Près de la ville d'Eldoret (300 km à l'ouest de Nairobi), des assaillants ont incendié à l'essence l'église en bois dans laquelle 300 à 400 personnes s'étaient réfugiées pour fuir les violences, ont indiqué des responsables kényans citant des survivants et des sources policières.
"Au moins 35 personnes ont été brûlées vives dans l'église, certaines étaient méconnaissables. Il y avait des femmes et des enfants", a déclaré à l'AFP un haut responsable de la Croix-Rouge locale. Selon un autre responsable de l'organisation, 42 personnes "grièvement brûlées" ont été hospitalisées. Eldoret et Kisumu, situées à environ 80 km à l'est de la frontière avec l'Ouganda, sont les deux villes kényanes les plus touchées par les violences qui ont redoublé d'intensité le 1er janvier.
Dans la nuit du 1er au 2 janvier, 18 personnes avaient été tuées à Eldoret, selon la police qui y a reçu l'ordre de tirer à vue. Et le 2 janvier au matin, 55 nouveaux cadavres étaient rassemblés à la morgue à Kisumu, fief de l'opposant Raila Odinga qui conteste l'élection de M. Kibaki. Par ailleurs, à Monbasa (ouest), 10 personnes ont péri dans l'incendie criminel de leur maison.
Dénonçant "une tuerie insensée", la Croix-Rouge kényane a estimé qu'au moins 70.000 personnes avaient été déplacées dans l'ouest du pays par les violences. Des images aériennes montrent des centaines de maisons et huttes incendiées et des barrages routiers installés tous les dix kilomètres sur les routes.
Des centaines de Kényans de la tribu Kikuyu dont est issu le président Kibaki se sont réfugiés en Ouganda, selon des responsables ougandais, pour fuir des opérations de police et des actes de vengeance d'autres tribus, loyales à l'opposant Odinga.
L'Union africaine et l'Union européenne ont appelé hier à "la retenue" et au "dialogue" les représentants des deux camps, l'UE souhaitant qu'une "solution crédible et transparente" soit trouvée aux aux problèmes suscités par l'élection présidentielle.
Gordon Brown Ayant téléphoné à MM. Kibaki et Odinga, le Premier ministre britannique Gordon Brown les a appelés à "se parler" et à "explorer la possibilité qu'ils puissent se rassembler dans un gouvernement". Comme en réponse, le président Kibaki a convenu "que les dirigeants des partis politiques devraient se rencontrer immédiatement et appeler publiquement au calme".
La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, et le ministre britannique des affaires étrangères, David Miliband, ont lancé de leur côté aujourd'hui dans un communiqué commun un appel aux dirigeants kényans pour qu'ils "fassent preuve d'esprit de compromis".
"Nous nous félicitons de l'appel lancé par l'Union africaine (UA) à mettre fin aux violences et appelons tous les leaders politiques à s'engager dans un esprit de compromis qui puisse placer les intérêts démocratiques du Kenya en première ligne", ont ajouté les auteurs du communiqué.
Raila Odinga avait auparavant averti dans un entretien à la BBC qu'il n'accepterait de "négocier" avec le président sortant que si M. Kibaki reconnaissait avoir perdu les élections. "Les voix peuvent être recomptées (...), avait-il dit. Nous sommes disposés à faire venir une équipe internationale de juges". Une "marche pacifique" que l'opposition voulait organiser le 3 janvier à Nairobi a été interdite par la police. M. Odinga avait accusé le 30 décembre dernier M. Kibaki de fraude sur au moins 300.000 voix. L'écart officiel entre les deux candidats est de 231.728 voix.
Le Président est issu de l'ethnie kikuyu, la plus nombreuse du Kenya, implantée autour du Mont Kenya, dans la province centrale. Dans cette province, il a recueilli plus de 90% de suffrages. Le chef de l'opposition est issu de l'ethnie Luo, implantée sur les rives du lac Victoria. Dans cette province, il a lui aussi raflé 90% des voix.
La mission d'observation de l'UE des élections générales kényanes a demandé mardi une enquête indépendante sur les résultats de la présidentielle, estimant qu'elle n'avait "pas respecté les critères internationaux et régionaux d'élections démocratiques".

Source : AFP
A LIRE :
- sur le site Rue89, David SERVENAY, « Tueries au Kenya: "Je suis un Kikuyu, je vais mourir" »
- sur le site de la FIDH, « Les déplacements massifs de population résultent d’affrontements ethniques politiquement orchestrés » (uniquement disponible en anglais)