20 juin 2013

RAPPORT : La Commission d'enquête internationale indépendante sur la Syrie publie son quatrième rapport

Thierry RANDRETSA

Dans son dernier rapport publié le 4 juin, la Commission d'enquête internationale indépendante sur la Syrie détaille les crimes de guerre commis par le Gouvernement syrien, ainsi que par les forces d'opposition, avant d'appeler à un regain diplomatique robuste afin de mettre un terme à la violence.

« Les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité sont une réalité quotidienne en Syrie. Les récits effroyables des pertes en vies humaines marquent nos consciences au fer rouge, alors que la recherche de la justice n'a jamais été aussi impérieuse », indique la Commission dans son rapport soumis le 4 juin au Conseil des droits de l'homme à Genève.

Formée de Paulo Sergio Pinheiro, qui en est le Président, de Karen AbuZayd, de Carla Del Ponte et de Vitit Muntarbhorn, la Commission a été créée, le 23 août 2011, par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies pour enquêter sur toutes les violations des droits de l'homme perpétrées en Syrie.

Ce dernier rapport, le quatrième, couvre la période allant du 15 janvier au 15 mai 2013, et détaille pour la première fois l'imposition systématique d'états de siège, l'utilisation d'armes chimiques et les déplacements forcés.

« La Syrie est en chute libre », a dit M. Pinheiro le 4 juin devant le Conseil. « Personne n'est en train de gagner la guerre et personne ne la gagnera. La livraison d'armes supplémentaires ne conduira qu'à plus de civils tués ou blessés ». M. Pinheiro a également rappelé que le dialogue était le seul moyen de règlement d'un conflit qui a fait plus de 70.000 victimes civiles et déplacé plus de quatre millions de personnes depuis son commencement en mars 2011. « Nous exhortons les Etats à user de leur influence auprès des parties au conflit afin de protéger les civils », a-t-il ajouté, alors que les experts dans leur rapport – lequel se base sur 430 témoignages et autres moyens de preuve - soulignent le coût exorbitant en vies humaines lié à une circulation accrue d'armes en Syrie.

Si les forces du Gouvernement syrien ont, selon les experts, commis des « meurtres, des actes de torture, des viols, des déplacements et des disparitions forcées » dans le cadre d'attaques systématiques et généralisées contre les populations civiles, les forces de l'opposition sont également responsables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, en particulier des actes de torture, des prises d'otage et des exécutions extrajudiciaires. « Les violations commises par les groupes armés anti-gouvernementaux n'ont néanmoins pas la gravité et l'ampleur des abus commis par les forces du Gouvernement et les milices qui lui sont fidèles », affirme le rapport.

Selon les experts, il y a en outre des motifs raisonnables de penser que des produits chimiques ont été utilisés en tant qu'armes. Si des allégations concernant l'utilisation d'armes chimiques par les deux parties sont évoquées, la majorité d'entre elles concernent les troupes du Président syrien Bachar Al-Assad. « Dans quatre attaques – Khan Al-Assal près d'Alep le 19 mars, à Uteibah près de Damas le 19 mars, dans le quartier de Cheikh Maksoud à Alep le 13 avril et dans la ville de Sarakeb le 29 avril - il y a des motifs raisonnables de penser que des quantités limitées de produits chimiques ont été utilisées », affirme le rapport.

Il n'est toutefois pour l'instant pas possible, sur la base des éléments de preuve à disposition, de déterminer avec précision la nature de ces agents chimiques, les systèmes d'utilisation employés ni ceux qui les ont utilisés, alors que d'autres incidents, toujours selon ce rapport, font également l'objet d'enquêtes. « Il est en conséquence crucial que se déploie en Syrie la mission d'établissement des faits chargée de vérifier les allégations selon lesquelles des armes chimiques auraient été employées dans ce pays», écrivent les experts.

Cette mission, présidée par le professeur Ǻke Sellström, est toujours dans l'attente de son déploiement, le gouvernement syrien, en dépit des appels répétés du Secrétaire général, ne l'ayant pas encore autorisé. « Une intensification des efforts diplomatiques est la seule voie pour une solution politique en Syrie. Les négociations doivent être inclusives, toutes les facettes de la mosaïque syrienne devant être représentées», conclut la Commission d'enquête dans son rapport.

Le représentant syrien à Genève, Faysal Khabbaz Hamoui, a rejeté ledit rapport en raison de son manque d'objectivité. « La Commission d'enquête ne dit rien des violations systématiques de la souveraineté de mon pays commises par des Etats voisins qui apportent un soutien logistique aux groupes terroristes opérant en Syrie », a-t-il affirmé.

