Cette date a été entérinée par le Comité permanent de concertation (CPC) qui s’est réuni, pour la cinquième fois, le 18 mai à Ouagadougou, sous l’égide du facilitateur Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso, garant de l’Accord de paix signé dans sa capitale en mars 2007. C’est une date sûre et non fétiche, selon les termes du Président ivoirien, qui permet, malgré les difficultés financières, de franchir les derniers obstacles pour la tenue du scrutin : identification et enrôlement des citoyens, reconstitution des registres d’état-civil pour les recoupements permettant d’établir les listes électorales provisoires, le déploiement du Centre de commandement militaire intégré (CCI) pour la sécurisation des élections, les passations de pouvoir entre commandants de zones militaires et les préfets, le désarmement, et l’achèvement de l’unification du pays avec la réinstallation de l’administration fiscale et douanière au Nord.

Les derniers jalons sur le chemin des élections
Il s’agit d’abord d’achever les opérations d’identification et d’enrôlement permettant de délivrer des cartes nationales d’identité d’une part, et d’établir les listes électorales, d’autre part. Le CPC du 18 mai a recommandé de proroger ces opérations jusqu’à la fin juin, ce qui rend crédible la publication des listes électorales définitives vers la fin septembre. A la date du 13 mai, 6 048 114 personnes avaient été enrôlées selon les chiffres fournis au CPC. Depuis le 21 mai, un millier de centres d’enrôlement ont été ouverts (aucune équipe ne s’était présentée à la mi-mai dans 227 localités du Sud et de l’Ouest du pays) ou réouverts pour des sessions dites de rattrapage. Cela avait été le cas à Abidjan du 25 avril au 10 mai (26 000 nouveaux inscrits), mais des centres sont de nouveau ouverts en cette fin juin dans le district d’Abidjan. Les opérations initialement prévues en mars pour la diaspora ivoirienne n’ont finalement commencé que le 11 juin dans les 23 pays retenus. De nombreuses grèves au sein des équipes d’enrôlement, affectant CEI, INS ou Sagem, pour protester contre des arriérés de salaires ou non paiement de primes, ont ralenti le processus d’enrôlement.
II apparaît aujourd’hui, au regard de l’évolution des chiffres, que la population cible estimée à plus de 8 millions, a été surestimée et que moins de 7 millions de personnes seront effectivement identifiées. Cela laisse à penser que, comme dans la plupart des pays d’Afrique, les anciennes listes électorales comportaient de nombreux doublons.
Le mode opératoire ayant été adopté de façon consensuelle, le 12 mars, par l’ensemble des acteurs politiques, la reconstitution des registres d’état-civil perdus ou détruits a été achevée avec retard en raison notamment des lenteurs dans le redéploiement de l’administration judiciaire. Cela permet de répondre aux requêtes déposées à l’issue des audiences foraines, environ 150 000, et d’effectuer des recoupements systématiques afin d’éliminer toute tentative de fraude dans le processus d’identification et d’enrôlement.
La passation des charges des commandants de zones militaires (ex-rebelles) aux préfets et le déploiement des forces du CCI, en vue du désarmement et de la sécurisation des élections, sont deux des principaux points du volet militaire d’ici la tenue des scrutins. Le report sine die de la cérémonie de passation des charges, prévue à Bouaké le 4 mars, avait semé un doute profond, en particulier au sein de la communauté internationale, sur la volonté des acteurs politiques d’aller à des élections en 2009. A l’initiative du chef de l’Etat, une série de réunions se sont tenues, les 23 et 24 mars, à Abidjan, avec des officiers de haut rang pour relancer l’application de l’accord IV conclu à Ouagadougou le 22 décembre 2008 sur ces questions militaires à régler pour parachever la réunification du pays.
