La proclamation de l’état d’urgence, dans les heures qui ont suivi les attentats de Paris et Saint-Denis du 13 novembre 2015, et ses prorogations successives jusqu’au 1er novembre 2017 constituent un terrain privilégié pour approfondir la réflexion sur le fonctionnement du pouvoir dans les démocraties libérales. Cet épisode n’est en effet pas aussi unique, aussi exceptionnel que certains voudraient le croire. Le recours à l’état d’urgence, sous une forme ou une autre, apparaît au contraire assez fréquent dans des pays, sous des régimes politiques et à des époques différentes.
Pour autant, il ne se confond pas avec une théorie de l’État d’exception qui ferait presque automatiquement glisser les démocraties vers un régime autre, qu’on l’appelle autoritarisme, totalitarisme ou démocratie illibérale. Penser l’urgence comme une série de techniques de gouvernement, s’articulant avec les mécanismes de suspicion, d’anticipation, « d’administrativisation » de ce qui fut judiciaire, permet ainsi de dresser l’inventaire de ses modalités pratiques, de ses rationalités juridiques, politiques et sociales et de reconstituer son histoire.
L’ambition de ce numéro de Cultures & Conflits, dans le sillage du précédent, est donc de consacrer au sujet de l’état d’urgence toute la place qu’il mérite. Mobilisant des juristes, des politistes et des historiens, il entend croiser les regards dans l’espace et dans le temps sur les dispositifs utilisés pour faire face à des troubles sociaux, à la violence politique, voire aux catastrophes naturelles.
Didier Bigo, Les modalités des dispositifs d’état d’urgence
Stéphanie Hennette Vauchez, La fabrique législative de l’état d’urgence : lorsque le pouvoir n’arrête pas le pouvoir
Édouard Sill, Pénaliser l’idéal ? L’État français confronté au volontariat combattant de ses ressortissants durant la guerre civile espagnole
Gülsah Kurt, État d’urgence et involution autoritaire en Turquie : l’exemple des Universitaires pour la paix
Emmanuel-Pierre Guittet, Les recours à l’état d’exception sous le régime franquiste (1956-1975)
Ákos Kopper, Zsolt Körtvélyesi, Balázs Majtényi , András Szalai, Logiques d’(in)sécurité en Hongrie. Gouverner par le droit et par l’exclusion dans un régime illibéral
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire