Compte tenu de l’impasse dans laquelle se trouve l’Europe à la suite de l’échec du traité constitutionnel - la France, l’un grand pays fondateur de l’UE, ayant rejeté le Traité établissant une Constitution pour l’Europe le 29 mai 2005, suivi par le «non» néerlandais qui a bloqué le processus de ratification – des regards attentifs de toute l’Europe étaient tournés vers les résultats des élections présidentielles françaises. Dans le discours prononcé après l’annonce de sa victoire M. Sarkozy s’est adressé aux États membres de l’UE pour affirmer son engagement européen : «Je veux lancer un appel à nos partenaires européens, auxquels notre destin est lié, pour leur dire que toute ma vie j’ai été européen, que je crois en la construction européenne (…)». Et d’ajouter qu’avec lui, «la France est de retour en Europe».
La solution du chef de l’État français pour sortir de l’impasse constitutionnelle passe par l’adoption d’un «mini-traité» européen d’ici à 2008, non plus par la voie du référendum mais par celle du Parlement réuni en Congrès. Ce traité allégé retiendra les mesures du Traité constitutionnel faisant l’objet d’un consensus, notamment la première partie de ce texte qui vise à simplifier et à améliorer le fonctionnement des institutions européennes (instauration de coopérations renforcées, d'une présidence stable et d'un chef de la diplomatie européenne pour donner à l’Europe un visage et une voix, l’abolition de la règle de l’unanimité dans l’Union...). Le Conseil européen de juin devrait convoquer une conférence intergouvernementale pour rédiger ce nouveau texte avant la fin de l'année. Nicolas Sarkozy souhaite qu’il soit ratifié avant la présidence française de l'Union, qui commence le 1er juillet 2008.
En Europe, José Manuel Barroso, le président de la Commission Européenne, a exprimé son contentement après la victoire de M. Sarkozy, tandis que la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre britannique Tony Blair, entre autres, ont félicité le nouveau Président.
En revanche, après les déclarations de Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle assénant que la Turquie est située géographiquement en Asie mineure et qu’elle ne remplit aucune des conditions pour intégrer l’Union européenne, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a déclaré qu’il espérait que la ligne diplomatique du nouveau Président français n'affectera pas le processus d'adhésion d'Ankara à l'Union, ni les relations bilatérales entre la France et la Turquie. Opposé à l’entrée de la Turquie dans l'Union européenne, Nicolas Sarkozy pourrait chercher à réorienter les négociations vers l’édification d’une Union méditerranéenne qui lui tient tant à cœur.
Autre priorité, l'Afrique, qui pourrait faire l'objet, dès la rentrée de septembre, d'un premier voyage extra-européen. «Je veux lancer un appel à tous les Africains, un appel fraternel pour dire à l'Afrique que nous voulons l'aider ; aider l'Afrique à vaincre la maladie, à vaincre la famine, à vaincre la pauvreté, à vivre en paix. Je veux leur dire que nous allons décider ensemble d'une politique d'immigration maîtrisée et d'une politique de développement ambitieuse», a-t-il lancé dimanche 6 mai. Ses propos, qui ont évité l’utilisation de l’expression d’«immigration choisie» - l’un des thèmes phares du nouveau Président - ont cherché à apaiser l'inquiétude suscitée chez les Africains. Bon nombre de dirigeants africains s’interrogent cependant aujourd’hui sur les relations futures entre la France et l'Afrique, non seulement en matière d'immigration mais également en matière de défense, Paris devant examiner un redéploiement militaire sur le continent noir, notamment en Afrique de l’Ouest, comme ailleurs dans le monde.
Troisième priorité, les relations transatlantiques. Avec les «amis américains», Nicolas Sarkozy entend, là encore, tourner définitivement la page du différend irakien. George Bush, qui l'a appelé dès le 6 mai au soir pour le féliciter, a déclaré voir de «véritables opportunités» de travail avec Paris. La relance diplomatique avec les États-Unis se profile, mais Nicolas Sarkozy a également précisé que «L’amitié, c’est d’être avec ses amis quand ils ont besoin de vous et d’être capable de leur dire la vérité quand ils ont tort», ce qui vaut tout particulièrement en matière de réchauffement climatique. Invitant les États-Unis «à ne pas faire obstacle à la lutte contre le réchauffement climatique», le nouveau Président français plaide pour la création d’une «Organisation mondiale de l’environnement», notamment pour «faire contrepoids à l’OMC qui a tendance à négliger les problèmes environnementaux».