C’est le 5 mai que le ministre de la Défense Amani N’Guessan a officiellement lancé le déploiement des 8000 gendarmes et policiers du Centre de commandement intégré (CCI) sur l’ensemble du territoire. Le premier détachement des Forces de défense et de sécurité (FDS) du chef d’état-major, le général Mangou, a rejoint Bouaké le 8 mai, et celui des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN) du général Bakayoko Abidjan le 9 (les FAFN n’avait alors fourni qu’une liste de 2600 éléments sur les 4000 requis). L’Onuci a assuré les autorités ivoiriennes de son soutien pour l’accompagnement matériel et financier de cette opération, appui qui sera sans doute aussi nécessaire pour l’insertion des anciens combattants des Forces nouvelles dans la nouvelle armée. Ces derniers, annoncés au nombre de 5000, seront regroupés dans les camps de Bouaké, Korhogo, Man et Séguéla, visités les 23 et 24 juin par le ministre ivoirien de la Défense, le représentant du facilitateur, M. Boureima Badini, en compagnie des représentants du CCI, des « forces impartiales » (ONUCI et Force française Licorne). De leur côté, les membres des groupes d’autodéfense ou milices, favorables au chef de l’Etat, rejoindront la vie civile. Le service national civique avancé comme alternative reste à financer et l’ONUCI a présenté un début de solution en assurant le financement de 335 micro-projets de réinsertion destinés à 1180 ex-combattants des Forces nouvelles ou anciens miliciens..
Reportée sine die le 4 mars, la passation des pouvoirs entre les commandants des dix zones militaires tenues par la rébellion et les préfets nouvellement nommés, a eu lieu le 26 mai à Bouaké. Intervenant alors que le redéploiement du CCI est largement engagé pour assurer les « missions de sécurité », cet acte n’a pas seulement une valeur symbolique et il ouvre désormais la voie à la réunification définitive du pays avec l’installation au Nord des administrations fiscale et douanière nécessaire au rétablissement de l’unicité des caisses de l’Etat.

Le redressement des finances publiques
Les décisions prises par le Conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI), le 27 mars, et celui de la Banque mondiale, le 31 mars, sont un ballon d’oxygène pour la Côte d’Ivoire. Ce pays a atteint le point de décision le rendant éligible à l’initiative PPTE (pays pauvres très endettés) dont il allait bénéficier en 2003, n’eût été le coup d’Etat manqué de septembre 2002. Pour passer de ce point de décision au point d’achèvement de l’initiative PPTE (au plus tôt dans un an) et bénéficier de l’allègement maximum de sa dette, la Côte d’Ivoire va devoir poursuivre une politique de réformes exigeante et répondre à des contraintes financières rigoureuses. Ces engagements doivent réduire la pauvreté, en particulier en milieu rural, et concernent aussi les domaines de l’énergie et des produits pétroliers, du café-cacao, la fonction publique, et l’environnement des affaires. Un des enjeux est, par exemple, de faire passer dans les cinq ans de 1% à 7,7% du PIB les dépenses consacrées au programme de réduction de la pauvreté dont le coût global est estimé à 17 000 milliards de francs CFA
En s’engageant dans cette perspective, la Côte d’Ivoire devrait ramener sa dette extérieure, estimée aujourd’hui en valeur actuelle nette à 12,6 milliards de francs CFA, à 75 % de ses recettes budgétaires d’ici à 2011 contre 327% en 2007, l’intégralité de l’allègement pouvant aller jusqu’à 90 % du stock de la dette. L’éligibilité à l’initiative PPTE permet de réduire de plus des deux tiers le service annuel de la dette versé par l’Etat ivoirien puisqu’il passera de 1,06 milliard d’euros (près de 700 milliards de francs CFA, soit près de 30% du budget annuel) à 305 millions d’euros, (200 milliards de francs CFA, soit moins de 10% du budget).
Outre le point de décision, le FMI a accordé un engagement de 565 millions de dollars (environ 280 milliarsds de francs CFA) sur trois ans, sous forme d’appuis budgétaires, dans le cadre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC), dont 241 (120 milliards FCFA) décaissés durant la première année. Mais l’Etat ivoirien doit rembourser 60 milliards de l’assistance d’urgence post-crise (AUPC) de la fin 2007 et 2008. Ce passage de l’AUPC à la FRPC traduit la normalisation de la situation politique en Côte d’Ivoire aux yeux des institutions financières internationales.
