25 septembre 2013

ACTU : Le Costa Rica demande à la CIJ d’indiquer de nouvelles mesures conservatoires en l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière

David ROY

La République du Costa Rica a, le 24 septembre 2013, déposé au Greffe de la Cour internationale de Justice (CIJ) un document intitulé «Demande en indication de nouvelles mesures conservatoires» en l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) (ci-après «l’affaire Costa Rica c. Nicaragua»).

Le Costa Rica affirme que sa demande fait suite i) à la présence continue du Nicaragua en territoire costa-ricien ; ii) à la construction, par le Nicaragua, de deux nouveaux chenaux (caños) artificiels dans le «territoire litigieux» qui faisait l’objet de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires que la Cour a rendue le 8 mars 2011, construction qui a débuté récemment et se poursuit à l’heure actuelle ; et iii) à certaines activités connexes de dragage et de déversement, menées par le Nicaragua, qui affectent ce territoire et en perturbent les écosystèmes.

Le Costa Rica soutient que la construction de ces «nouveaux chenaux», qui se trouvent selon lui sur la rive droite du fleuve San Juan et à proximité de l’embouchure de celui-ci, a débuté entre les mois de juin et de septembre 2013 ; qu’il «a eu connaissance pour la première fois de possibles activités dans le territoire litigieux à la fin du mois d’août [2013]» ; et qu’il a obtenu, le 13 septembre 2013, des images satellite confirmant la construction de ces deux nouveaux caños artificiels.

Le Costa Rica rappelle que, dans l’ordonnance du 8 mars 2011, la Cour : demandait aux Parties de s’abstenir d’envoyer ou de maintenir dans le territoire litigieux, y compris le caño, des agents, qu’ils soient civils, de police ou de sécurité ; autorisait le Costa Rica, dans certaines circonstances spécifiques, à y envoyer des agents civils chargés de la protection de l’environnement ; et exhortait les Parties à ne pas aggraver ou étendre le différend dont elle était saisie, ou à en rendre la solution plus difficile.

Le Costa Rica rappelle aussi que les deux Parties ont demandé à la Cour de modifier son ordonnance du 8 mars 2011, et que la Cour a rejeté leurs demandes par une ordonnance du 16 juillet 2013.

La présente demande, précise le Costa Rica, ne tend pas à obtenir la modification de l’ordonnance du 8 mars 2011 mais «constitue une demande distincte fondée sur des faits nouveaux». Le Costa Rica soutient que, depuis le prononcé de l’ordonnance du 16 juillet 2013, il a «découvert que le Nicaragua se livrait à des activités nouvelles et graves dans le territoire litigieux».

Il ajoute qu’il a «aussitôt protesté auprès du Nicaragua» mais que celui-ci «a refusé de mettre immédiatement un terme à ses activités de construction», allant même «jusqu’à nier l’existence des nouveaux caños artificiels alors que des images satellite en apportent la preuve irréfutable».

Dans sa demande, le Costa Rica affirme en outre que, «à travers ce chantier et le dragage en cours des caños, le Nicaragua tente de modifier de façon unilatérale, à son propre profit, l’emplacement et la configuration du fleuve [San Juan], dont la rive droite constitue une frontière internationale valide, convenue et établie».

Le Costa Rica précise qu’il cherche à protéger «ses droits à la souveraineté, à l’intégrité territoriale et à la non-ingérence dans ses terres et dans ses zones dont l’environnement est protégé». Il affirme également qu’«[i]l existe un risque réel que les activités continues du Nicaragua dans le territoire litigieux causent un nouveau préjudice irréparable aux droits du Costa Rica qui font l’objet de la présente affaire» et que «le caractère urgent de la présente demande est démontré par les dommages que le Nicaragua ne cesse d’infliger au territoire costa-ricien faisant l’objet du présent différend».

Dans sa demande, le Costa Rica déclare que, «[s]i la Cour n’indique pas, d’urgence, les mesures conservatoires demandées, le Costa Rica, qui n’est pas en mesure d’exercer sa souveraineté territoriale sur le territoire litigieux (une zone humide protégée) tant que ce différend n’est pas réglé, ne pourra que se voir reconnaître, par l’arrêt définitif, une zone géographiquement modifiée et gravement endommagée».

