Catherine MAIA
A la suite du lancement d'une fusée
de longue portée nord-coréenne, tirée dans la matinée du 7 février depuis le
nord-ouest du pays avant de suivre une trajectoire vers le sud, le Conseil de
sécurité de l'ONU s'est réuni en urgence le jour même, à New York, pour
condamner fermement les agissements de Pyongyang et réaffirmé son intention de
prendre des « mesures significatives » en réaction à l'essai nucléaire effectué
par ce pays il y a un mois.
Ban Ki-moon avait alors qualifié
cette annonce de « développement profondément troublant », qui « ne fera
qu'aggraver les profondes préoccupations que la communauté internationale a
déjà, suite au récent essai nucléaire » effectué par la Corée du Nord. De fait,
le 6 janvier, la Corée du Nord avait déjà proclamé avoir conçu et testé une
bombe à hydrogène (dite bombe H). Il s’agirait du premier test d’une telle
bombe par Pyongyang, qui a déjà effectué trois essais de bombe atomique (bombe
A) en 2006, 2009 et 2013, chacun entraînant des condamnations fermes dans le
reste du monde.
A nouveau, les condamnations ont
été vives. M. Ban Ki-moon a appelé la Corée du Nord à ne pas utiliser la
technologie des missiles balistiques, « à cesser de se livrer à des actes de
provocation et à revenir à un comportement conforme à ses obligations
internationales ». Il a également réaffirmé sa détermination à travailler avec
toutes les parties, afin de réduire les tensions et de parvenir à une
dénucléarisation vérifiable et à la paix dans la péninsule coréenne.
Le représentant permanent du
Venezuela à l'ONU, Rafael Dario Ramirez Carreno, qui préside l'instance ce
mois-ci, a affirmé que le tir nord-coréen représente une « grave violation des
résolutions du Conseil de sécurité ».
De même, la haute représentante de
l'Union européenne, Federica Mogherini, a dénoncé l'utilisation d’une «
technologie de missile balistique » par la Corée du Nord, tout en appelant le
pays au dialogue. Réaction identique pour le Secrétaire général de l'OTAN, qui
a appelé Pyongyang à mettre un terme à ses actions jugées « provocatrices ».
Les États-Unis qui, dès janvier,
avaient menacé le Gouvernement nord-coréen de lui imposer de nouvelles
sanctions en cas de passage à l'acte ont réitéré leur détermination à ce que le
Conseil de sécurité impose de sérieuses conséquences. En ce sens,
l'ambassadrice des États-Unis à l’ONU, Samantha Power, a déclaré que : « Les
dernières transgressions de la République populaire démocratique de Corée
requièrent de notre part une réponse encore plus ferme ». A cette fin, depuis
l'essai nucléaire du 6 janvier, les États-Unis et la Chine discutent d'une
nouvelle résolution de sanctions contre la Corée du Nord.
La Chine, traditionnel soutien de
la Corée du Nord a, pour sa part, exprimé ses regrets tout en appelant au calme
et à la prudence pour ne pas prendre de mesures de nature à accroître les
tensions dans la péninsule coréenne.
La France, quant à elle, a aussi
tenu à dénoncer « avec la plus grande fermeté la nouvelle violation flagrante
par la Corée du Nord des résolutions du Conseil de sécurité » et a appelé à une
réaction « rapide et sévère » de la communauté internationale.
D’ores et déjà, avant que ces
condamnations diverses débouchent sur des sanctions concrètes de la part du
Conseil de sécurité qui devra dépasser les réticences russes et chinoises,
Séoul et Washington cherchent à évaluer la réussite du tir nord-coréen.
Présenté par Pyongyang comme un lancement de satellite, il pourrait s’agir, en
réalité, d’un test de missile balistique à longue portée (jusqu’à 10 000 km).
Aussi, les responsables sud-coréens et américains de la Défense ont-ils décidé
l’ouverture de pourparlers concernant le déploiement dans la péninsule coréenne
d’un système de défense antimissiles américain (Terminal High Altitude Area Defense), cela, en dépit de l’opposition
de Pékin.
Les membres du Conseil de sécurité ont tenu des consultations d’urgence au sujet de la situation très inquiétante provoquée par le tir que la République populaire démocratique de Corée a effectué le 7 février 2016 au moyen d’une technologie de lancement de missiles balistiques.