Cette décision du FMI ouvre la voie à l’intervention des bailleurs de fonds multilatéraux comme la Banque mondiale, l’Union européenne ou la Banque africaine de développement (BAD). Elle autorise la même dynamique pour les engagements bilatéraux à contracter avec l’Etat ivoirien.
De son côté, la Banque mondiale, le 31 mars, a confirmé l’admission de la Côte d’Ivoire au point de décision de l’initiative PPTE et a accordé un appui budgétaire de 150 millions de dollars, soit environ 75 milliards de francs CFA.
Les appuis budgétaires ont été prioritairement utilisés pour le paiement de la dette intérieure afin notamment de réduire le chômage par la relance des petites et moyennes entreprises fournissant l’Etat qui, au bord de l’asphyxie financière, avaient dû licencier. L’Etat ivoirien a mobilisé 114 milliards de francs CFA en avril, et s’est engagé à apurer les factures de ses fournisseurs à hauteur de 20 milliards chaque mois à partir du mois de mai. Ces décisions n’ont toutefois pas satisfait le Syndicat national des fournisseurs de l’Etat.
Les mesures prises par les institutions de Bretton-Woods et les nouveaux engagements de l’Etat qui en découlent ont conduit à réviser en avril le budget 2009 qui avait été adopté le 9 janvier dernier. Il a été arrêté à 2529,5 milliards de francs CFA, soit une hausse 65 milliards par rapport au budget initial et une progression de 9,2% par rapport à celui de 2008 révisé. Un tiers des dépenses (838 milliards) s’intègre dans la stratégie de lutte contre la pauvreté. Les douanes, qui ont réalisé 786 milliards de recettes en 2008, ont enregistré un manque à gagner de 37 milliards en 2007 du fait du non redéploiement de l’administration douanière au Nord et à l’Ouest du pays.
Le bilan des négociations du Club de Paris, traitant des dettes publiques bilatérales, qui se sont achevées le 15 mai, complète ce rapide état des finances publiques ivoiriennes. La Côte d’Ivoire a obtenu une annulation de 390 milliards de francs CFA sur un stock de 2 168 milliards et elle ne réglera que 181 milliards sur les trois ans à venir qui correspondent à l’exécution du programme appuyé par le FMI. Le paiement du solde est rééchelonné au-delà d’avril 2012 sur une période de dix ans avec trois ans de grâce.
Le directeur général du FMI, Dominique Strauss Kahn a effectué une longue visite de travail, du 25 au 28 mai, à Abidjan, rencontrant les autorités ivoiriennes et l’ensemble des acteurs politiques du pays. Il a noté qu’en pleine crise mondiale, la Côte d’Ivoire est un des rares pays où la croissance sera cette année supérieure à celle de l’année précédente (3,7% contre 2,3% en 2008).
Les secteurs porteurs de croissance restent l’agriculture d’exportation (+10,2%), les télécommunications (+9,8%), l’agroalimentaire (+8,8%) et, à un degré moindre, les BTP (+3,4%). Dans ce domaine de l’agriculture d’exportation, la Côte d’ivoire est devenue le deuxième producteur de noix de cajou (anacarde), derrière l’Inde, avec une production de 330 000 tonnes en 2008. Dans la filière plus traditionnelle du café cacao, se prépare une réforme structurelle et, sous la présidence de Maître Géraldine Odéhouri-Brou, conseillère juridique du Président ivoirien, le comité qui en est chargé depuis le 26 mai, a trois mois pour remettre ses travaux. Le chef de l’Etat a réaffirmé, le 4 juin, que cette réforme doit aller dans le sens d’une meilleure rémunération du producteur. Un allègement de la fiscalité semble inévitable dans cette filière.