Source : ONU


Summary
The conflict in Syria has reached new levels of brutality. This report documents for the first time the systematic imposition of sieges, the use of chemical agents and forcible displacement. War crimes, crimes against humanity and gross human rights violations continue apace. Referral to justice remains paramount.
This report covers the period 15 January to 15 May 2013. The findings are based on 430 interviews and other collected evidence.
Government forces and affiliated militia have committed murder, torture, rape, forcible displacement, enforced disappearance and other inhumane acts. Many of these crimes were perpetrated as part of widespread or systematic attacks against civilian populations and constitute crimes against humanity. War crimes and gross violations of international human rights law – including summary execution, arbitrary arrest and detention, unlawful attack, attacking protected objects, and pillaging and destruction of property –have also been committed. The tragedy of Syria’s 4.25 million internally displaced persons is compounded by recent incidents of IDPs being targeted and forcibly displaced.
Anti-Government armed groups have also committed war crimes, including murder, sentencing and execution without due process, torture, hostage - taking and pillage. They continue to endanger the civilian population by positioning military objectives in civilian areas. The violations and abuses committed by anti-Government armed groups did not, however, reach the intensity and scale of those committed by Government forces and affiliated militia.
There are reasonable grounds to believe that chemical agents have been used as weapons.  The precise agents, delivery systems or perpetrators could not be identified.
The parties to the conflict are using dangerous rhetoric that enflames sectarian tensions and risks inciting mass, indiscriminate violence, particularly against vulnerable communities
War crimes and crimes against humanity have become a daily reality in Syria where the harrowing accounts of victims have seared themselves on our conscience.
There is a human cost to the increased availability of weapons. Transfers of arms heighten the risk of violations, leading to more civilian deaths and injuries.
A diplomatic surge is the only path to a political settlement. Negotiations must be inclusive, and must represent all facets of Syria’s cultural mosaic.

Résumé
Le conflit en Syrie a franchi un nouveau pallié dans la brutalité. Pour la première fois, le rapport mentionne l’usage systématique des sièges, l’emploi d’agents chimiques et des déplacements forcés. Crimes de guerre, crimes contre l’humanité et violations graves des droits de l’Homme continuent au même rythme. Le renvoi devant la justice est primordial.
Ce rapport couvre la période du 15 janvier au 15 mai 2013. Les résultats sont basés sur 430 interviews et d’autres preuves collectées.
Les forces gouvernementales et les milices affiliées ont commis des meurtres, pratiqué la torture, le viol, les disparitions forcées et d’autres actes inhumains. Nombre de ces crimes constituent des crimes contre l’humanité. Les crimes de guerre et les violations graves du droit international des droits de l’Homme – comprenant des exécutions sommaires, des détentions arbitraires, des attaques illégales, des attaques contre des objets protégés, le pillage et la destruction de propriété – ont aussi été commis. La tragédie des 4,25 millions de personnes déplacées internes de Syrie a été aggravée par les incidents récents de PID ciblées et déplacées de force. Les groupes armés anti-gouvernementaux ont aussi commis des crimes de guerre, dont des meurtres, des condamnations et des exécutions sans procès, de la torture, des prises d’otages et du pillage. Ils continuent à mettre en danger la population civile en plaçant des objectifs militaires dans des zones civiles. Les violations et les abus commis par les groupes armés anti-gouvernementaux n’ont, cependant, pas atteint l’intensité et l’échelle de ceux commis par les forces gouvernementales et ses milices.
Il y a des motifs raisonnables de croire que des agents chimiques ont été utilisés comme armes. Les agents précis, le mode de dissémination ainsi que les auteurs de ces attaques n’ont pas pu être identifiés.
Les Parties au conflit emploient une rhétorique dangereuse qui attisent les tensions sectaires et risque d’inciter à des violences de masse et indiscriminée, particulièrement contre les communautés vulnérables.
Crimes de guerre et crimes contre l’humanité sont devenus une réalité quotidienne en Syrie où le décompte poignant des victimes a marqué durablement notre conscience.
Il y a un coût humain à la disponibilité accrue des armes. Les transferts d’armes augmentent les risques de violations, conduisant à plus de morts civils et de blessés.
Une poussé diplomatique est la seule voie vers un règlement politique. Les négociations doivent être inclusives et représentées toutes les facettes de la mosaïque culturelle de la Syrie.

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