L'espoir que les Nations unies et l'Union africaine apportent, avec une force hybride, une certaine stabilité dans cette province de l'ouest du Soudan en guerre civile depuis 2003, a été déçu.
Censée devenir la plus importante mission de paix de l'ONU au monde, la Minuad ne comptait sur le terrain fin novembre que 12.163 soldats et policiers, au lieu des 26.000 prévus.
"Le génocide se poursuit", a martelé le 3 décembre le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, qui a demandé aux juges de la CPI d'émettre un mandat d'arrêt international contre le président Omar el-Béchir pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour.
Les juges devraient décider début 2009 s'ils lancent le premier mandat d'arrêt de la CPI contre un chef d'Etat en exercice.
Le conflit, déclenché par le soulèvement des rebelles contre le gouvernement central, est devenu plus complexe avec le morcellement des rebelles. La région, de la taille de la France, a plongé dans l'insécurité.
Un cessez-le-feu "inconditionnel", proclamé par M. Béchir en novembre dans le cadre d'une campagne visant à empêcher son éventuelle inculpation, a été rejeté par les rebelles. Les combats et les bombardements ont continué.
"Des millions de personnes vivent sous la menace quotidienne de la violence et dépendent de l'aide humanitaire, qui est entravée ou complètement bloquée par l'insécurité et les obstacles bureaucratiques", affirme Julia Fromholz, une responsable de Human Rights First.
Depuis 2003, l'ONU estime que près de 300.000 personnes sont mortes, 2,7 millions ont fui la région. Khartoum avance le chiffre de 10.000 morts. Selon l'ONU, 4,7 millions de personnes reçoivent de l'aide humanitaire au Darfour, sur une population de 6 millions.
Les opérations d'aide devraient coûter un milliard de dollars en 2009.
Les travailleurs humanitaires sont quotidiennement confrontés aux attaques des rebelles ou des bandits. L'insécurité sur les routes et le transport aérien coûteux ont contraint ces humanitaires à réduire l'aide alimentaire.
Durant les neuf premiers mois 2008, onze travailleurs humanitaires sont morts et l'ONU dit n'avoir eu accès qu'à 65% du Darfour.
La Minuad, elle, ne dispose toujours pas des 24 hélicoptères nécessaires pour couvrir le Darfour et ses patrouilles sont irrégulières. Onze de ses soldats ont été tués depuis le début de ses opérations en décembre 2007, dont sept en juillet dans une embuscade.
L'espoir qu'une Minuad plus solide émergera en 2009 perdure toutefois.
Le Soudan, réticent au départ, coopère actuellement avec la force hybride en vue d'un déploiement complet. Dans certaines zones, des patrouilles régulières ont aidé les civils à retrouver la sécurité et facilité l'accès des travailleurs humanitaires.
En mai, les rebelles du Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM) ont lancé une attaque sans précédent contre Khartoum. L'assaut, bien que déjoué, a humilié les forces régulières.
Les efforts en vue de résoudre le conflit, dans l'impasse, ont montré de faibles signes de progrès avec la nomination d'un nouveau médiateur international pour le Darfour. Le Qatar s'est dit prêt à accueillir des pourparlers.
Mais la perspective d'une paix négociée "ne s'est pas rapprochée. Elle s'est éloignée", estime Alex de Waal, un spécialiste du Soudan.
"Si le référendum sur l'autodétermination se fait dans le Sud-Soudan dans les deux années à venir, et que le Sud se sépare (du Nord), je pense que nous nous dirigeons vers cinq nouvelles années d'incertitude au Darfour. Je pense donc que (la paix) est très très loin", ajoute-t-il.
© AFP, 8 décembre 2008