A quelques mois de l’échéance présidentielle, malgré les dépenses nécessaires à la sortie de crise, le pari de redresser les finances publiques du pays, relevé par le chef de l’Etat après l’accord politique de Ouagadougou, est en passe d’être gagné. Si la rigueur reste à l’ordre du jour jusqu’au point d’achèvement de l’initiative PPTE, la Côte d’Ivoire peut envisager d’ici à 2015, au regard de ses nouvelles potentialités minières et pétrolières et des réformes structurelles engagées, de renouer avec une stratégie de développement propre à un pays émergent.

Les évolutions diplomatiques
Réuni le 29 mai, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réjoui qu’une date ait été fixée pour l’élection présidentielle, supposant la mise en œuvre effective de chacune des cinq étapes conduisant à l’élection : publication des listes électorales provisoires, puis des listes définitives, production et distribution des cartes électorales, fixation des dates de la campagne officielle. Il a, en particulier, noté le développement positif de la passation des pouvoirs aux préfets, le 26 mai, à Bouaké. Cette appréciation a mis fin à une pression diplomatique exercée depuis le mois de janvier pour la tenue des élections en 2009, fondée sur les retards pris dans l’application de l’accord IV de Ouagadougou de décembre.
En effet, le secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki Moon, tout en reconnaissant les progrès accomplis, avait exprimé des inquiétudes dans son 20 éme rapport en date du 13 avril, à l’ordre du jour des travaux du Conseil de sécurité du 28 avril, C’est à cette séance que l’ambassadeur ivoirien auprès de l’ONU, Alcide Djédjé, avait annoncé l’élection dans une fourchette allant du 11 octobre au 6 décembre.
Le secrétaire général adjoint de l’ONU, chargé du maintien de la paix, Alain Le Roy, reçu à Yamoussoukro, le 12 juin, par le chef de l’Etat ivoirien, après avoir rencontré les acteurs politiques ivoiriens, a visité, le 14, les forces de l’ONUCI dont l’effectif militaire a été ramené de 8 024 à 7 450 éléments. Cette présence massive semble hors de proportion au regard de la normalisation de la situation en Côte d’Ivoire, comparée à d’autres champs d’intervention de l’ONU dans le monde.
La France qui, avec les Etats-Unis, avait fortement relayé les pressions de l’ONU, s’attache à poursuivre le rétablissement de relations harmonieuses avec l’Etat ivoirien. Après trois ans de relations glacées, jusqu’à la fin 2007, la Côte d’Ivoire a accueilli une nouvelle visite d’un membre du gouvernement français en la personne du secrétaire d’Etat à la Coopération, Alain Joyandet, reçu, le 5 mai, par le chef de l’Etat ivoirien. Le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, est attendu en juillet à l’invitation de Laurent Gbagbo.
Avant que Jean-Marc Simon ne succède à la mi-juin à André Janier au poste d’ambassadeur de France à Abidjan, c’est à un général de brigade, Jean-François Hogard, que le général de division Philippe Houbron a cédé le commandement de la Force Licorne, désormais réduite à 900 hommes basés à Abidjan et dont la dernière tâche sera la sécurisation des élections en liaison avec les forces armées ivoiriennes et l’ONUCI.
Dans la sous-région, le nouveau président du Ghana voisin, John Atta-Mills, issu d’un parti membre de l’Internationale socialiste, le Congrès national démocratique (NDC), a réservé sa première visite officielle à l’étranger à la Côte d’Ivoire où il s’est rendu les 7 et 8 avril, confirmant le renforcement des liens entre les deux pays. A noter que le Ghana a été choisi par le président des Etats-Unis Barack Obama pour y faire étape le 10 juillet dans le cadre de son premier voyage en Afrique.
De son côté, le turbulent capitaine Moussa Dadis Camara, chef d’Etat d’un autre pays voisin, la Guinée, a annulé au dernier moment sa visite prévue à Yamoussoukro le 5 juin dernier. Mais depuis juin 2008, les quinze chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont décidé d’accélérer le processus d’intégration . Le chef de l’Etat ivoirien, en charge des transports, prend toute sa part dans cette dynamique, à l’image de la réunion du 5 juin tenue à Yamoussoukro sur ce thème. Il y a proposé la création d’un fonds de développement alimenté par un prélèvement symbolique sur les ressources du pétrole, du gaz, du café, du cacao, du diamant et de l’or. Les grands travaux promus en Côte d’Ivoire dans les domaines de l’énergie et des infrastructures de transport répondent à cette dynamique d’intégration régionale.
