La capture des deux soldats par le Hezbollah le long de la frontière libanaise avait alors provoqué une offensive militaire israélienne qui avait dévasté le Liban et provoqué des représailles du Hezbollah contre la Galilée.
Au total, le conflit qui a duré 34 jours, du 12 juillet au 14 août 2006, a fait, côté libanais, plus de 1.200 morts, civils pour la plupart, et 160 tués côté israélien, en majorité des militaires, sans compter les milliers de blessés et la dévastation d'importantes zones d'habitation dans les deux pays.
Malgré l'ampleur des moyens déployés, Israël n'était toutefois pas parvenu à récupérer les deux soldats. Depuis, leur sort n'a cessé de hanter la population d'un pays où un principe fondamental est de ne jamais abandonner des soldats faits prisonniers.
Pendant deux ans, les familles d'Eldad Regev et Ehoud Goldwasser ont remué ciel et terre pour obtenir leur libération. Le Hezbollah a longtemps joué sur les nerfs des Israéliens pour «faire monter les prix» en refusant de dire si ces soldats étaient encore vivants.
L'accord a été approuvé par 22 des 25 membres du gouvernement, selon un communiqué officiel. Seuls les ministres des Finances, de l'Habitat et de la Justice ont voté contre.
Les chefs du service de sécurité intérieure (Shin Beth) et des services secrets (Mossad) se sont vainement opposés, devant le Conseil des ministres, à un échange de prisonniers contre des corps, bien qu'il y ait eu des précédents.
En face, le chef d'état-major, Gaby Ashkenazi, appuyé par le ministre de la Défense, Ehud Barak, a appelé les ministres à soutenir l'accord considérant que l'armée avait un devoir envers les familles.
A l'ouverture de la réunion, le chef du gouvernement, Ehud Olmert, a appelé les ministres à approuver l'accord, négocié par l'intermédiaire de l'Allemagne, tout en reconnaissant qu’il n'y avait aucune chance pour que les deux soldats israéliens soient encore vivants.
Des hauts responsables de la Défense israéliens ont estimé aujourd'hui que l'accord sur l'échange de deux soldats israéliens présumés morts contre des détenus libanais et des corps, commencera à être mis en oeuvre dans les deux semaines.
Ce laps de temps est nécessaire pour des tests d'identification génétiques de corps, selon ces sources citées par la radio publique.
Au cours de ces deux semaines, Israël doit obtenir un rapport du Hezbollah sur les informations qu'il a recueillies concernant le sort de l'aviateur Ron Arad, disparu au Liban après avoir été fait prisonnier par des miliciens chiites en 1986.
Ron Arad fait figure de héros en Israël, qui n'a jamais renoncé à le récupérer et a toujours refusé de le proclamer officiellement mort, bien que des responsables militaires aient estimé que ce navigateur, dont on n'a aucune nouvelle depuis une vingtaine d'années, n'est plus en vie.
De son côté, Israël doit remettre des informations dont il dispose sur quatre diplomates iraniens (disparus au Liban en 1982), également présumés morts, selon ces mêmes sources.
Entretemps, une association d'avocats ultra-nationalistes a présenté un recours devant la Cour suprême pour interdire au gouvernement de fournir de telles informations tant que l'Iran n'aura pas fourni de son côté des informations sur le sort de douze juifs iraniens disparus après avoir tenté de franchir la frontière avec le Pakistan.
«Malgré le prix élevé» à payer, M. Olmert a néanmoins donné son accord à cet échange avec le Hezbollah des corps des soldats israéliens contre des prisonniers libanais, et appelé les ministres à faire de même .
«Israël a une obligation morale d'assurer le retour de ses soldats» , a déclaré Mark Regev, le porte-parole du Premier ministre après le vote. «Pour nous, c'est une valeur fondamentale. Pendant ces négociations, nous avons été obligés de traiter avec le Hezbollah, une organisation terroriste cynique qui n'a aucun scrupule à manipuler la douleur des familles de nos soldats», a-t-il ajouté dans un communiqué.