Mise à jour (18/05/2007)
La liste officielle du gouvernement de François Fillon, premier gouvernement sous la présidence de Nicolas Sarkozy, a été publiée le vendredi 18 mai. Composé de 15 ministères (huit hommes et sept femmes ministres) et de 5 secrétariats d'État, l'UMP lui donne sa tonalité dominante, notamment avec le numéro deux de l’équipe gouvernementale, Alain Juppé, ministre d'État en charge de l'environnement, du développement durable, de l'energie et des transports.
L’ouverture s’est faite sur les questions internationales, avec la nomination d’Hervé Morin (UDF) à la Défense et de Bernard Kouchner aux Affaires étrangères et européennes, cette dernière nomination ayant aussitôt conduit à la déclaration de son exclusion du PS. Co-fondateur de l’organisation humanitaire Médecins sans frontières puis de Médecins du Monde, ministre de la Santé sous Lionel Jospin, Kouchner a été administrateur civil de l’ONU pour le Kosovo de 1999 à 2001, après avoir bataillé pour la reconnaissance du droit d’ingérence humanitaire dans les années 90. Candidat malheureux de la France au poste de directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en novembre 2006, il a été nommé un mois plus tard représentant de l’Union européenne pour les droits de l’Homme au Sri Lanka.
  • À lire dans le journal Le Monde en date du 20 mai 2007, une tribune du fraîchement nommé ministre des Affaires étrangère et européennes, M. Bernard Kouchner, «Pourquoi j'ai accepté» :
«Conflits sociaux en France ou engagements extérieurs : j'ai toujours été et je demeure un militant de tous ces combats qui souvent ont fait la grandeur de notre pays. Depuis 1968, au Biafra comme à l'ONU et au Kosovo, en passant par Médecins sans frontières, Médecins du monde et de nombreuses autres expressions de la société civile, j'ai agi pour la défense des mêmes idéaux de solidarité et de progrès. Ministre, je porterai haut ces valeurs de la diplomatie française.
En près de quarante ans d'action humanitaire et de batailles politiques pour les Droits de l'Homme, nous avons fait bouger le monde dans les domaines de la diplomatie, de la santé ou de la protection des minorités. Nous poursuivrons demain nos efforts en construisant une mondialisation plus juste, une Europe plus forte, et en retrouvant pour la France l'ambition que lui assigne son histoire.
J'ai toujours été et je demeure un homme libre, militant d'une gauche ouverte, audacieuse, moderne, en un mot social-démocrate. En acceptant aujourd'hui de travailler avec des gens qui sur bien des sujets ne pensent pas comme moi, je ne renie pas mes engagements socialistes. J'ai participé à la campagne de Ségolène Royal et j'ai voté pour elle aux deux tours de l'élection présidentielle parce qu'elle me semblait représenter une chance pour la gauche. La France a tranché : cette étape est maintenant derrière nous. Je continuerai à réfléchir et à me battre, avec tous les esprits ouverts, pour qu'existe enfin une social-démocratie française. La politique extérieure de notre pays n'est ni de droite ni de gauche. Elle défend les intérêts de la France dans un monde qui se réinvente chaque jour. Elle doit être déterminée et novatrice. En me faisant l'honneur de me proposer de diriger la diplomatie de la France, le président de la République n'a pas imaginé que je devienne sarkozyste. Certaines de mes convictions ne sont pas les siennes et réciproquement. Voilà qui annonce, j'espère, d'heureux changements de style, d'analyse et d'époque. Cela porte un beau nom : l'ouverture.
Je sais que certains de mes amis me reprochent ce nouvel engagement. A ceux-là, je réclame crédit : mes idées et ma volonté restent les mêmes. S'ils me prennent un jour en flagrant délit de renoncement, je leur demande de me réveiller. Je garantis que ce temps n'est pas venu. N'ayons pas peur de l'avenir ; regardons au-delà des cloisons partisanes. Je fais partie d'un gouvernement réuni pour agir et être utile à la France, à l'Europe et au monde. On me jugera sur mes résultats».