Pour ces motifs, le Costa Rica
«prie respectueusement la Cour, dans l’attente de la décision qu’elle rendra sur le fond de la présente affaire, d’indiquer d’urgence les mesures conservatoires suivantes afin d’empêcher qu’il soit une nouvelle fois porté atteinte à son intégrité territoriale ou que de nouveaux dommages irréparables soient causés au territoire en question :

1) la suspension immédiate et inconditionnelle de tous travaux de dragage ou autres dans le territoire litigieux et, en particulier, la cessation de tous travaux sur les deux nouveaux caños artificiels … ;
2) l’obligation, pour le Nicaragua, de retirer immédiatement du territoire litigieux tous agents, installations (y compris les tentes de campement) et matériels (notamment de dragage) qui y ont été introduits par lui-même ou par toute personne relevant de sa juridiction ou venant de son territoire ;
3 l’autorisation, pour le Costa Rica, d’effectuer dans le territoire litigieux tous travaux de remise en état sur les deux nouveaux caños artificiels et les zones environnantes qui se révèleront nécessaires pour empêcher qu’un préjudice irréparable soit causé audit territoire ; et
4) l’obligation, pour chacune des Parties, d’informer immédiatement la Cour et, au plus tard, une semaine après le prononcé de l’ordonnance, de la manière dont elle assure la mise en œuvre des mesures conservatoires susmentionnées.»

Le Costa Rica ajoute qu’il «se réserve le droit de modifier cette demande et les mesures sollicitées à la lumière de nouvelles informations qu’il pourrait obtenir concernant les plans et actions unilatéraux du Nicaragua ».


Historique de la procédure

Il est rappelé que, le 17 avril 2013, la Cour a joint les instances dans l’affaire Costa Rica c. Nicaragua et dans l’affaire relative à la Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), «conformément au principe de bonne administration de la justice et aux impératifs d’économie judiciaire».

L’historique de ces procédures figure aux paragraphes 1 à 11 de l’ordonnance du 16 juillet 2013.

 

Texte intégral de la demande

Le texte intégral de la demande du Costa Rica sera prochainement disponible sur le site Internet de la Cour, sous la rubrique «Affaires contentieuses», dans la documentation relative à l’affaire Costa Rica c. Nicaragua.


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La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Elle a été instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies et a entamé ses activités en avril 1946. La Cour a son siège au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas). C’est le seul des six organes principaux de l’ONU dont le siège ne soit pas à New York. La Cour a une double mission, consistant, d’une part, à régler conformément au droit international les différends d’ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats (par des arrêts qui ont force obligatoire et sont sans appel pour les parties concernées) et, d’autre part, à donner des avis consultatifs sur les questions juridiques qui peuvent lui être soumises par les organes de l’ONU et les institutions du système dûment autorisées à le faire. La Cour est composée de quinze juges, élus pour un mandat de neuf ans par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies. Indépendante du Secrétariat des Nations Unies, elle est assistée par un Greffe, son propre secrétariat international, dont l’activité revêt un aspect judiciaire et diplomatique et un aspect administratif. Les langues officielles de la Cour sont le français et l’anglais. Aussi appelée «Cour mondiale», elle est la seule juridiction universelle à compétence générale.

Il convient de ne pas confondre la CIJ, juridiction uniquement ouverte aux Etats (pour la procédure contentieuse) et à certains organes et institutions du système des Nations Unies (pour la procédure consultative), avec les autres institutions judiciaires, pénales pour la plupart, établies à La Haye et dans sa proche banlieue, comme par exemple le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (ou TPIY, juridiction ad hoc créée par le Conseil de sécurité), la Cour pénale internationale (CPI, la première juridiction pénale internationale permanente, créée par traité, qui n’appartient pas au système des Nations Unies), le Tribunal spécial pour le Liban (ou TSL, organe judiciaire indépendant composé de juges libanais et internationaux), ou encore la Cour permanente d’arbitrage (CPA, institution indépendante permettant de constituer des tribunaux arbitraux et facilitant leur fonctionnement, conformément à la Convention de La Haye de 1899).

Source : CIJ

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