En échange de la remise par le Hezbollah des corps de ses deux soldats enlevés et des restes d'autres combattants israéliens récupérés sur le champ de bataille durant la deuxième guerre du Liban, l'Etat hébreu relâchera cinq détenus libanais : quatre combattants du Hezbollah et le doyen de ces prisonniers, Samir Kantar, du Front de libération de Palestine (FLP), chef d'un commando qui avait perpétré la tuerie de Nahariya en 1979 pour laquelle il a été condamné en 1980 à 542 ans de prison. Il remettra les corps de plusieurs dizaines de combattants et autres personnes infiltrées en Israël, dont huit membres du Hezbollah. En outre, le gouvernement israélien s'engage à libérer «un certain nombre» de détenus palestiniens de son choix.
Des responsables du Shin Beth, le service de sécurité intérieure, et du Mossad, les services de renseignements, se sont opposés à cet échange, estimant qu'Israël offrait ainsi une victoire sur un plateau au Hezbollah tout en encourageant les «organisations terroristes» à enlever et tuer des soldats israéliens.
Malgré la pression croissante exercée par l'opinion publique depuis plusieurs semaines, sensible à la douleur des familles des soldats disparus, il se dit dans l'entourage d'Ehoud Olmert, que les pourparlers portant sur ce volet de l'échange ont été «sordides». En effet, durant la deuxième guerre du Liban, des unités spécialisées du Hezbollah et de Tsahal (l'armée israélienne) avaient été spécialement chargées de récupérer le plus possible de corps ou de restes de combattants de l'autre camp. Objectif ? Préparer les négociations à venir, puisque chacun de ces «atouts» se monnaie habituellement très cher. Pendant deux ans, grâce à un médiateur allemand, Israël et le Hezbollah ont donc discuté pour récupérer des bouts de cadavres, jambes coupées, morceaux de foie et têtes arrachées par le souffle des explosions.
Pour sa part, Ehoud Olmert a admis qu'il s'était «fait un devoir d'hésiter» avant de trancher un tel dilemme. «Nous sommes sans illusion, il y aura autant de tristesse en Israël que d'humiliation, vu les fêtes qui vont se dérouler de l'autre côté», a-t-il ajouté en faisant allusion au Liban. Le Premier ministre n'a toutefois pas pu résister à l'énorme pression émotionnelle exercée par les familles, relayée par une campagne médiatique qui a atteint un tel niveau ces derniers jours qu'il lui était pratiquement impossible de résister.
«L'échange a été bloqué pendant près d'un an parce que Nasrallah (Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah) exigeait la libération de milliers de prisonniers palestiniens, ensuite il est descendu à mille détenus. Finalement ce n'est que lorsque Nasrallah a laissé à Israël le choix du nombre et de l'identité des prisonniers palestiniens que l'accord a abouti»,, a déclaré le numéro deux du gouvernement israélien, Haïm Ramon.
Le président du conseil exécutif du Hezbollah, Hachem Safieddine, a vu dans cet accord une victoire pour son mouvement. «Personne au monde n'aurait été capable d'atteindre l'objectif d'Israël, récupérer les soldats, sans que la résistance (le Hezbollah) dicte ses conditions : la libération des prisonniers», a-t-il déclaré dans une allocution publique.
L'accord a été en général bien accueilli par la presse considérant qu'Israël n'avait pas d'autre choix pour récupérer les soldats disparus.
«Une chose est certaine : l'accord est le meilleur possible compte tenu des circonstances. Nous n'avons pas la haute main dans la négociation car il ne peut y avoir de vainqueurs. Nous n'avons pas été les perdants car tous ont perdu dans cette affaire», écrit le quotidien à grand tirage Yediot Aharonot.
Pour le quotidien Haaretz, le feu vert du gouvernement illustre «les limites de l'exercice de la force» qu'Israël a appris à ses dépens en engageant une véritable guerre au Liban, le 12 juillet 2006 pour ramener les soldats enlevés.
Si tout se passe comme prévu, les corps des deux soldats devraient être rapatriés dans une dizaine de jours. Le dossier ultrasensible des prisonniers ne sera toutefois pas refermé pour autant, Israël restant sans nouvelle de Ron Arad, un aviateur dont l'avion a été abattu au-dessus du Liban en 1986, tandis que Gilad Shalit, un caporal franco-israélien kidnappé il y a deux ans, est toujours détenu par les islamistes du Hamas quelque part dans la bande de Gaza.