L’Etat se définit traditionnellement par une souveraineté s’exerçant sur un territoire et une population. Dans l’exercice de cette souveraineté, il a compétence pour déterminer quels sont ses nationaux, comme la Cour permanente de justice internationale l’a précisé en 1923 dans son avis consultatif des décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc. Cette compétence demeure exclusive, comme l’ont rappelé la convention de La Haye de 1930 et la convention européenne de 1997 et comme l’a reconnu la Cour de justice de l’Union européenne. Les législations adoptées et les décisions administratives et judiciaires prise en ce domaine par chaque Etat doivent par suite être reconnues par les autres Etats.

Il peut arriver de ce fait qu’aucun Etat ne revendique un individu comme son national et que ce dernier naisse ou devienne apatride. Il se peut également que plusieurs Etats accordent leur nationalité à une même personne qui jouit alors de plusieurs nationalités.

Les cas d’apatridie ont semblé longtemps ne soulever que des problèmes techniques ne concernant qu’un nombre limité de personnes. A la veille de la seconde guerre mondiale, ces cas s’étaient cependant multipliés dans des conditions particulièrement choquantes du fait des déchéances de nationalité prononcées par le régime nazi à l’encontre de juifs allemands ou autrichiens. Au lendemain de la guerre s’est par suite développé un mouvement de pensée prônant le passage d’un droit de la nationalité à un droit à la nationalité. Divers instruments internationaux ont été adoptés en vue de tenter de prévenir ou de résoudre les cas d’apatridie. Leur succès a été limité puisqu’aux dires des Nations Unies, il existerait encore aujourd’hui une douzaine de millions d’apatrides de par le monde.

Les cas de nationalité multiples ont par ailleurs été en se multipliant dans les dernières décennies. Cette évolution a plusieurs causes. La mondialisation a joué à cet égard un rôle important en multipliant les hypothèses dans lesquelles un enfant nait de parents étrangers sur le territoire d’un Etat, bénéficiant ainsi tant du jus sanguinis que du jus soli. La reconnaissance de l’égalité des sexes dans le mariage et la filiation, puis dans le jeu du jus sanguinis a créé des possibilités nouvelles d’acquisition de nationalité. S’y est ajoutée la recherche de nationalités de précaution par certaines personnes pour elles-mêmes ou pour leurs enfants. Nombre d’Etats ont abdiqué devant ce phénomène et ont finalement accepté ces doubles, voire ces triples allégeances. Au total, les conditions d‘octroi et de retrait de la nationalité ont peu évolué au cours du siècle dernier. En revanche, certaines évolutions doivent être notées pour ce qui est des effets de la nationalité. A cet égard, la proclamation et la garantie des droits de l’homme au niveau mondial, et surtout au niveau régional ont eu des conséquences indirectes dans divers domaines. En outre l’apparition de la citoyenneté européenne a introduit dans le jeu non seulement la Cour de Strasbourg, mais encore celle de Luxembourg.

Ces différentes questions et bien d’autres ont fait l’objet d’une analyse attentive au cours du colloque. Les enjeux essentiels de celui-ci ont été présentés dans le rapport introductif du professeur Sébastien Touzé. Celui-ci a d’abord rappelé que le terme « nationalité » n’est apparu qu’au début du XIXème siècle sous la plume de Mme de Staël évoquant la mélancolie de Corinne et ses incertitudes, partagée qu’elle est entre deux nationalités nées d’une double éducation. A partir de 1830, le terme caractérise les liens unissant des hommes formant une communauté homogène de race, de langue, de religion ou de culture. Puis avec la multiplication des Etats-nations, la nationalité cesse d’être une notion purement sociologique pour devenir une réalité politique. 
Préface de Gilbert GUILLAUME (extrait)


TABLE DES MATIERES
Préface par Gilbert Guillaume
Avant-Propos par Sébastien Touzé

RAPPORT INTRODUCTIF
La notion de nationalité en droit international, entre unité juridique et pluralité conceptuelle
par Sébastien Touzé

PREMIERE PARTIE : LES FONDEMENTS DU DROIT INTERNATIONAL DE LA NATIONALITE
L’identification des sources du droit international de la nationalité
par Mónica Pinto

L’articulation des sources du droit de la nationalité
par Fabien Marchadier

DEUXIEME PARTIE : L’ETAT ET LA NATIONALITE
Les compétences de l’Etat en matière d’octroi et de déchéance de la nationalité
par Paul Lagarde

L’opposabilité et la preuve de la nationalité de l’Etat en droit international
par Jean Combacau

TROISIEME PARTIE : NATIONALITE ET CONDITION JURIDIQUE DE LA PERSONNE EN DROIT INTERNATIONAL
De la reconnaissance d’un « droit à la nationalité » en droit international
par Mohamed Bennouna

Le principe de non extradition des nationaux
par Jean-Marc Thouvenin

Nationalité et minorités en droit international
par Marc Bossuyt

QUATRIEME PARTIE : PROBLEMATIQUES SPECIFIQUES DE DETERMINATION JURIDIQUE DU LIEN DE NATIONALITE
Les changements collectifs de nationalité
par Anne Peters

La nationalité et le « choix du for » dans les contentieux internationaux privés
par Mathias Audit

CINQUIEME PARTIE : LES PHENOMENES DE MUTATION JURIDIQUE DE LA NATIONALITE EN DROIT INTERNATIONAL
La nationalité dans les organisations internationales
par Evelyne Lagrange

Les statuts juridiques alternatifs ou complémentaires à la nationalité
par Jean-Yves Carlier

ATELIERS

Atelier 1: Nationalité et protection internationale des droits de l’Homme
Propos introductifs
par Hélène Tigroudja et Ludovic Hennebel

Réflexions sur le statut d’apatride en droit international
par Arnaud de Nanteuil

Nationalité et discrimination : la problématique de l’accès aux droits de l’Homme
par Di-Gore Simmala

La protection des droits de l’Homme du plurinational en cas de nationalité multiple
par Sandrine Turgis

Atelier 2: Nationalité et conflits armés
Propos introductifs
par Bérangère Taxil et Philippe Lagrange

Nationalité des personnes physiques et succession d’Etats
par Florian Aumond

La condition de nationalité posée par l’article 4 de la Convention IV de Genève de 1949 à l’épreuve des conflits armés contemporains ?
par Sébastien Marmin

Atelier 3 : Nationalité et discriminations en droit international
Propos introductifs
par Edouard DuboutetCéline Lageot

La nationalité en droit de l’Union européenne : différences de traitement et protection
par Nicolas Cariat

Etranger et discrimination en droit pénal : l’influence du droit international
par Céline Chassang

Non-discrimination et droit des personnes appartenant à des minorités « nationales »
par Romélien Colavitti

Atelier 4 : Nationalité et activités transnationales
Propos introductifs
par Franck Latty et Benjamin Remy

La nationalité des personnes morales en droit international public
par Nicolas Angelet

L’apport des conventions bilatérales d’investissement au droit de la « nationalité » des personnes morales
par Arnaud Tournier

L’émergence d’une lex electronica : quelle place pour l’Etat et la nationalité ?
par Elodie Tranchez

CONCLUSIONS GÉNÉRALES
Etat, nation et nationalité
par Joe Verhoeven

Droit international et nationalité

SFDI, Droit international et nationalité, Colloque de Poitiers de la Société française pour le droit international, Paris, Pedone, 2012 (528 pp.)