Catherine MAIA
Créée par le Statut de Rome en 1998, la Cour pénale internationale (CPI) est une juridiction permanente ayant compétence pour juger
les crimes les plus graves affectant la communauté internationale : le
génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime
d’agression. Composée de 125 États – soit près des deux tiers des membres des
Nations Unies – elle offre une voie de recours aux victimes de crimes
internationaux lorsque les juridictions nationales ne peuvent ou ne veulent pas
engager de poursuites.
Malgré son rôle majeur dans la lutte contre l’impunité, la CPI doit actuellement faire face à l’opposition véhémente des États-Unis. En effet, dès sa prise de fonction en janvier 2025, le président américain, Donald Trump, a adopté une position hostile à l'égard de la Cour, qu’il accuse de menacer la souveraineté des États-Unis et celle de son allié Israël. Le 6 février 2025, il a signé un décret imposant des sanctions à l’encontre de la CPI, incluant le gel des avoirs et l’interdiction de séjour sur le territoire américain pour ses représentants et toute personne soutenant ses enquêtes visant des citoyens américains ou leurs alliés.
Ces mesures faisaient suite à la délivrance, dans le cadre de l’enquête sur les crimes commis à Gaza, de mandats d’arrêt en novembre 2024 pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité contre le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, ainsi que Mohammed Deif, commandant en chef de la branche militaire du Hamas.
Ce n’est pas la première fois que les États-Unis adoptent
une telle posture hostile vis-à-vis de la CPI. En 2020, lors de son premier
mandat présidentiel, Donald Trump avait déjà imposé des sanctions contre la
Procureure de la CPI, Fatou Bensouda, en réaction à l’enquête ouverte sur
d’éventuels crimes de guerre commis par des membres des forces armées
américaines en Afghanistan, sanctions ensuite levées sous la présidence de Joe
Biden en 2021.
Les États-Unis ne sont d’ailleurs pas les seuls à manifester
une telle animosité envers la CPI. En mars 2023, après l’émission d’un mandat
d’arrêt contre le président russe, Vladimir Poutine, pour transfert illégal et
déportation d’enfants ukrainiens, la Russie a adopté des mesures de rétorsion
contre la Cour. Quelques semaines plus tard, une enquête pénale a été ouverte
contre le Procureur de la CPI, Karim Khan, et plusieurs juges, accusés de
décisions illégales, tandis qu’une loi a criminalisé toute coopération avec la
Cour.
Même si les États-Unis, tout comme la Russie, sont tiers au
Statut de Rome et n’ont donc pas d’obligation de coopérer avec la CPI, les
sanctions imposées à cette juridiction soulèvent de sérieuses questions en droit international. En cherchant à intimider le personnel de la Cour, elles
portent atteinte à son indépendance judiciaire. En outre, en entravant le bon
fonctionnement d’une institution essentielle à la lutte contre l’impunité des
crimes internationaux, elles sapent la coopération internationale en matière de
poursuites et compromettent le droit des victimes à obtenir justice. Elles envoient
également un signal négatif quant à l’effectivité de la justice pénale
internationale, créant un dangereux précédent où des États puissants cherchent
à échapper à toute responsabilité.
Face à cette situation, l’ONU a dénoncé ces sanctions, les
qualifiant de violations de la liberté d’action d’une juridiction indépendante.
De même, plusieurs États parties au Statut de Rome ont exprimé leur soutien à
la CPI, conformément à leurs obligations découlant de l’Accord sur les
privilèges et immunités de la Cour pénale internationale de 2002.
À cet égard, l’Union européenne, dont tous les États membres sont
parties au Statut de Rome, pourrait jouer un rôle clé en activant sa Loi de blocage, conçue pour neutraliser les effets extraterritoriaux de sanctions
imposées par des pays tiers lorsqu’elles sont considérées comme contraires au
droit international. Une telle activation serait d’autant plus utile que les
sanctions américaines ne cibleront pas seulement la CPI, mais plus largement
les entreprises impliquées directement ou indirectement dans son fonctionnement,
telles que les banques, agences de sécurité ou encore hôtels accueillant des
témoins. Ce sont là autant de partenaires financiers, sécuritaires et
logistiques qui risquent de suspendre leur collaboration avec la Cour.
Face à cette offensive contre la justice pénale
internationale, l’inaction n’est pas une option. Dans un contexte où la
confrontation entre l’administration Trump et la CPI illustre les limites du
droit international lorsqu’un État puissant refuse d’y adhérer, il est plus que
jamais essentiel que les États membres de la CPI réaffirment leur soutien à la
Cour et leur engagement en faveur d’un ordre juridique international fondé sur
le multilatéralisme et la coopération judiciaire face aux crimes les plus
graves.
photographié en novembre 2019. © 2019 AP Photo/Peter Dejong, File
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire