21 janvier 2021

OUVRAGE : R. Ben Achour, H. Gueldich (dir.), Les juridictions internationales régionales et sous-régionales en Afrique

Rafaâ BEN ACHOUR, Hajer GUELDICH

Les institutions judiciaires et juridictionnelles sont considérées, en Afrique et ailleurs, comme un axe stratégique majeur de la démocratisation et du respect de l'Etat de droit. Cependant et quels que soient les avancées, progrès et réussites de cette justice, nombre de critiques lui ont été adressées, allant jusqu'à un réel scepticisme de la part des observateurs et experts nationaux ou internationaux. Certaines de ces parties prenantes n'ont pas hésité à accuser la justice en Afrique d'être corrompue, partiale, opaque dans ses procédures et inaccessible au citoyen africain ordinaire. Dans un tel contexte, lorsque les institutions nationales ne parviennent pas à faire respecter la loi ou qu'elles en sont à l'origine de la violation, les victimes peuvent toujours recourir à des mécanismes de protection pour obtenir réparation au-delà des frontières nationales.

C'est ainsi que le cadre juridique régional donne aux détenteurs des droits qui ont été violés la possibilité de rechercher protection et réparation devant une entité régionale, à condition que l'Etat concerné ait adhéré au mécanisme en question et, non moins important, que tous les recours nationaux aient été épuisés ou jugés inefficaces. C'est le bien-fondé de la mission des systèmes juridictionnels
régionaux, notamment en matière des droits de l'Homme, en ce qu'ils renforcent la protection et l'exercice de ces droits, tout en prenant en compte les considérations régionales, telles que des coutumes, des valeurs, une culture et des pratiques régionales partagées. La justice en Afrique se caractérise, de nos jours, par une multiplicité d'acteurs dont l'action peut avoir pour effet de contourner
les juridictions nationales et même de réduire leur périmètre. Cette démultiplication d'acteurs, à différentes échelles, nationale, sous régionale et continentale, soulève une série de questions nouvelles, mais également de défis renouvelés.

En première ligne de ces mosaïques juridictionnelles africaines se trouvent la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples et la Cour de justice de l'Union africaine (ces deux dernières ont été fusionnées en 2008 en une Cour africaine de justice et des droits de l'Homme, mais qui n'a pas encore vu le jour par défaut du nombre de ratifications requises pour l'entrée en vigueur du Protocole portant Statut de la Cour ; 32 signatures et 7 ratifications en août 2019). En 2014, le Protocole de 2008 a fait l'objet d'amendements avec pour innovation principale l'introduction de la compétence pénale dans une grande Cour africaine de justice et des droits de l'Homme composée de trois chambres : une chambre des affaires générales, une chambre des droits de l'Homme et une chambre pénale qui exercera compétence concernant 14 crimes dont les crimes pénaux internationaux que sont les crimes de guerre, le crime de génocide et les crimes contre l'humanité. De manière notable, la compétence pénale de la nouvelle Cour envisagée par les amendements de 2014 remettent en cause l'un des principes fondamentaux de la justice pénale internationale, à savoir le principe de défaut de pertinence de la qualité officielle, en cas de crimes internationaux.

Au-delà de cette innovation controversée, il peut s'agir d'une véritable externalisation de la justice, comme c'est le cas avec la création de la Cour commune de justice et d'arbitrage (CCJA) de l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA). Ce mécanisme a été conçu afin d'assurer l'effectivité de l'harmonisation des règles du droit des affaires dans un espace unifié du continent africain.

En outre, on note un régionalisme judiciaire éclaté au niveau sous régional africain, lui-même lié à l'existence des Communautés économiques régionales (CER) qui se sont dotées, pour la plupart d'entre elles, d'institutions judiciaires appelées à jouer un rôle primordial dans l'interprétation et l'application des textes communautaires. Les juridictions concernées ont vu leurs compétences s'élargir, de manière expresse ou tacite, pour inclure les droits humains.

