13 septembre 2013

ACTU : L'ONU a reçu la demande syrienne d'adhésion à la Convention sur les armes chimiques de 1993

Catherine MAIA

Le Président syrien, Bachar Al-Assad, a confirmé dans une interview à la télévision russe du 12 septembre que la Syrie allait placer sous contrôle international son arsenal chimique et envoyer des documents à l'ONU pour signer un accord. Peu après, l'Organisation déclarait avoir reçu la demande d'adhésion de la Syrie à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques de 1993. "Il y a quelques heures, nous avons reçu un document d'adhésion de la part du Gouvernement syrien concernant la Convention sur les armes chimiques et nous l'étudions ; il est en cours de traduction", a déclaré un porte-parole de l'ONU, Farhan Haq. 

La Syrie n'appliquera la proposition russe de supervision internationale de ses armes chimiques qu'à la condition que les Etats-Unis cessent d'aider les rebelles et de menacer le régime en place, a également prévenu le Président Assad dans cette interview : "C'est un processus bilatéral. Quand nous verrons que les Etats-Unis veulent effectivement la stabilité dans la région, qu'ils cesseront de menacer et de chercher à attaquer, et de livrer des armes aux terroristes, alors nous considérerons que nous pouvons mener les processus jusqu'au bout et qu'il seront acceptables pour la Syrie". 

Les propos du Président syrien coïncident avec la révélation par le Washington Post que les Etats-Unis ont commencé à fournir des armes et des équipements techniques aux rebelles syriens.

Le début de règlement diplomatique de la question des armes chimiques éloigne un peu plus la perspective de frappes internationales contre le régime de Damas. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a souligné le 12 septembre que ce règlement rend inutile toute frappe sur le pays :"Nous partons du principe que le règlement de ce problème rend toute frappe sur la Syrie inutile. Nous sommes convaincus que nos partenaires américains préfèrent largement une solution pacifique à ce problème", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse à Genève.

Bachar Al-Assad a cependant nié l'influence des menaces américaines dans sa décision de mettre son arsenal chimique sous supervision internationale : "La Syrie place ses armes chimiques sous contrôle international à cause de la Russie. Les menaces des Etats-Unis n'ont pas influé sur cette décision",
a-t-il déclaré.


Toujours lors de cette interview, M. Assad a annoncé qu'il commencerait à transmettre des informations sur son arsenal chimique un mois après son adhésion, la "procédure standard", selon lui.

Le Président syrien s'exprimait au micro de la télévision publique russe Rossia 24, alors que des discussions cruciales ont eu lieu le 12 septembre, à Genève, entre les Etats-Unis et la Russie sur le dossier syrien. Rossia 24 n'a pas donné davantage de détails sur le contenu de cette interview, se contentant d'indiquer qu'elle serait diffusée "prochainement".

Ces discussions font suite à la réunion, le 11 septembre, des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (Etats-Unis, France, Russie, Chine, Royaume-Uni), lesquels ont discuté, sans aboutir, d'un projet de résolution français prévoyant le démantèlement de l'arsenal chimique de Damas, assorti d'une menace de frappe militaire en cas de revirement du régime syrien.

La France avait déclaré être prête à modifier, dans certaines limites, son projet de résolution, mais entend, de même que les Etats-Unis, maintenir l'option militaire sur la table comme moyen de pression sur le régime du Président Bachar Al-Assad.

Quant aux négociations entre Russes et Américains sur le dossier syrien, celles-ci ne passent pas uniquement par la voie diplomatique. Moscou veut aussi en appeler à l'opinion publique. Dans une tribune publiée le12 septembre dans le New York Times, le Président russe, Vladimir Poutine, expose sa vision du conflit syrien : contrairement à ses homologues américains et français, il tient les rebelles pour responsables de l'attaque chimique du 21 août.

