Une source parlementaire a indiqué à l'AFP sous le couvert de l'anonymat que le Parlement, dominé par le Parti national démocrate du chef de l'Etat, avait approuvé la décision du président Hosni Moubarak, transmise par son Premier ministre Ahmad Nazif au président du Parlement Ahmed Fathi Sorour.
Imposée depuis l'assassinat du président Anouar al-Sadate par des islamistes en octobre 1981, cette loi d'exception, dont la levée est l'une des principales revendications de l'opposition, a été systématiquement reconduite depuis.
La décision consiste à "proroger l'état d'urgence (...) de deux ans à partir du 1er juin, pour une période s'achevant avec l'adoption d'une loi antiterroriste", avait affirmé l'agence officielle Mena.
M. Nazif a renouvelé la promesse du gouvernement "de n'utiliser la loi d'urgence que dans la lutte contre le terrorisme (...) et pour protéger la sécurité de la patrie et des citoyens", d'après Mena.
"Le gouvernement (...) n'a utilisé les articles de la loi d'urgence avec dureté que pour l'objectif qu'il s'est fixé, à savoir la lutte contre terrorisme", a-t-il ajouté devant le Parlement.
Des ONG accusent les autorités, qui démentent, d'utiliser l'état d'urgence pour affaiblir l'opposition, et craignent que la loi antiterroriste censée le remplacer ne serve les mêmes objectifs.
L'état d'urgence accorde notamment au ministre de l'Intérieur le droit discrétionnaire de maintenir en prison tout individu représentant un "danger pour la sécurité publique", même lorqu'il a purgé sa peine, et autorise les autorités à renvoyer des civils devant la justice militaire.
Le président Moubarak avait promis, pendant la campagne électorale pour la présidentielle de septembre 2005, d'abolir l'état d'urgence, avant de déclarer qu'il ne serait levé que lorsqu'une loi antiterroriste serait adoptée.
Le ministre des Affaires juridiques, Moufid Chehab, avait assuré à l'été 2007 que l'état d'urgence serait aboli en 2008, même si la loi antiterroriste n'était pas prête d'ici là.
Les Frères musulmans, principal groupe d'opposition du pays qui contrôle un cinquième des sièges du Parlement, a dit son "rejet" de la prorogation.
"Il n'y aucune justification constitutionnelle (à cette décision). Nous vivons sous état d'urgence depuis que Moubarak est au pouvoir (1981) (...), cela fait partie de notre vie quotidienne alors que c'est une loi d'exception", a affirmé à l'AFP Essam al-Aryane, un porte-parole de la confrérie islamiste, interdite mais relativement tolérée.
"La loi antiterroriste n'ajoutera rien. Les lois existantes sont amplement suffisantes pour assurer la sécurité" de l'Egypte, a-t-il estimé.
Pour Hafez Abou Saada, de l'Organisation égyptienne pour les droits de l'Homme, la décision est "anticonstitutionnelle".
"L'état d'urgence est l'une des premières causes des violations des droits de l'Homme en Egypte depuis des décennies. Par définition, il mis en place quand un pays traverse une période de danger comme une guerre ou une catastrophe naturelle, ce qui n'est pas le cas", a-t-il déclaré à l'AFP.
Hossam Bahgat, de l'Initiative égyptienne pour les droits de la personne, a fait part de sa déception.
"Nous sommes extrêmement déçus. L'Egypte n'a pas besoin d'état d'urgence. Le président Moubarak avait fait un certain nombre de promesses pendant sa campagne de 2005 et il n'en a honoré aucune", a-t-il dit.
Il y a environ une semaine, le Conseil national des droits de l'homme (CNDH), une instance gouvernementale, avait estimé que l'état d'urgence n'avait plus lieu d'être. Et début mai, une vingtaine d'ONG ont appelé à son abrogation.
Source : AFP