Au lendemain de l’investiture du nouveau président sud-africain Jacob Zuma, le président ivoirien, qui avait tenu à être présent, a rencontré son ancien homologue Thabo Mbéki Cette visite en Afrique du Sud est une nouvelle marque de sa volonté de privilégier des relations fortes avec les pays émergents. Elle se traduit en matière de coopération bilatérale avec une ouverture maîtrisée à la Chine, mais aussi au monde arabe, de la Tunisie aux Emirats arabes unis, en attendant le continent sud-américain.

Le climat politique et social à l’intérieur du pays
N’en déplaise aux sceptiques, la date du 29 novembre 2009 retenue pour l’élection présidentielle est prise très au sérieux par l’ensemble de la classe politique ivoirienne. Les alliés mais concurrents du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), Henri Konan Bédié du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et Alassane Ouattara du Rassemblement des républicains (RDR), qui s’est toujours voulu le champion de la lutte contre l’exclusion, ont même milité pour la date du 11 octobre. Ils n’étaient pas sans ignorer que la Commission électorale indépendante (CEI) avait encore oublié au début du mois de mai plus de deux cents localités plutôt favorables à la mouvance présidentielle… Le rattrapage de ces exclus explique le retard pris dans le choix de la date de l’élection.
L’achat, en mai, par la CEI, de 25 000 urnes transparentes et 50 000 isoloirs pour les quelques 22 000 bureaux de vote, ne suffit pas, bien sûr, à rendre l’échéance crédible. Mais, sur le terrain, la campagne présidentielle est bel et bien lancée. Konan Bédié, candidat du PDCI, s’est engagé dès 2008 dans ce qu’il appelle lui même son « dernier combat » -il a eu 75 ans le 5 mai dernier. Après avoir sillonné le Centre et l’Ouest du pays, il était en campagne, du 22 avril au 6 mai, dans les régions du Moyen Comoé et du Zanzan (Est et Nord/Est du pays), tenait meeting, le 6 juin, à Abidjan dans la commune populaire d’Adjamé.
De son côté, Alassane Ouattara, candidat du RDR, a initié sa campagne le 10 mai, dans le district d’Abidjan, s’adressant plus particulièrement à la jeunesse de Yopougou, fief traditionnel du Front populaire ivoirien (FPI). Du 3 au 7 juin, il menait campagne dans le Bas Sassandra (le port de San Pedro et le Sud Ouest du pays), avant de rejoindre à partir du 19 juin la région des Lacs (Toumodi, Yamoussoukro, Didiévi).
Pour sa part, le Président Gbagbo, accompagné du Premier ministre Guillaume Soro, a effectué une longue visite d’Etat, du 7 au 20 juin, dans l’Ouest et le Nord Ouest du pays (régions des Montagnes, du Bafing et du Denguélé), longtemps contrôlés par la rébellion, visite endeuillée par le décès de l’ancien ministre d’Houphouët-Boigny, dignitaire du PDCI, Denis Bra Kanon qui s’était rapproché de Laurent Gbagbo. Il avait contribué à régler le contentieux lié à l’enterrement dans son village natal, Kabacouma, de l’ancien chef d’Etat, le général Robert Guéï, battu par Laurent Gbagbo à l’élection d’octobre 2000, assassiné le 19 septembre 2002 pendant la tentative de coup d’Etat. C’est précisément au cours de cette visite que les désaccords avaient pu être surmontés grâce à l’entremise de Denis Bra Kanon. Le Président ivoirien, qui assistera aux funérailles de Robert Gueï à la fin du mois d’août 2009, a animé une quinzaine de meetings au cours de cette tournée faisant halte notamment dans les villes de Man et de Touba avant d’achever son périple à Odienné.