Les membres du Conseil ont
fermement condamné ce tir. Ils ont insisté sur le fait qu’il s’agissait, comme
toute autre opération balistique de la République populaire démocratique de
Corée, même si elle était présentée comme un lancement de satellite ou autre
engin spatial, d’une activité s’inscrivant dans le cadre du développement de
lanceurs d’armes nucléaires, et constituait une grave violation des résolutions
1718 (2006), 1874 (2009), 2087 (2013) et 2094 (2013) du Conseil. Ils ont réaffirmé
qu’il ne faisait pas de doute que la paix et la sécurité internationales
étaient menacées, surtout après l’essai nucléaire.
Les membres du Conseil ont
réaffirmé leur intention de prendre des mesures fortes dans une nouvelle
résolution du Conseil devant être adoptée à la suite de l’essai nucléaire
effectué par la République populaire démocratique de Corée le 6 janvier 2016,
qui constitue une grave violation des obligations internationales de ce pays.
Les membres du Conseil de
sécurité ont également rappelé qu’ils avaient déjà exprimé leur détermination à
prendre « d’autres mesures importantes » dans l’éventualité d’un nouveau tir.
Eu égard à cet engagement et à la gravité de la dernière violation, ils
adopteront dans les plus brefs délais une nouvelle résolution qui comprendra de
telles mesures pour riposter à ces violations graves et dangereuses.
Les membres du Conseil ont
exprimé leur détermination à continuer d’œuvrer à un règlement pacifique,
diplomatique et politique à même de déboucher sur la dénucléarisation de la
péninsule coréenne.
Pyongyang a procédé dimanche 7 février au lancement d’une fusée de longue portée, violant ainsi plusieurs résolutions
des Nations Unies. Dans quel contexte cet incident intervient-il ?
Premièrement, cet incident était prévisible, car cela faisait plusieurs semaines que Pyongyang avait annoncé l’essai d’une fusée. Cet événement a été officiellement présenté comme s’agissant d’une fusée et non pas d’un missile. En revanche, comme il s’agit de la même technologie, on peut soit supposer qu’il s’agit en effet d’un tir de missile, soit que Pyongyang se sert de la technologie duale pour servir son projet de missile balistique. En tout état de cause, ce n’était pas une surprise et l’on a d’ailleurs observé ces derniers jours une pression de la part de Séoul et de Washington notamment, menaçant Pyongyang de nouvelles sanctions si jamais il procédait à cet essai.
Sur le contexte général, cet essai, qui vient compléter l’essai nucléaire du mois de janvier – dont on peut douter de la nature thermonucléaire –, est un moyen pour Pyongyang d’enfoncer le clou pour mettre en avant non seulement des capacités nucléaires mais aussi, et surtout, des capacités balistiques qui sont nécessaires à l’accompagnement de ses capacités nucléaires. Il s’agit d’une stratégie d’ensemble de la part de la Corée du Nord, qui veut à nouveau se positionner comme menaçante pour ses voisins et qui va donc s’en servir pour négocier de nouveaux accords.
Quelles sont selon-vous les motivations du régime nord-coréen ? Dispose-t-il aujourd’hui d’une sérieuse capacité de nuisance balistique et atomique ?
On sait que la Corée du Nord a procédé à des essais nucléaires ; l’essai du mois de janvier était son quatrième, dix ans après le premier essai en 2006. On peut bien évidemment supposer que dans cet intervalle d’une décennie, ces différents essais ont servi à accroître la capacité de la Corée du Nord en la matière. Il n’y a plus vraiment de doute aujourd’hui sur le fait que ces essais soient véritablement des essais nucléaires. En revanche, on ne sait pas avec exactitude si la Corée du Nord est capable de se doter d’un arsenal nucléaire, et donc, d’une capacité permettant de mettre en avant une force de dissuasion. Sur ce point, des incertitudes subsistent.
Dans le domaine balistique, les incertitudes sont moins grandes, puisque les capacités de la Corée du Nord sont avérées depuis les années 1990. Elle dispose de missiles balistiques de courte et moyenne portée qui lui permettent d’atteindre toute cible en Corée du Sud, mais également dans l’archipel japonais. Une multitude d’essais de missiles ont terminé leur vol dans l’océan pacifique après avoir survolé le Japon. En revanche, Pyongyang prétend avoir également des capacités de missiles de longue portée, qui seraient capables d’atteindre la côte Ouest des Etats-Unis. Sur ce point, il n’y a pas d’éléments suffisamment significatifs. Ainsi, on ne sait pas quelle est la possibilité réelle, à la fois d’emploi et de portée des missiles capable de transporter des armes nucléaires.