Intitulé "A Plea for Caution From Russia" (le Russie plaide pour la prudence), ce plaidoyer est intervenu quelques heures avant la rencontre cruciale entre les ministres des affaires étrangères russe et américain à Genève autour du plan russe de démantèlement de l'arsenal chimique syrien.

Dans cette adresse au "peuple américain et à ses dirigeants" rédigée à la première personne, Vladimir Poutine affirme que pour éviter une nouvelle guerre toute décision doit être prise sous l'égide des Nations Unies. C'est pourquoi l'usage de la force en dehors de l'ONU serait "un acte d'agression", selon le Président russe. Il appelle donc les Etats-Unis à adopter le projet russe de démantèlement de l'arsenal syrien actuellement en discussion à l'ONU.

M. Poutine met en garde par ailleurs sur la "nouvelle vague de terrorisme" que ne manquerait pas de provoquer, selon lui, une intervention militaire en Syrie, tout en déstabilisant le Moyen-Orient ainsi que le nord de l'Afrique et en compliquant le "problème nucléaire iranien" et le conflit israélo-palestinien. Il insiste sur le fait que des groupuscules terroristes constituent l'opposition syrienne, armés de l'extérieur par des réseaux proches d'Al-Qaida.

Mais le Président russe va plus loin, niant la responsabilité du régime de Bachar Al-Assad dans l'attaque chimique du 21 août qui a fait plusieurs centaines de victimes près de Damas. Alors que Paris et Washington sont convaincus de la responsabilité du régime, Moscou soutient son allié syrien, qui a jusque-là toujours démenti les accusations occidentales. Il accuse, au contraire, les rebelles d'avoir fomenté l'attaque : "Il y a toutes les raisons de croire que [le gaz toxique] a été utilisé non pas par l'armée syrienne, mais par les forces d'opposition, pour provoquer une intervention de leurs puissants soutiens étrangers, qui se seraient mis du même côté que les fondamentalistes", écrit Vladimir Poutine."Les rapports selon lesquels les rebelles sont en train de préparer une nouvelle attaque – cette fois contre Israël – ne peuvent plus être ignorés", ajoute-t-il.

Cette question centrale de la responsabilité des attaques du 21 août a trouvé un nouvel écho le 11 septembre, date à laquelle le rapport des inspecteurs de l'ONU missionnés sur place fin août pour enquêter a être remis, constatant des crimes de la part des deux camps.

Sources : AFP/Reuters/Le Monde 



Vladimir V. PUTIN, « A Plea for Caution From Russia. What Putin Has to Say to Americans About Syria », The New York Times, September 11, 2013


Recent events surrounding Syria have prompted me to speak directly to the American people and their political leaders. It is important to do so at a time of insufficient communication between our societies.
Relations between us have passed through different stages. We stood against each other during the cold war. But we were also allies once, and defeated the Nazis together. The universal international organization — the United Nations — was then established to prevent such devastation from ever happening again.

The United Nations’ founders understood that decisions affecting war and peace should happen only by consensus, and with America’s consent the veto by Security Council permanent members was enshrined in the United Nations Charter. The profound wisdom of this has underpinned the stability of international relations for decades. 

No one wants the United Nations to suffer the fate of the League of Nations, which collapsed because it lacked real leverage. This is possible if influential countries bypass the United Nations and take military action without Security Council authorization. 

The potential strike by the United States against Syria, despite strong opposition from many countries and major political and religious leaders, including the pope, will result in more innocent victims and escalation, potentially spreading the conflict far beyond Syria’s borders. A strike would increase violence and unleash a new wave of terrorism. It could undermine multilateral efforts to resolve the Iranian nuclear problem and the Israeli-Palestinian conflict and further destabilize the Middle East and North Africa. It could throw the entire system of international law and order out of balance. 

Syria is not witnessing a battle for democracy, but an armed conflict between government and opposition in a multireligious country. There are few champions of democracy in Syria. But there are more than enough Qaeda fighters and extremists of all stripes battling the government. The United States State Department has designated Al Nusra Front and the Islamic State of Iraq and the Levant, fighting with the opposition, as terrorist organizations. This internal conflict, fueled by foreign weapons supplied to the opposition, is one of the bloodiest in the world. 

