Thierry RANDRETSA
Une commission d'enquête
mandatée par l'Organisation des Nations Unies sur les atteintes aux droits de
l'Homme en Syrie dénonce, dans un rapport rendu public le 11 septembre, des "crimes
contre l'humanité" commis par les forces gouvernementales et des "crimes
de guerre" perpétrés par l'opposition armée.
L'enquête porte sur une période allant du 15 mai au
15 juillet 2013. Le rapport n'aborde donc pas l'attaque chimique survenu le 21
août 2013 dans les faubourgs de Damas, et qui est au cœur des
discussions internationales sur l'éventualité de frappes militaires.
"Les forces du Gouvernement et de
ses partisans ont continué de lancer des attaques généralisées contre la population
civile, commettant meurtres, tortures, viols et disparitions forcées
constitutifs de crimes contre l'humanité",
peut-on lire. Mais "les groupes armés antigouvernementaux ont
commis des crimes de guerre, notamment des meurtres, des exécutions sans
procédure régulière, des actes de torture, des prises d'otages et des attaques
contre des objets protégés". Le rapport mentionne aussi
l'utilisation d'enfants soldats par les groupes de l'opposition armée et par
les Kurdes.
258 entretiens avec des réfugiés et
déserteurs
Une vingtaine d'enquêteurs ont conduit 258
entretiens avec des réfugiés, des déserteurs et d'autres personnes au Proche-Orient
et à Genève, par l'intermédiaire du service de téléphonie numérique Skype. Il
s'agit du onzième rapport sur ce thème en deux ans, mais les enquêteurs n'ont
toujours pas eu accès au territoire syrien malgré des demandes répétées. Le
rapport prône une solution politique à la guerre civile en Syrie et appelle les
Etats "à cesser les envois d'armes afin de dissiper le risque qu'elles
soient utilisées pour commettre des infractions graves au droit international".
"Les auteurs de ces violations et
de ces crimes, quel que soit leur bord, ont agi en violation du droit
international. [...] Il est impératif de les traduire en justice",
ajoute le président de la commission d'enquête, Paulo Pinheiro. Dirigée par
quatre juristes internationaux, la commission d'enquête soumettra le 16 septembre ce rapport au Conseil des droits humains des Nations Unies pour qu'il
soit ensuite adressé au Conseil de sécurité.
Les armes chimiques en question
La commission mentionne, par ailleurs, sans pouvoir
les confirmer, "des allégations [...] concernant l'utilisation d'armes
chimiques, principalement par les forces gouvernementales". "Sur
la base des éléments de preuve actuellement disponibles, il n'a pas été
possible de parvenir à une conclusion quant aux agents chimiques utilisés, leur
système vecteur ou les auteurs de ces actes. Les enquêtes se poursuivent",
consigne le rapport.
Des inspecteurs de l'ONU se sont rendus en Syrie,
dans une zone proche de Damas, pour enquêter sur un éventuel usage d'armes
chimiques le 21 août 2013, et y ont rencontré des médecins et des victimes
présumées. L'attaque aurait provoqué la mort de plusieurs centaines de
personnes.
Sources :
AFP/Reuters/Le Monde
« Syrie
: la Commission d'enquête de l'ONU exhorte à une solution politique au conflit »,
Centre d’actualité de l’ONU, 11
septembre 2013
Les forces gouvernementales syriennes
et ses partisans ont continué de lancer des attaques généralisées contre la
population civile, commettant meurtres, tortures, viols et disparitions forcées
constitutifs de crimes contre l'humanité, conclut le 11 septembre un organisme des
droits de l'Homme des Nations Unies, pour lequel il n'existe pas de solution
militaire au conflit.
Dans son dernier rapport
publié le 11 septembre, la Commission internationale d'enquête sur la Syrie déclare
que «l'échec à parvenir à un règlement politique a non seulement permis au
conflit de s'aggraver, mais aussi de s'élargir à de nouveaux acteurs et à des
crimes jusque-là inimaginables».
Créée en 2011 par le Conseil des
droits de l'Homme des Nations Unies, la Commission a pour mandat d'enquêter sur
toutes les violations du droit international relatives aux droits humains dans
le cadre du conflit en Syrie. Le présent rapport rend compte des enquêtes
effectuées entre le 15 mai et le 15 juillet 2013. Ses conclusions se fondent
sur 258 entretiens, parmi d'autres éléments de preuve.
La Commission affirme que les forces
gouvernementales «ont commis des violations flagrantes des droits de l'Homme
et des crimes de guerre tels que la torture, les prises d'otages, les meurtres,
les exécutions sans procédure régulière, les viols, les attaques contre des
objets protégés et les pillages».
Revenant sur l'offensive lancée contre
la ville d'Al-Qusayr, où la Commission a pu établir que 450 personnes avaient
été tuées, «les forces gouvernementales se sont conduites sans faire de distinction
entre civils combattants». Selon la Commission, il y a également
tout lieu de penser que le siège de la région d'Al-Qusayr a été conçu «pour
rendre la vie des civils impossible et les contraindre ainsi à s'enfuir».
Les forces pro-gouvernementales ont
l'obligation juridique d'autoriser et de faciliter le passage sans entrave de
l'aide humanitaire, rappelle la Commission dans ce rapport, le sixième à
documenter les violations du droit international perpétrées à l'intérieur de la
Syrie depuis août 2011.
Les forces anti-gouvernementales ne
sont pas épargnées par le rapport, qui conclut là aussi à des crimes de guerre.
Les groupes armés antigouvernementaux et kurdes ont recruté et utilisé des
enfants soldats dans les hostilités, accuse la Commission. «Les auteurs de ces violations et de
ces crimes, de quelque bord qu'ils soient, font fi du droit international. Ils
ne craignent pas d'avoir à rendre des comptes. Il est impératif de les traduire
en justice», souligne la Commission a souligné, appelant à une saisine de la
justice et à l'implication du Conseil de sécurité.
Lors d'une conférence de presse donnée
à Genève, la Commission, dirigée par Paulo Pinheiro, a enjoint à la cessation
des hostilités et plaidé pour un retour aux négociations. «La République arabe syrienne est un
champ de bataille. Ses villes et ses villages sont pilonnés et assiégés sans
répit. Des massacres sont commis en toute impunité. Le nombre des Syriens
disparus est incalculable». «Choisir l'action militaire en Syrie
ne fera qu'intensifier les souffrances à l'intérieur du pays et à empêcher
règlement politique d'être atteint», met en garde la Commission, qui compte
également comme membres Karen Koning AbuZayd, Carla del Ponte et Vitit
Muntarbhorn. La Commission préconise une solution
politique fondée sur les principes du communiqué de Genève du 30 juin 2012.
Le Secrétaire général Ban Ki-moon et
le Représentant spécial conjoint de l'ONU et de la Ligue des États arabes,
Lakhdar Brahimi, ainsi que d'autres hauts fonctionnaires de l'ONU, y sont
également favorables, plaidant pour la tenue, longtemps repoussée, de la
Conférence de Genève II , qui réunirait les parties syriennes ainsi que les
États-Unis, la Fédération de Russie et les Nations Unies.
La Commission d'enquête présentera son
rapport au Conseil des droits de l'Homme le 16 septembre 2013.
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