A la demande de la Représentation permanente de la Libye auprès de l'ONU, le Conseil de sécurité a eu des consultations hier matin sur la question, suivies d'une réunion à huis-clos hier après-midi, au cours de laquelle le Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires politiques, B. Lynn Pascoe, a fait un exposé aux Etats membres.
Dans une déclaration lue par la Présidence du Conseil à l’issue de la réunion, les membres du Conseil de sécurité ont exprimé leur profonde inquiétude sur la situation en Libye. Ils ont «condamné la violence et l’utilisation de la force contre les civils» et ont «déploré la répression contre les manifestants pacifiques». Ils ont aussi exprimé leur profond regret concernant «la mort de centaines de civils».
Le Conseil de sécurité a appelé les autorités «à l’arrêt immédiat de la violence» et à prendre les mesures nécessaires «pour répondre aux demandes légitimes de la population, notamment au travers d’un dialogue national».
«La responsabilité du gouvernement de Libye est de protéger sa population», ont souligné les Etats membres qui ont appelé les autorités libyennes « à faire preuve de retenue, à respecter les droits de l’homme et le droit international humanitaire et à autoriser l’accès des agences humanitaires et des observateurs des droits de l’homme».
Le Conseil de sécurité a également appelé le gouvernement libyen «à respecter la liberté d’expression et de rassemblement pacifique, y compris la liberté de la presse». L’organe a souligné l’importance de poursuivre les responsables qui ont perpétré ces attaques contre les civils.
Enfin, les Etats membres ont exhorté «les autorités libyennes et toutes les parties à garantir la sécurité de tous les étrangers et à faciliter leur départ de ceux qui souhaitent quitter le pays».
«Comme vous, j'ai vu des scènes choquantes et troublantes dans lesquelles les autorités libyennes ont tiré sur les manifestants depuis des avions et des hélicoptères. Ceci est inacceptable. Cela doit cesser immédiatement», a déclaré Ban Ki-moon lors d'une conférence de presse lundi soir à Los Angeles où il devait participer à un forum destiné à sensibiliser l'industrie du divertissement sur les thèmes qui préoccupent les Nations Unies.
«Il y a déjà eu des effusions de sang en Libye. La violence contre les manifestants doit stopper immédiatement. Je l'ai dit au Colonel Mouammar Kadhafi ce matin par téléphone, je l'exhorte à protéger les droits de l'homme, la liberté de rassemblement et la liberté d'expression. Ce sont des principes fondamentaux de la démocratie. J'espère que la situation sera résolue pacifiquement par l'organisation d'un dialogue de grande envergure et ouvert à tous», a-t-il ajouté.
«Les aspirations et les inquiétudes du peuple devraient être pleinement respectées et entendues par les autorités des pays», a souligné Ban Ki-moon en ajoutant qu'il était nécessaire de donner des opportunités à la jeunesse.
La Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, a exhorté mardi les autorités libyennes à cesser les violations des droits humains et a appelé à une enquête internationale indépendante.
«La dureté avec laquelle les autorités libyennes et leurs armes meurtrières ont ciblé des manifestants pacifiques est complètement inconsciente», a déclaré mardi Navi Pillay dans un communiqué de presse.
«La communauté internationale doit être unie dans la condamnation de tels actes et doit prendre des engagements sans équivoque pour garantir aux milliers de victimes de la répression que la justice sera rendue», a-t-elle martelé.
Elle a rappelé que le rôle de l'Etat est de protéger la vie du peuple, la liberté et la sécurité. «Organiser des attaques systématiques contre la population civile peut être qualifié de crimes contre l'humanité», a prévenu la Haut commissaire.
«Les Libyens sont fatigués de la corruption, fatigués de constater que leurs ressources ne profitent qu'à un petit nombre, fatigués du chômage, fatigués que leur droits soient ignorés», a dit Navi Pillay.
«La communauté internationale doit travailler ensemble pour garantir que les droits humains et les aspirations de la population de Libye soient respectés», a-t-elle conclu.
Un groupe d'experts indépendants de l'ONU sur les droits de l'homme a estimé pour sa part que «le pouvoir ne peut pas être durable en tuant des gens» et que les événements des derniers jours pourraient être qualifiés «de crimes contre l'humanité».
«De tels actes ne peuvent rester impunis», a insisté un de ces experts, le Rapporteur de l'ONU sur les exécutions arbitraires et sommaires, Christof Heyns. «En massacrant son peuple, le gouvernement de Libye est coupable de graves violations des droits humains qui pourraient être qualifiés de crimes contre l'humanité».
«Il est important que les autorités libyennes réalisent que les responsables pourront être poursuivis par la justice pénale internationale», a souligné un autre expert, le Rapporteur spécial sur la torture et les traitements inhumains et dégradants, Juan Mendez.
Le groupe d'experts est composé également du Rapporteur de l'ONU pour la liberté d'opinion et d'expression, Frank La Rue, du co-Rapporteur du Groupe de travail sur la détention arbitraire, El Hadji Malick Sow, du co-rapporteur du Groupe de travail sur l'utilisation des mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme et d'empêcher l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, Jose Luiz Gomez del Prado, du Rapporteur spécial sur la torture et les traitements inhumains et dégradants, Juan Mendez, et de la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, Margaret Sekaggya.
De son côté, le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a indiqué mardi à Genève être « de plus en plus préoccupé » sur les dangers encourus par les civils pris malgré eux dans l'escalade de la violence en Libye, spécialement les demandeurs d'asile et les réfugiés.
«Nous n'avons actuellement pas accès à la communauté réfugiée. Ces derniers mois, nous avons essayé d'assurer une présence régulière en Libye, mais notre travail y est entravé», a indiqué Melissa Fleming, porte-parole du HCR, aux journalistes à Genève.
Elle a ajouté que certaines des informations provenant de tierces parties sont très inquiétantes. «Un journaliste nous a transmis des informations de la part de Somaliens à Tripoli qui se disent pourchassés car ils sont soupçonnés d'être des mercenaires. Le journaliste explique également que les Somaliens à Tripoli se sentent pris au piège et qu'ils ont peur de sortir de chez eux, même s'ils ont peu ou pas de nourriture», a indiqué Melissa Fleming.
Avant les troubles, le HCR avait enregistré plus de 8.000 réfugiés en Libye et un autre groupe de 3.000 demandeurs d'asile dont l'examen de la requête d'asile est actuellement en instance. Les principaux pays d'origine de ces personnes sont la Palestine, le Soudan, l'Iraq, l'Erythrée, la Somalie et le Tchad.
«Nous appelons tous les pays à reconnaître les besoins humanitaires de toutes les personnes fuyant actuellement la violence ciblée, les menaces et d'autres abus des droits humains en Libye», a indiqué Melissa Fleming du HCR.
Source : ONU