Le prix Nobel de la paix 2006 a été conjointement attribué au Bangladais Muhammad Yunus et à sa banque spécialisée dans le micro-crédit, la Grameen Bank. Surnommé le "banquier des pauvres", Muhammad Yunus, brillant économiste, a fondé en 1976 la Grameen Bank, première banque au monde à pratiquer le micro-crédit en faveur de personnes totalement insolvables. Seule condition pour y adhérer : les demandeurs doivent emprunter par groupe de cinq et s'épauler pour les remboursements. "Une paix durable ne peut pas être obtenue sans qu'une partie importante de la population trouve les moyens de sortir de la pauvreté" a déclaré Ole Danbolt Mjoes, le président du comité Nobel, pour expliquer le choix fait parmi les 191 candidats en lice.
Pour une autobiographie de ce banquier des pauvres, à lire : Muhammad YUNUS, Alan JOLIS, Vers un monde sans pauvreté, Paris, Jean-Claude Lattès, 1998, 345 pp.
La base de la démarche de Yunus est simple: ce n'est pas une personne qui est titulaire de crédit, mais les 5 personnes à la fois (solidarité juridique de ces 5 co-débiteurs). Les deux premières, tirées au sort parmi les 5, bénéficient chacunes du crédit alloué aux cinq. Lorsqu'elles ont remboursé leur crédit, deux autres parmi les 3 restantes se voient attribuer la même somme, et ainsi de suite. Dès que le crédit est remboursé dans les délais fixés au contrat, intérêts compris (jusqu'à 15%!, il ne s'agit aucunement d'un crédit caritatif ou philantropique...), ces personnes se voient réattribuer la même somme pour un nouveau projet.
La solidarité juridique existant entre ces personnes les conduit à faire de l'auto-police les unes par rapport aux autres, puisque le remboursement du crédit à temps conditionnne l'octroi de la même somme aux suivantes.
Je parle de suivantes car il s'agit presque exclusivement de femmes, plus sérieuses dans leurs projets, et surtout moins susceptibles de "boire" le crédit ou de le dépenser dans un bordel.
De fait, il a été observé un détournement de ce crédit: les femmes postulent pour obtenir un tel crédit, le mari boit ou joue la somme engagée, et sa femme, sous la pression des autres femmes, doit se débrouiller pour rembourser!!!
De plus, il a été observé que la capacité des femmes à monter des projets, et donc a obtenir un crédit de ce type, fait partie intégrante des éléments pris en compte dans le calcul du montant de la dote que leur père doit payer au futur mari!!!
Désolé de casser un mythe économique et apparemment solidaire, mais avec un taux d'intérêt de 15 % et le dévoiement du système, j'ai du mal à y voir la panacée du développement des pays pauvres... Pour autant, il faut aussi noter que la pression engendrée par les taux d'intérêts et la surveillance des quatre autres personnes co-débitrices a pour effet positif de dynamiser ma micro-économie et d'améliorer l'esprit d'entreprise et les initiatives locales viables à moyen terme, ce qui est impossible sans la somme de départ. Je vous laisse donc juge de l'attribution du prix Nobel pour cette initiative...