Mercenaries from Arab countries fighting there, and hundreds of militants from Western countries and even Russia, are an issue of our deep concern. Might they not return to our countries with experience acquired in Syria? After all, after fighting in Libya, extremists moved on to Mali. This threatens us all. 

From the outset, Russia has advocated peaceful dialogue enabling Syrians to develop a compromise plan for their own future. We are not protecting the Syrian government, but international law. We need to use the United Nations Security Council and believe that preserving law and order in today’s complex and turbulent world is one of the few ways to keep international relations from sliding into chaos. The law is still the law, and we must follow it whether we like it or not. Under current international law, force is permitted only in self-defense or by the decision of the Security Council. Anything else is unacceptable under the United Nations Charter and would constitute an act of aggression. 

No one doubts that poison gas was used in Syria. But there is every reason to believe it was used not by the Syrian Army, but by opposition forces, to provoke intervention by their powerful foreign patrons, who would be siding with the fundamentalists. Reports that militants are preparing another attack — this time against Israel — cannot be ignored. 

It is alarming that military intervention in internal conflicts in foreign countries has become commonplace for the United States. Is it in America’s long-term interest? I doubt it. Millions around the world increasingly see America not as a model of democracy but as relying solely on brute force, cobbling coalitions together under the slogan “you’re either with us or against us.” 

But force has proved ineffective and pointless. Afghanistan is reeling, and no one can say what will happen after international forces withdraw. Libya is divided into tribes and clans. In Iraq the civil war continues, with dozens killed each day. In the United States, many draw an analogy between Iraq and Syria, and ask why their government would want to repeat recent mistakes. 

No matter how targeted the strikes or how sophisticated the weapons, civilian casualties are inevitable, including the elderly and children, whom the strikes are meant to protect. 

The world reacts by asking: if you cannot count on international law, then you must find other ways to ensure your security. Thus a growing number of countries seek to acquire weapons of mass destruction. This is logical: if you have the bomb, no one will touch you. We are left with talk of the need to strengthen nonproliferation, when in reality this is being eroded. 

We must stop using the language of force and return to the path of civilized diplomatic and political settlement. 

A new opportunity to avoid military action has emerged in the past few days. The United States, Russia and all members of the international community must take advantage of the Syrian government’s willingness to place its chemical arsenal under international control for subsequent destruction. Judging by the statements of President Obama, the United States sees this as an alternative to military action. 

I welcome the president’s interest in continuing the dialogue with Russia on Syria. We must work together to keep this hope alive, as we agreed to at the Group of 8 meeting in Lough Erne in Northern Ireland in June, and steer the discussion back toward negotiations. 

If we can avoid force against Syria, this will improve the atmosphere in international affairs and strengthen mutual trust. It will be our shared success and open the door to cooperation on other critical issues.

My working and personal relationship with President Obama is marked by growing trust. I appreciate this. I carefully studied his address to the nation on Tuesday. And I would rather disagree with a case he made on American exceptionalism, stating that the United States’ policy is “what makes America different. It’s what makes us exceptional.” It is extremely dangerous to encourage people to see themselves as exceptional, whatever the motivation. There are big countries and small countries, rich and poor, those with long democratic traditions and those still finding their way to democracy. Their policies differ, too. We are all different, but when we ask for the Lord’s blessings, we must not forget that God created us equal.




« Le désarmement chimique de la Syrie, "un cas unique dansl'histoire moderne" », Propos de Jean-Pascal Zanders recueillis par Rodolphe Baron, Le Monde, 12 septembre 2013 

Jean-Pascal Zanders, directeur de l'ONG The Trench et ancien chargé de recherche à l'Institut d'études de sécurité de l'Union européenne (Iesue), est un spécialiste belge des questions d'armement, de désarmement et de prolifération des armes chimiques.

