50 ans après la signature du Traité de Rome en mars 1957, quel bilan peut-on tirer de la construction européenne et quelles peuvent être les perspectives à court, moyen et long terme du projet européen? Telle était la question posée hier à deux grands spécialistes français du militantisme européen.
Pour Sylvie Goulard, l’Union européenne telle qu’elle se construit depuis une dizaine d’années s’éloigne de plus en plus de l’Europe révolutionnaire initiée par ses pères fondateurs après la deuxième guerre mondiale.
D’après elle, si l’Europe d’aujourd’hui bat de l’aile, c’est d’abord parce qu’elle a perdu de vue son sens initial, celui de "l’intégrité européenne". Au-delà de la volonté d’instaurer la paix sur le continent, les pères fondateurs de l’Europe, ambitionnaient la création d’une civilisation unie défendant et protégeant un intérêt et des valeurs communes non seulement au service d’une coopération intra-européenne mais surtout sur le plan international, face au reste du monde.
Or aujourd’hui, l’Europe en tant qu’entité civilisationnelle et politique unie n’existe pas réellement au niveau international, aux yeux des autres puissances mondiales, hormis d’un point de vue économique et commercial.
La militante invoque sur ce point la réintégration urgente de ce qu’on appelle aujourd’hui, "la méthode communautaire", méthode de coopération unique qui fonctionne déjà dans certains domaines (marché unique, politique commerciale européenne) et qui devrait être appliquée, selon Sylvie Goulard à bien d’autres politiques communes.
Pour la présidente du Mouvement européen France, il est donc important de réinsuffler à l’Europe ses ambitions d’origine afin de redonner un élan à la construction européenne.
Sur ce point, Alain Terrenoire, président de l’association PanEurope, rejoint l’opinion de Sylvie Goulard. Selon l’ancien député français et européen, malgré ses succès techniques et économiques, l’Europe n’a à aucun moment depuis les années 80 su convaincre les européens de leur appartenance à une communauté humaine et culturelle unie. Pour lui il faut redonner une "âme commune" à l’Europe. Et ceci passe inéluctablement par une meilleure pédagogie et communication des objectifs européens.
Sylvie Goulard dénonce par ailleurs le décalage permanent entre les discours enflammés des dirigeants des Etats membres de l’Union depuis une dizaine d’années et la réalité des actions réalisées. Selon la spécialiste des questions communautaires, il faut "arrêter de faire l’Europe sans la faire", c'est-à-dire par exemple, arrêter de se dire qu’on veut une politique de défense commune sans se donner les moyens de la réaliser, ou arrêter d’invoquer une Europe de politiques communes tout en refusant une constitution pour celle-ci.
Pour Alain Terrenoire, l’Europe en tant que troisième puissance démographique mondiale avec 500 millions de citoyens doit repenser ses ambitions de manière plus "élevées", c'est-à-dire réaffirmer son existence, son indépendance et sa souveraineté.
Dans un ouvrage publié récemment aux éditions du Seuil et intitulé Le coq et la perle, Sylvie Goulard, s’intéresse plus particulièrement au rôle de la France dans l’évolution récente de la construction européenne et condamne l’attitude passéiste et égoïste des politiques français face au problème depuis Maastricht.
Pour illustrer ceci, les deux intervenants, ne manquent pas de rappeler, en passant, l’absence flagrante du traitement de la question européenne dans la campagne présidentielle française actuelle.
Enfin, sur le plan institutionnel, il est urgent et prioritaire pour la présidente du Mouvement européen et le président de PanEurope de trouver un accord sur le Traité constitutionnel pour pouvoir ensuite redéfinir et mettre en oeuvre de nouveaux objectifs politiques pour l’Union.



Dalar ARSLANYAN est journaliste à Fenêtre sur l'Europe.