Le Président sortant, bien qu’investi, hors sa présence, par le Front populaire ivoirien (FPI), n’a pas encore officiellement fait acte de candidature. C’est dans les semaines suivant cette tournée que vont être définies les modalités de la campagne avec l’ensemble de la mouvance présidentielle. Au sein de cette mouvance, acquis à la future candidature du Président sortant, le RPP de Laurent Dona Fologo, Président du Conseil économique et social et ancien secrétaire général du PDCI, tiendra son premier congrès du 20 au 22 août à la Fondation Félix Houphouët-Boigny à Yamoussoukro.
Si le code de bonne conduite, signé en avril 2008 par les partis politiques ivoiriens à l’occasion de la visite du secrétaire général de l’ONU Ban Ki Moon, semble respecté sur le terrain, la question du désarmement avait fait l’objet d’une violente polémique entre le Président du FPI, Pascal Affi N’Guessan, et le porte-parole des Forces nouvelles, Sidiki Konaté. Au sein des Forces nouvelles, un courant n’entendait visiblement pas désarmer et, le 13 avril, avait enjoint le Premier ministre Guillaume Soro de démissionner de son poste dans les 48 heures. Avant même que ne se tienne, le 20 avril, à Bouaké, le conclave du mouvement des Forces nouvelles dont il est le secrétaire général, Guillaume Soro avait rejeté cette injonction. Bien que marginale, la volonté de refuser l’application intégrale des accords de Ouagadougou subsiste encore au sein de l’ancienne rébellion, mais elle ne semble pas en mesure de remettre en cause un processus de sortie de crise désormais irréversible.
Dans le domaine social, le chef de l’Etat a dû intervenir lui-même pour mettre fin à des mouvements de grève très radicaux dans l’enseignement secondaire qui avaient précédé de façon peu opportune les décisions du FMI et de la Banque mondiale. Les cours avaient repris le 16 mars après une rencontre du Président avec les syndicalistes en grève le 13 mars. Si les syndicats se sont engagés le 1 er mai à respecter une trêve pour ne pas remettre en cause le processus politique conduisant aux élections, des mouvements sporadiques éclatent, notamment dans le secteur de la santé ou plus récemment au port où des milliers de dockers ont cessé le travail du 2 au 16 juin. La reprise du travail a été acquise une fois de plus grâce à un engagement du chef de l’Etat.
Cette intervention du Président dans le règlement des conflits sociaux traduit certes la confiance qu’il inspire dans le monde du travail, mais elle révèle aussi le manque de crédibilité d’un gouvernement dont les membres agissent plus en représentants de partis politiques concurrents qu’en hommes d’Etat au service d’un pays. Seules les prochaines échéances électorales pourront permettre de former une équipe gouvernementale capable de conduire une politique cohérente.

En guise de conclusion
Il est vari que le processus de sortie de crise devant conduire aux élections en Côte d’Ivoire a connu de sérieuses difficultés pendant les mois de mars et d’avril. La mise en œuvre effective du volet militaire indispensable à la réunification totale du pays s’est avérée très délicate. Elle n’est réalisée qu’en partie, mais le redéploiement du CCI et la passation des pouvoirs aux autorités préfectorales sont des progrès décisifs.
Pour ce qui est du volet civique et administratif, les problèmes financiers et logistiques qui ont émaillé depuis le 15 septembre 2008 les opérations d’identification et d’enrôlement, ont repoussé leur achèvement de trois mois : 30 juin 2009 au lieu du 31 mars, date initialement retenue. Les différentes tâches à accomplir jusqu’au scrutin du 29 novembre sont tout à fait réalisables.
Le redressement des finances publiques, grâce à la reconnaissance par les institutions financières internationales des efforts de l’Etat ivoirien, est désormais tangible et permet de relancer le monde des entreprises qui était au bord de l’asphyxie financière. On peut légitimement espérer que la Côte d’Ivoire qui a repris sa place dans l’arène internationale et réaffirme son rôle moteur en Afrique de l’Ouest, n’ait plus à craindre de risque de déstabilisation notoire.