En 2007, le Président Nicolas Sarkozy avait fixé comme objectif au complexe militaro-industriel français, d'atteindre en 2010 un niveau d’exportation d’arme annuel de 10 milliards d’euros. Et bien cet objectif se rapproche, puisque pour 2008, la France a enregistré 6,58 milliards d'euros de commandes d'armes « soit un chiffre supérieur de 13 % à celui de l’année 2007». La France est, selon les chiffres annoncés dans ce rapport, le quatrième exportateur d’armes au monde avec une part de marché de 7,2%. Le trio de tête étant composé des Etats-Unis (49%), suivis du Royaume-Uni (15%) et de la Russie (8%).
Autre information que livre ce document de 116 pages, la France continue d’autoriser l’exportation de matériel de guerre vers des pays (comme le Tchad pour 12 979 250 M€, Israël pour 75 033 595 M€ et la Chine pour 227 608 770 M€) qui ne respectent pas un ou plusieurs critères établis par le Code de conduite de l’Union Européenne. Par exemple les critères :
  • Deux « Respect des droits de l’homme dans le pays de destination finale ».
  • Trois « Situation intérieure dans le pays de destination finale (existence de tensions ou de conflits armés) ».
  • Quatre « Préservation de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionales ».
À quoi sert ce rapport ? Il permet normalement aux parlementaires, à la société civile et aux citoyens, d’obtenir une certaine lumière sur des intérêts stratégiques peu mis en avant. Malheureusement, ce document n’apportera pas une nouvelle fois la transparence tant attendue. Il est loin le temps où la France rendait, certes avec du retard (18 mois en moyenne), un pavé de près de 300 pages (rapport 2002/2003 et de 2006) comprenant de multiples annexes dont les fameuses fiches-pays qui permettaient d’avoir des détails et une facilité de lecture.
Ainsi à la lecture du rapport 2008, si un lecteur décidait de s’attarder sur les tableaux de l’annexe 5, intitulé « détail des prises de commandes pour 2008 par pays », il verrait que les trois plus gros clients de la France sont le Brésil (1404,3 M€), le Maroc (874,3 M€) et l’Arabie Saoudite (744,4 M€). Mais, si le lecteur décide de voir ce qui ce cache derrière ses chiffres, la complexité va très vite l’arrêter dans ses recherches. En effet, il est difficile, voire impossible, de savoir à quoi correspondent ces montants, sans pratiquer un suivi régulier des transferts d’armes. Ainsi, pour connaître les armes commandées en 2008 par le Brésil, il est nécessaire de :
  • Se rapporter au tableau de l’annexe 6, intitulé « liste détaillée des prises de commandes 2008 par type de matériels répartis selon les Catégories du Code de Conduite européen». Une pléiades d’acronyme (ML-1 à ML-22) sont alors inscrits dans un tableau auquel coïncident pour chacun des montants.
  • Pour comprendre ces acronymes, il faut se reporter à un second document dans lequel, se trouvent les annexes 15 et 16. C’est l’annexe 16 « Liste commune des équipements militaires de l’Union européenne adoptée par le Conseil le 19 mars 2007 » en page 5, qui va permettre de décrypter les différents acronymes, les « ML ».
Muni de ces différentes pages, le lecteur peut maintenant tenter de lire les commandes que le Brésil a fait à la France en 2008, comme par exemple :
  • 6,7 M€ pour la catégorie ML-3 « munitions et dispositifs de réglage de fusées».
  • 19,0 M€ pour la catégorie ML-4 « bombes, torpilles, roquettes, missiles, autres dispositifs et charges explosifs et équipement et accessoires connexes ».
  • 1355,6 M€ pour la catégorie ML-10 « aéronefs, véhicules plus légers que l’air, véhicules aériens non habités, moteurs et matériel d’aéronef ».
Mais voilà, le lecteur sera bien peu avancé devant ces titres car ils ne révèlent pas le matériel commandé par le Brésil. Ainsi, seule une veille active permettra de déchiffrer que les 1355.6 millions d’euros, regroupés sous l’acronyme ML 10, concerne la commande de cinquante hélicoptères lourds Eurocopter de type Super Cougar passée en juillet 2008…
Le citoyen n’a donc pas accès librement à des informations pourtant cruciales dans une démocratie. Sa seule solution, se tourner vers des organisations comme Oxfarm et Amnesty international qui réalisent des campagnes d’informations…