D’ici la fin de l’année, la région ex-yougoslave risque d’être à nouveau sous le feu des projecteurs. Le rapport Ahtisaari, remis au Conseil des Nations Unies en mars 2007, propose d’accorder au Kosovo le statut d’État indépendant sous le contrôle de la communauté internationale. La Russie menace d’utiliser son droit de veto si une telle résolution est votée sans qu’un compromis ait été trouvé par les deux parties, à savoir Belgrade et Pristina. Attendue pour la fin de l’année 2007, la résolution du statut final du Kosovo représente aujourd’hui l’axe déterminant qui menace l’apparente stabilité de la région, et ce, selon deux hypothèses largement évoquées ces derniers mois.
Tout d’abord, Agim Ceku, Premier ministre du gouvernement provisoire kosovar, a annoncé en juillet à un peuple frustré par la lenteur des négociations son intention de proclamer unilatéralement l’indépendance du Kosovo, probablement le 10 décembre, date butoir énoncée par l’ONU pour rendre son verdict sur la résolution du statut du Kosovo. Cette démarche a été officiellement soutenue par le Président Bush lors de sa visite au Kosovo le 10 mai 2007, pouvant ainsi renforcer le risque d’une dynamique de crise dans la région, et même au-delà (Transnistrie, Ossétie du Sud, Abkhazie). De plus, une partition du nord du Kosovo comme condition de l’indépendance a été évoquée par l’un des médiateurs de l’ONU en vue d’aboutir à un compromis entre Serbes et Albanais. Au-delà du Kosovo, le risque de partition est aussi encouru en Bosnie-Herzégovine et en Macédoine.
L’accord de paix de Dayton, signé en 1995, divise la Bosnie-Herzégovine avec la création de deux entités : la République serbe de Bosnie et la Fédération croato-musulmane, qui s’avèrent en réalité bien plus fortes que l’État central bosnien. Les dirigeants nationalistes de ces entités attisent régulièrement les antagonismes entre les populations. Une révision des frontières du Kosovo selon des principes ethniques incitera les extrémistes de la République serbe de Bosnie à contester la souveraineté encore bien trop fragile du pays. Le Premier ministre de Bosnie, le serbe Nikola Spiric a démissionné le 1er novembre pour dénoncer la « gestion exclusive du pays » par la communauté internationale. Couplé à la crise du Kosovo, ce premier pas de délitement menace l’unité de l’État de Bosnie-Herzégovine.
Il est à craindre que cette crise accroisse l’irrédentisme de l’importante minorité albanaise de Macédoine qui représente 25% de la population, selon le recensement de 2004 validé par la communauté internationale. Les tensions ethniques de Macédoine sont apparues au grand jour lors des émeutes de 2001, les Albanais réclamant une plus grande autonomie et ne voulant pas être considérés comme une simple minorité. La Macédoine risque ainsi d’être partagée en deux parties ethniquement homogènes. Le 7 novembre 2007, des affrontements entre la police macédonienne et des groupes armés albanais ont fait quatre morts et de nombreux blessés. On peut craindre une propagation de ces tensions, malgré le refus des autorités macédoniennes de reconnaître des quelconques tensions ethniques.
Face à la situation actuelle, plusieurs questions peuvent être posées : Belgrade va-t-il intervenir militairement ? Va-t-on assister à de nouveaux déplacements de population ? Quel va être le sort des minorités ? Va-t-il y avoir de nouvelles violences ? La communauté internationale sera-t-elle prête à faire face à la situation ? Une chose est sûre, la dislocation de l’ex-Yougoslavie se poursuit et s’achemine vers la création d’États ethniques. Certains éléments entravent la construction de la paix : difficile retour des réfugiés, faiblesse de l’appareil judiciaire à inculper tous les auteurs des crimes de guerre des années 1990, montée de l’ethnocentrisme et blocages politiques. Relativement passive, compte tenu de son impuissance à surmonter ces obstacles, la communauté internationale semble valider le concept de stabilité régionale par l’homogénéisation ethnique.
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