Le colloque qui s'est déroulé les 24 et 25 octobre 2019 à l'Université de Carthage (Tunisie) se propose d'étudier les juridictions internationales régionales et sous-régionales à l'échelle du continent africain. Les actes publiés sous la forme du présent ouvrage sont dédiés à la mémoire du Professeur Stéphane
Doumbé-Billé.

Rafaâ BEN ACHOUR
et Hajer GUELDICH
(extrait de la Préface)


TABLE DES MATIÈRES
 
Liste des participants
Préface, Rafaâ Ben Achour, Hajer Gueldich

 
Allocution de M. Rafaâ Ben Achour, Professeur émérite à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis - Université de Carthage et juge à la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples 
Allocution de S.E. M. M. Karim Ben Bechr, Directeur général Afrique et Représentant du ministre des Affaires étrangères de la République tunisienne  
Allocution de S.E. M. Imed Derouiche, Procureur général, Directeur des services judiciaires et représentant du ministre de la Justice de la République tunisienne  
Allocution de S.E. Mme Namira Negm, Conseillère juridique de l'Union africaine 
Allocution de S.E.M. Sylvain Ore, Président de la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples 
Allocution de M. Maurice Kamga, Secrétaire de la Cour internationale de Justice de la Haye et Professeur associé à l'Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC) et à l'Université catholique de Lille 
 
 
PREMIÈRE SESSION
LA JUSTICE EN AFRIQUE : NOUVEAUX DÉFIS,
NOUVEAUX ACTEURS

Mamadou Ismaïla Konaté, Rapport introductif : quelle justice pour l’Afrique ?  
Rafaâ Ben Achour, La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples
Mutoy Mubiala, Le rôle de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples dans la promotion de la démocratie et de l'état de droit en Afrique
Stéphane Doumbé-Billé, La future Cour africaine de justice et des droits de l'homme : un fantôme juridique aux compétences élargies 
Ghislain Patrick Lessene, Le rôle de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples dans l'affermissement de la démocratie et de l'état de droit en Afrique

DEUXIÈME SESSION
QUELQUES EXEMPLES DE JURIDICTIONS
AFRICAINES SOUS-RÉGIONALES

Mahmoud Zani, L'instance judiciaire de l'UMA : un chantier non encore abouti
Jean-Baptiste Harelimana, La Cour de justice de la CEEAC : une réforme systémique en chantier  
Serges Frédéric Mboumegne Dzesseu, La Cour de justice communautaire de la CEMAC 
Alioune Sall, La Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l'ouest (CEDEAO) 
Apollinaire Amevi de Saba, Le rôle de la Cour commune de justice et d'arbitrage dans la résolution du contentieux des affaires dans les États de l'OHADA

TROISIÈME SESSION
REGARDS COMPARÉ
Jean Paul Costa, La Cour européenne des droits de l'homme : rôle pionnier et jurisprudence créatrice  
Claudio Zanghi, L'évolution de la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l'homme
Mohammed Amin Al-Midani, La Cour arabe des droits de l'homme : interrogations et propositions

QUATRIÈME SESSION
REGARD CRITIQUE DE L'ÉTAT DE LA JUSTICE EN AFRIQUE
Jeanne Claire Mebu Nchimi, La Cour pénale internationale et l’Afrique : regard critique
Zied Ayari, Justice et processus d'intégration en Afrique
Ahmed El Echi, La justice transitionnelle en Afrique
Hajer Gueldich, Chambres africaines extraordinaires et lutte contre l'impunité en Afrique
Compte-rendu
Hajer Gueldich, Les juridictions internationales régionales et sous régionales en Afrique

 


Rafaâ BEN ACHOUR, Hajer GUELDICH (dir.), Les juridictions internationales régionales et sous-régionales en Afrique, Tunis, Konrad-Adenauer-Stiftung, 2020 (372 pp.)

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