Dans une résolution adoptée à l’unanimité, les membres du Conseil de sécurité regrettent vivement «les violations flagrantes et systématiques des droits de l’Homme, notamment la répression exercée contre des manifestants pacifiques» et considèrent que «les attaques systématiques et généralisées qui se commettent en Jamahiriya arabe libyenne contre la population civile pourraient constituer des crimes contre l’humanité».
«Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies», le Conseil de sécurité exige «qu'il soit immédiatement mis fin à la violence et demande que des mesures soient prises pour satisfaire les revendications légitimes de la population». Il exhorte également les autorités libyennes «à faire preuve de la plus grande retenue, à respecter les droits de l’Homme et le droit international humanitaire», «à garantir la sécurité de tous les étrangers», «à veiller à ce que les fournitures médicales et humanitaires et les organismes et travailleurs humanitaires puissent entrer dans le pays en toute sécurité», et «à lever immédiatement les restrictions imposées aux médias».
Parmi une série de sanctions, le Conseil «décide de saisir le Procureur de la Cour pénale internationale de la situation dont la Jamahiriya arabe libyenne est le théâtre depuis le 15 février 2011».
Il décide également que «tous les Etats membres doivent prendre immédiatement les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert directs ou indirects à la Jamahiriya libyenne, à partir de leur territoire ou par leurs nationaux, ou au moyen de navires ou d'aéronefs battant leur pavillon, d'armements et de matériel connexe de tous types - armes et munitions, véhicules et matériels militaires, équipements paramilitaires et pièces détachées correspondantes -, ainsi que toute assistance technique ou formation».
Le Conseil engage les Etats membres «à prendre des mesures en vue de dissuader fermement leurs nationaux de se rendre en Jamahiriya arabe libyenne pour participer, pour le compte des autorités libyennes, à des activités susceptibles de contribuer à la violation des droits de l’Homme».
Dans leur résolution, les membres du Conseil de sécurité décident aussi que «tous les Etats membres doivent prendre les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des individus désignés dans l’annexe I à la présente résolution». Cette annexe I cite notamment le dirigeant libyen Mouammar Qadhafi, le responsable de la sécurité du régime, Abdulqader Yusef, le chef de l’organisme de renseignement extérieur, Abu Zayd Umar Dorda, le ministre de la défense, le général Abu Bakr Yunis Jabir, le directeur du renseignement militaire, le colonel Abdullah Al-Senussi, et plusieurs enfants de Mouammar Qadhafi.
Le Conseil de sécurité décide également que «tous les Etats membres doivent geler immédiatement tous les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques se trouvant sur leur territoire qui sont en la possession ou sous le contrôle direct ou indirect des individus ou entités désignés dans l’annexe II à la présente résolution». Cette annexe II cite Mouammar Qadhafi, quatre de ses fils et une de ses filles.
Après l’adoption de cette résolution, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a salué «l’action décisive» du Conseil. «Les mesures d'aujourd'hui sont dures. Dans les jours à venir, s'il le faut, des mesures encore plus fortes pourraient être nécessaires», a-t-il ajouté dans un discours devant le Conseil.
La résolution «envoie un message ferme selon lequel des violations graves des droits de l’Homme ne seront pas tolérées et que ceux qui en sont responsables devront rendre des comptes. J'espère que ce message est entendu, et pris en compte, par le régime en Libye», a-t-il ajouté. «Les sanctions que vous avez imposées sont une étape nécessaire pour accélérer la transition vers un nouveau système de gouvernance qui aura l’assentiment et auquel participera le peuple».
Plus tôt hier, le Secrétaire général a eu des entretiens téléphoniques avec le Roi Abdallah d'Arabie Saoudite et le Premier ministre italien Silvio Berlusconi au cours desquels il a demandé leur aide pour que des mesures internationales concrètes soient prises rapidement, a indiqué son porte-parole.
Dans sa conversation avec le Roi d'Arabie Saoudite, il a fait le point sur les efforts des Nations Unies pour mettre fin aux violences en Libye et pour que les responsables de ces violences rendent des comptes. Il a souligné le rôle politique et religieux clé de l’Arabie Saoudite dans la région.
Lors de son entretien avec Silvio Berlusconi, il a discuté des options disponibles pour faire face à la crise et a demandé le soutien renouvelé de l’Italie pour faire en sorte que des mesures rapides soient prises.
De son côté, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) s'est déclaré profondément préoccupé par les informations selon lesquelles des enfants et des adolescents ont été tués et blessés dans l’escalade de violence qui affecte un certain nombre de pays du Moyen-Orient et d''Afrique du Nord, dont la Libye.
«Aucun enfant ne devrait être exposé à de quelconques formes de danger, qui pourraient avoir un effet sur le long terme sur leur survie et leur état de santé psychologique», a déclaré le Directeur exécutif de l’UNICEF, Anthony Lake.
Pour sa part, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a décidé le 25 février, lors d’une séance spéciale consacrée à la situation en Libye, de créer une commission d’enquête indépendante et internationale pour faire la lumière sur la répression dans ce pays et a demandé à l’Assemblée générale de l’ONU de suspendre la Libye du Conseil.
