Trop c'est trop pour les Burkinabés. Les 28 et 29 octobre,
des milliers d'entre eux exprimaient dans les rues de Ouagadougou leur refus de
voir leur président, Blaise Compaoré, prolonger un règne déjà long de
vingt-sept années, le faisant figurer en sixième position des présidents
africains en terme de longévité.
PUTSCH ET AMENDEMENTS DE LA CONSTITUTION
Blaise Compaoré a longtemps tardé à dévoiler ce projet de «
coup d'Etat constitutionnel ». Fidèle à sa réputation d'homme secret, le chef d’État
burkinabé ne s'est jamais montré empressé de prendre sa retraite, se posant en
garant de la stabilité de ce pays sahélien.
Né le 3 février 1951 à Ouagadougou, Blaise Compaoré a accédé
à la plus haute marche du pouvoir à 36 ans, après un coup d'État qui lui a
permis d'éliminer ses opposants. Au cours de ce putsch était également tué son
frère d'armes et ami d'enfance, le capitaine Thomas Sankara, père de la «révolution démocratique et populaire», un héritage que Blaise Compaoré s’est
vite chargé de reléguer au second plan, affichant sa volonté de tourner la page
des années Sankara.
Il rétablit le multipartisme en 1991, ce qui ne l'empêcha
pas de modifier l'article 37 de la Constitution six ans plus tard, pour pouvoir
participer aux élections présidentielles. En 2000, l'article 37 de la
Constitution était à nouveau amendé : le septennat devint quinquennat,
renouvelable une fois. Au nom de la non-rétroactivité d'une révision de la Loi
fondamentale, et au mépris de la Charte de l'Union africaine de la démocratie,
des élections et de la gouvernance de 2007, le Conseil constitutionnel autorisa
la candidature de Blaise Compaoré en 2005.
En 2014, le scénario est autre. La vigueur de la
contestation populaire a été telle qu’elle a contraint Blaise Compaoré à démissionner
le 31 octobre, puis à prendre la fuite en direction de la Côte d’Ivoire où il s'est
réfugié.
Depuis lors, c’est l'armée burkinabé qui a assis son pouvoir
dans le pays. Les soldats du lieutenant-colonel Isaac Zida, un ancien
responsable d'une unité militaire d'élite désigné par l'armée comme chef du
régime de transition, ont pris le contrôle, dès le 2 novembre, de la
radiotélévision nationale et de la place de la Nation à Ouagadougou, à coups de
tirs de sommation et de gaz lacrymogène pour chasser les milliers de
manifestants qui contestaient leur prise du pouvoir. S'il n'y a eu aucun
affrontement avec les militaires, un homme est toutefois mort, victime d'une
balle perdue.
TRANSITION « DANS UN
CADRE CONSTITUTIONNEL »
Le 3 novembre au matin, le calme semblait revenu dans les
rues de la capitale. Mais la situation reste explosive et susceptible de
basculer à tout moment. Le nouvel homme fort du Burkina est très contesté par
la rue et l'opposition – qui a le sentiment de s'être fait « confisquer » sa
victoire par les militaires – et sous forte pression internationale : la
communauté internationale a, en effet, largement condamné cette prise de pouvoir
et exigé un retour à l'ordre constitutionnel.
Lors d'une rencontre avec le corps diplomatique dans la
capitale le 3 novembre, le lieutenant-colonel Isaac Zida a promis une
transition « dans un cadre constitutionnel », laissant entrevoir qu'un civil –
et non plus un militaire – pourrait prendre la tête de la transition : « Le
pouvoir exécutif sera conduit par un organe de transition dans un cadre
constitutionnel (...). Cet organe de transition sera dirigé par une
personnalité consensuelle désignée par tous les acteurs de la vie nationale ». «
Nous ne sommes pas là pour usurper (...) le pouvoir », a-t-il ajouté. S’il n'a
pas précisé de calendrier d'action devant les diplomates, il a souhaité un
délai « le plus bref possible ».
L’Union africaine, quant à elle – réunie pour un Conseil de
paix et de sécurité en Ethiopie – s'est chargée de fixer une date butoir,
donnant quinze jours aux forces armées pour rendre le pouvoir aux civils, faute
de quoi elle imposerait des sanctions.
Le drapeau du Burkina Faso ©Joe Penney/REUTERS
Des manifestations, le départ du
président au pouvoir depuis 27 ans, puis la prise en main du pays par l'armée.
Depuis une semaine, les événements se succèdent au Burkina Faso, pays d'Afrique
de l'Ouest peuplé par 17 millions d'habitants. Trois jours après la démission
du président Blaise Compaoré, à la tête du pays depuis 1987, et deux jours
après la nomination d'un militaire, Isaac Zida, pour mener la transition, la
situation est toujours confuse et tendue.
Pourquoi la situation-a-t-elle
dégénérée ?
Les tensions ont commencé le 21
octobre, quand le gouvernement burkinabé a déposé un projet de loi visant à
réviser l'article 37 de la Constitution. Objectif : porter le nombre de mandats
présidentiels autorisés de deux à trois, pour que le chef d'Etat en place,
Blaise Compaoré puisse se représenter en novembre 2015. Arrivé au pouvoir à la
suite d'un putsch, le président avait déjà fait modifier, à deux reprises, la
Constitution, en 1997 et en 2000. La population descend en masse dans la rue,
et les manifestations quotidiennes entraînent, le 31 octobre 2014, sa
démission.
Quel est le bilan de ces
manifestations ?
Le bilan des manifestations est
lourd : une trentaine de personnes seraient mortes, et des dizaines d'autres
auraient été blessées. La situation est toujours tendue : un civil est mort
dimanche 2 novembre, après l'arrivée de manifestants à l'intérieur de la radio
télévision nationale.
Qui est le nouvel homme fort du
régime ?
Le nouvel homme fort du pays s'appelle Isaac Zida. C'est lui qui a été
nommé, par l'armée, à la tête du régime de transition. Jusqu'à présent, ce
lieutenant-colonel de 49 ans avait plutôt fait sa carrière dans l'ombre. Il
était commandant en second du Régiment de sécurité présidentielle, qui assurait
la sécurité de Blaise Compaoré. Titulaire d'un master en management
international, il a fait ses études en France, à Lyon plus précisément.
Que
va-t-il se passer maintenant ?
L'opposition accuse l'armée de lui avoir confisqué
le pouvoir. Isaac Zida s'est engagé, dimanche 2 novembre, à conduire un
processus de transition en concertation avec toutes les forces de la société du
pays. Il n'en a pas, toutefois, préciser les modalités. La communauté
internationale a d'ores et déjà mis en garde le nouveau régime. Après la
démission du président, l'Union européenne a appelé à l'organisation d'élection
"démocratiques, inclusives et transparentes", tandis que l'Union
africaine a donné, le 3 novembre, 15 jours aux militaires burkinabés pour
restituer le pouvoir aux civils, sous peine de sanctions.
Où est le président déchu ?
Une
fois sa démission annoncée, le 31 octobre, Blaise Compaoré a quitté le Burkina
Faso. Après plusieurs heures de flottement, ses proches ont confirmé que le président
déchu se trouvait en Côte d'Ivoire, plus précisément à Yamoussoukro, la
capitale politique du pays. Il s'est installé, avec son épouse, dans une
résidence d'Etat mise à disposition pour les hôtes étrangers.
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