Pyongyang se sert de ces capacités de nuisance pour négocier sa survie sur la scène internationale. Il faut rappeler que la Corée du Nord est le pays le plus isolé de la planète et qu’il fait l’objet de multiples sanctions internationales ; elle est inscrite dans les pourparlers à six depuis 2003, qui incluent les différents acteurs de la région plus les Etats-Unis. Pyongyang se sert de cette stratégie du pire qui consiste à se positionner comme extrêmement menaçante pour ses voisins, afin de contraindre ces derniers à accepter des négociations qui sont à la fois d’ordre alimentaires voire humanitaires, ou des points qui sont notamment la non inscription de la Corée du Nord sur la liste des Etats soutenant le terrorisme, etc. La stratégie est donc bien d’assurer la survie du régime et on peut dire que cela fonctionne plutôt bien, car malgré le caractère absurde de son régime politique, la Corée du Nord se maintient et continue à mener la danse dans ses différentes négociations.
Cet événement est-il le signe de la faiblesse de la communauté internationale à empêcher les agissements de Pyongyang ? Qu’en est-il de la position des différentes capitales de la région sur les contours d’une stratégie de réponse au développement du programme militaire de Pyongyang ?
Il est évident que cette nouvelle provocation nord-coréenne montre les limites embarrassantes de la communauté internationale sur la question de la non-prolifération. On a l’impression que, depuis maintenant deux décennies et plus encore depuis 2002, la Corée du Nord nargue littéralement les institutions internationales. Il faut rappeler que le pays est sorti du Traité de non-prolifération des armes nucléaires. En cela, c’est un défi considérable. En 1998, quand l’Inde et le Pakistan ont mené des essais nucléaires, de manière illégale, ils n’étaient pas membres du Traité de non-prolifération. Ce n’était pas un échec du traité mais plutôt de son caractère insuffisamment universel, certains Etats refusant de se plier à ses exigences. Il s’agit pour la Corée du Nord d’un pays qui avait signé le Traité de non-prolifération, qui s’engageait donc à ne pas se doter de l’arme nucléaire, et qui a de manière unilatérale décidé d’en sortir. On voit bien que les différentes résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU s’avèrent elles aussi totalement inefficaces. On a même l’impression, et c’est peut-être plus inquiétant encore, qu’aujourd’hui, la Corée du Nord ne bénéficiant plus de soutien extérieur, y compris de la part de la Chine qui n’hésite plus désormais à se mettre du côté des résolutions du Conseil de sécurité, continue de narguer tous ces dispositifs. Il y a effectivement des limites qui malheureusement, si l’on n’y prend garde, peuvent servir de précédent dans d’autres situations. C’est ce qui explique la raison pour laquelle le dossier nucléaire nord-coréen n’est pas limité au niveau régional mais un défi pour la communauté internationale dans son ensemble.
En ce qui concerne les réactions possibles des partenaires de la région, il faut premièrement préciser qu’aucun des pays entourant la Corée du Nord ne se réjouit aujourd’hui de ces gesticulations. C’est bien évidemment la posture traditionnelle des pays directement ciblés par la Corée du Nord, tels la Corée du Sud et le Japon. C’est aussi la position de la Chine, qui a pris ses distances avec Pyongyang et qui désormais marque sa désapprobation à l’occasion de ces différents essais. La Corée du Nord est totalement isolée sur cette question, en tout cas de manière officielle. Malgré tout, cela n’a pas d’incidence sur la stratégie de Pyongyang qui, quelles que soient les pressions extérieures, ne cède pas, puisque cela lui permet de survivre. C’est un message très clair envoyé à Pékin, dont on pensait qu’il pouvait faire pression de manière décisive sur Pyongyang. On observe l’incapacité de la Chine à empêcher la Corée du Nord de s’engager dans ce type de mesure.
Le dessous des cartes est important. La Corée du Nord est aujourd’hui sous perfusion chinoise, en particulier économiquement. Si la Chine abandonne son soutien à la Corée du Nord, celle-ci sera littéralement exsangue, et on peut difficilement imaginer que le pays se lance dans cette stratégie du pire. La Chine a fait le choix de prendre ses distances politiquement sur cette question stratégique majeure, tout en continuant à alimenter l’économie nord-coréenne et donc à permettre la survie de ce régime. Cette ambiguïté du côté chinois est très difficile à lever, puisque la Chine ne veut pas d’une situation qui éclaterait à sa frontière. Elle désire maintenir le statu quo, sans toutefois apparaître comme l’avocat d’un intrus sur la scène internationale.
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