Réuni à Genève, le Conseil a décidé «d’envoyer une commission d’enquête indépendante et internationale, qui sera nommée par le Président du Conseil, pour enquêter sur les allégations de violations des droits de l’Homme en Libye afin d’établir les faits et les circonstances des violations et des crimes perpétrés ».
Adoptée à l’unanimité de ses 47 membres, la résolution prévoit que la commission d’enquête devra «identifier les responsables et faire des recommandations afin de garantir que les responsables rendent des comptes». Les recommandations et conclusions de l’enquête devront être présentées à la 17e session du Conseil des droits de l’Homme.
Le Conseil a aussi recommandé à l’Assemblée générale de l’ONU, «au regard des violations systématiques des droits de l’Homme par les autorités libyennes» la suspension du pays en tant que membre du Conseil des droits de l’Homme.
Dans sa résolution, le Conseil a appelé les autorités libyennes à «garantir l’accès des organisations humanitaires et des droits de l’Homme» et «assumer sa responsabilité de protéger sa population».
En ouverture de cette session spéciale sur la Libye, la Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'Homme, Navi Pillay, a appelé le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU à «utiliser tous les moyens disponibles pour contraindre le gouvernement libyen à respecter les droits de l'Homme et à tenir compte de la volonté de son peuple».
«Il ne fait aucun doute que le Conseil doit agir maintenant. Le Conseil des droits de l'Homme doit prendre des mesures vigoureuses pour mettre un terme à la violence en Libye et faire en sorte que les responsables de ces atrocités rendent des comptes», a déclaré Navi Pillay. «Les victimes des violations des droits de l'Homme et des violations du droit international humanitaire ne méritent pas moins».
«La gravité de la situation et la répression violente contre le soulèvement du pays nécessitent une attention urgente», a-t-elle souligné en précisant qu'au Sommet du Conseil des droits de l'homme de 2005, les Etats membres avaient unanimement accepté l'idée qu'incombe à chaque Etat la responsabilité de protéger son peuple des crimes contre l'humanité et d'autres crimes.
«Cette responsabilité impose donc la prévention de ces crimes notamment la prévention de leur incitation au travers de moyens appropriés. Quand un Etat échoue manifestement à protéger sa population contre des crimes, la communauté internationale a la responsabilité de prendre des mesures de protection de manière collective, opportune et décisive», a-t-elle martelé. Navi Pillay a souligné que les manifestants demandaient l'aide de l'ONU et de la communauté internationale. «Nous devons tenir compte de ces aspirations à la liberté, à la dignité et à la gouvernance responsable. Loin d'être manipulée par des forces extérieures, leur protestation est la preuve du pouvoir du peuple, un exemple de démocratie directe qui mérite un soutien et un respect international», a plaidé la Haut commissaire devant le Conseil des droits de l'Homme.
«Malgré les condamnations internationales et les appels à la retenue, les dirigeants libyens ont choisi de fomenter un conflit. Mouammar Kadhafi a appelé ses partisans à sortir et à traquer les manifestants «jusque dans leur tanière, a-t-il dit». La Haut commissaire a également décrit l'ampleur de la répression. Les manifestants se sont fait tirés dessus à l'arme à feu depuis des hélicoptères et des avions de l'armée, des tireurs sont postés sur les toits des immeubles et exécutent les manifestants, les ambulances sont bloquées, la plupart des victimes ont été tuées par des balles dans la tête, la poitrine ou la nuque.
«Selon plusieurs sources d'informations, des meurtres auraient été perpétrés par des combattants étrangers qui seraient apparemment amenés dans le pays et équipés d'armes légères par le gouvernement pour réprimer les manifestants», a précisé Navi Pillay.
Elle a également exhorté les pays voisins à ouvrir leurs frontières et à garantir que les réfugiés qui ont fui la violence en Libye soient accueillis et traités humainement. La Haut commissaire a réitéré son appel à la mise place d'une enquête indépendante et impartiale sur la répression dans le pays.
«Soyons clairs, cette situation choquante et brutale est le résultat direct d'une totale indifférence pour le droit et la liberté des Libyens pendant quarante ans. La justice doit être rendue que ce soit pour les abus actuels mais aussi passés», a-t-elle conclu.
Le Président du Groupe de travail sur l'utilisation des mercenaires comme moyen de violer les droits de l'Homme et d'empêcher l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, Jose-Luis Gomez del Prado, a aussi prononcé un discours de la part du Comité de coordination des procédures spéciales du Conseil des droits de l'Homme, qui réunit l'ensemble des experts indépendants auprès de ce Conseil.
Le Comité a condamné «dans les termes les plus forts la violente répression a l'encontre de manifestants» et a déploré que «le gouvernement cible le peuple qu'il est censé protéger».
«Nous pensons que les discussions et la résolution qui doit être adoptée mènera à une action immédiate afin de mettre un terme aux violations des droits de l'homme et de garantir la protection des droits de tous les hommes, femmes et enfants en Libye», poursuit le Comité.
L'entité a également souligné que les autorités devaient être conscientes qu'elles pourraient être poursuivies par la justice pénale internationale. «Nous appelons à l'arrêt de l'usage excessif de la force, y compris l'usage des armes létales contre les manifestants», a conclu le Comité.
Source : ONU