9 mai 2017

ACTU : L’Inde introduit une instance contre le Pakistan devant la CIJ et demande l'indication de mesures conservatoires

Catherine MAIA

Le 8 mai 2017, la République de l’Inde a introduit une instance contre la République islamique du Pakistan, dénonçant «de graves violations de la Convention de Vienne sur les relations consulaires» (ci-après la «Convention de Vienne») en rapport avec la détention et le procès d’un ressortissant indien, M. Kulbhushan Sudhir Jadhav, condamné à mort par un tribunal militaire au Pakistan.

Le requérant affirme qu’il n’a été avisé de la détention de M. Jadhav que longtemps après son arrestation, et que le Pakistan a manqué d’informer l’accusé de ses droits. L’Inde soutient également que, en violation de la Convention de Vienne, les autorités pakistanaises lui dénient le droit de communiquer avec M. Jadhav par l’entremise de ses autorités consulaires, en dépit de demandes répétées à cet effet. Elle souligne, par ailleurs, qu’elle a eu connaissance de la condamnation à mort prononcée à l’encontre de M. Jadhav par voie de presse.

L’Inde indique que, selon les informations en sa possession, M. Jadhav a été «enlevé en Iran, où il se livrait à des activités commerciales après avoir pris sa retraite de la marine indienne, et il est ensuite apparu qu’il avait été arrêté au Baloutchistan» le 3 mars 2016, ce dont les autorités indiennes ont été avisées le 25 mars 2016. Elle affirme avoir tenté d’obtenir que ses autorités consulaires puissent entrer en communication avec M. Jadhav dès le 25 mars 2016 d’abord, puis à maintes reprises.

L’Inde affirme que, le 23 janvier 2017, le Pakistan lui a soumis une demande d’entraide aux fins d’enquête sur la supposée «participation [de M. Jadhav] à des actes d’espionnage et à des activités terroristes» sur le territoire pakistanais et qu’il lui a ensuite fait savoir, par note verbale datée du 21 mars 2017, que la possibilité de «communiquer par l’entremise de ses autorités consulaires [avec M. Jadhav] sera[it] étudiée à la lumière de la suite qu’elle donnerait à [cette] demande». L’Inde affirme que «le seul fait de subordonner son droit de communiquer par l’entremise de ses autorités consulaires à l’octroi de l’aide demandée constitue une violation grave de la Convention de Vienne». 

En conséquence, l’Inde «demande :
1) que la condamnation à mort prononcée à l’encontre de l’accusé soit immédiatement suspendue ; 
2) que lui soit accordée restitution in interregnum, sous la forme d’une déclaration constatant que la condamnation à laquelle est parvenu le tribunal militaire au mépris total des droits énoncés à l’article 36 de la Convention de Vienne, notamment en son paragraphe 1 b), et des droits humains élémentaires de tout accusé, auxquels il convient également de donner effet ainsi qu’exigé à l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, est contraire au droit international et aux dispositions de la Convention de Vienne ; 
3) qu’injonction soit faite au Pakistan de ne pas donner effet à la condamnation prononcée par le tribunal militaire et de prendre les mesures qui pourraient être prévues par le droit pakistanais pour annuler la décision de ce tribunal ; 
4) que cette décision, dans le cas où le Pakistan ne serait pas en mesure de l’annuler, soit déclarée illicite en tant que contraire au droit international et aux droits conventionnels, et qu’injonction soit faite au Pakistan de s’abstenir de violer la Convention de Vienne sur les relations consulaires et le droit international en donnant d’une quelconque façon effet à la condamnation, ainsi que de libérer sans délai le ressortissant indien qui en fait l’objet».
Pour fonder la compétence de la Cour, le requérant invoque le paragraphe 1 de l’article 36 du Statut de la Cour, au titre de l’article I du protocole de signature facultative à la Convention de Vienne sur les relations consulaires concernant le règlement obligatoire des différends du 24 avril 1963.

Le 8 mai 2017, l’Inde a également présenté une demande en indication de mesures conservatoires, en vertu de l’article 41 du Statut de la Cour. Dans sa demande, elle expose que la violation de la Convention de Vienne dont elle fait grief au Pakistan l’a «empêchée d’exercer les droits qu’elle tient de [cette] Convention, et a privé le ressortissant indien de la protection que lui reconnaît celle-ci».

Le demandeur soutient que «M. Jadhav sera exécuté, à moins que la Cour, par des mesures conservatoires, prescrive au Gouvernement du Pakistan de prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’il soit sursis à son exécution tant qu’elle ne se sera pas prononcée sur le fond» de l’affaire. L’Inde souligne que l’exécution de M. Jadhav «causerait un préjudice irréparable aux droits dont [elle] se prévaut».

L’Inde affirme, en outre, que la protection de ses droits revêt un caractère urgent puisque, «si la Cour n’indique pas les mesures conservatoires demandées, le Pakistan procédera à l’exécution de M. Kulbushan Sudhir Jadhav avant d’avoir pu examiner le bien-fondé de la demande de l’Inde, et [que] celle-ci sera privée à jamais de toute possibilité de faire valoir ses droits». Le demandeur ajoute que la décision sur l’appel interjeté par la mère de l’accusé au nom de celui-ci pourrait intervenir dans un avenir proche. 

L’Inde prie donc la Cour de «prescrire, en attendant l’arrêt définitif en l’instance, que : 
a) le Gouvernement de la République islamique du Pakistan prenne toutes les mesures nécessaires pour que M. Kulbhushan Sudhir Jadhav ne soit pas exécuté ; 
b) le Gouvernement de la République islamique du Pakistan porte à la connaissance de la Cour les mesures qu’il aura prises en application de l’alinéa a) ; et 
c) le Gouvernement de la République islamique du Pakistan fasse en sorte qu’il ne soit pris aucune mesure qui puisse porter atteinte aux droits de la République de l’Inde ou de M. Kulbhushan Sudhir Jadhav en ce qui concerne toute décision que la Cour pourrait prendre sur le fond de l’affaire». 
Eu égard à «l’extrême gravité et à l’imminence de la menace d’exécution d’un citoyen indien au Pakistan en violation des obligations auxquelles celui-ci est tenu envers» elle, l’Inde prie la Cour de rendre une ordonnance en indication de mesures conservatoires immédiatement, «sans attendre la tenue d’audiences». Le demandeur prie également le président de la Cour, «dans l’exercice des pouvoirs que lui confère le paragraphe 4 de l’article 74 du Règlement, en attendant que la Cour se réunisse … d’inviter les Parties à agir de manière que toute ordonnance de la Cour sur la demande en indication de mesures conservatoires puisse avoir les effets voulus».


Source : CIJ

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