE
Le régime linguistique des juridictions internationales. Questions de principe
Isabelle Pingel
I. LA LANGUE DE PROCÉDURE
La langue de procédure des juridictions internationales, la difficile gestion à géométrie variable d’une apparente multiplicité
Jean-Marc Sorel
La langue de procédure en matière d’arbitrage international
Benjamin Siino
Le multilinguisme procédural, horizon indépassable de la CJUE ?
Laure Clément-Wilz
II. LA LANGUE DE TRAVAIL
Les juges face au droit multilingue : dire presque la même chose
Jacques Ziller
La langue de travail des avocats généraux à la Cour de justice de l’Union européenne
Eleanor Sharpston QC
Parler droit avant de rendre justice : la langue de travail des juridictions internationales
Lapo Tempesti
III. L’ORGANISATION DE LA TRADUCTION
L’organisation de la traduction à la Cour de justice de l’Union européenne
Thierry Lefèvre
La traduction à la Cour européenne des droits de l’homme : organisation et pratique
James Brannan
IV. LA DIFFUSION DE LA DÉCISION
La diffusion des décisions de la Cour de justice de l’Union européenne
Jean-Christophe Barbato
La diffusion de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme : le cas de la Turquie
Deniz Kurmel
CONCLUSIONS GÉNÉRALES
Réflexions sur la justice linguistique et l’hégémonie de l’anglais dans les juridictions internationales
Robert Phillipson
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