Dans le cadre d'une résolution du Conseil de sécurité, l'arsenal chimique syrien pourrait être placé sous surveillance internationale. Il s'agirait ensuite de le détruire. Comment procéder ?

C'est une question à laquelle on ne peut pas répondre aujourd'hui. Tout est unique dans ce cas, et cela aussi bien d'un point de vue technique que dans l'histoire moderne. Nous n'avons jamais détruit d'armes chimiques dans un pays en état de guerre. Il va falloir procéder par phases. La première sera un inventaire complet de ce que les Syriens possèdent, puis peut-être une déclaration d'adhésion à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC) de 1993. Le problème, c'est de savoir exactement ce qu'il y a dans cet arsenal. Ensuite, il faudra regrouper les agents chimiques dans un nombre réduit de lieux.

Pourrait-on détruire ces agents chimiques ailleurs qu'en Syrie ?

Si on pouvait transporter les armes hors du pays, cela serait plus rapide. Mais, dans le cas de la Syrie, il vaut mieux ne pas considérer cette option, parce que tous les pays voisins ont ratifié la Convention. Son article 1 leur interdit de "transférer, directement ou indirectement" des armes "à qui que ce soit".

Transporter des agents chimiques à travers le pays va aussi poser beaucoup de problèmes de sécurité parce le gouvernement syrien ne contrôle pas tout son territoire. C'est également dangereux d'un point de vue logistique, du fait de la possibilité d'attaques pendant le transport et de la toxicité des produits. On pourrait utiliser des incinérateurs industriels mobiles comme en possèdent le Japon, les Etats-Unis ou l'Allemagne. Cela permettrait de déplacer au minimum les agents chimiques que l'on aura regroupés.

Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, a évoqué 1 000 tonnes de matériel chimique. Sous quelle forme se trouve-t-il ?

Ce sera un aspect important de l'inventaire. Selon la manière dont l'agent chimique est conservé, sa destruction peut prendre plus de temps. Dans le cas syrien, c'est probablement sous forme liquide, et non dans les armes qui servent à les envoyer, ce qui rend la destruction plus rapide. On ne peut pas en être totalement certain aujourd'hui, mais j'ai l'impression que la plus grande partie est conservée dans des conteneurs. Il y a des indices selon lesquels la Syrie ne maîtrise pas la technologie pour conserver le gaz sarin, qui se décompose en quelques jours selon son niveau de pureté.

L'étape suivante consiste à rendre l'agent chimique moins dangereux avant de l'incinérer à haute température et en s'assurant qu'il n'y a pas de rejets de particules. C'est la méthode la plus simple, la plus utilisée.

Quant au chiffre de 1 000 tonnes, c'est seulement une estimation. D'après mes informations, les Syriens ont un niveau de production et de technologie plus avancé de les Irakiens [on estimait les stocks irakiens sous le régime de Saddam Hussein à 600 tonnes].

Qui va superviser les opérations ?

Si la Syrie adhère à la Convention, c'est l'Organisation d'interdiction des armes chimiques qui va superviser la destruction. Les inspecteurs doivent certifier que la destruction avance selon les prévisions, mais c'est le pays même qui est responsable de la destruction des stocks.

Combien de temps peut durer la destruction complète de l'arsenal syrien ?

Quand on voit les difficultés qui sont apparues en Libye [lors de la destruction, à partir de 2004, d'une partie du stock d'armes chimiques du colonel Kadhafi], où l'on a rencontré des problèmes techniques et logistiques pour la destruction d'environ 25 ou 26 tonnes de gaz moutarde, on se rend compte que cela est très incertain. Peut-être trois ans pour la seule phase de destruction. Le temps de l'opération dépendra principalement du nombre d'incinérateurs que l'on compte déployer. Dans l'hypothèse où l'on utilise des systèmes mobiles, bien sûr.


PLUS DE 80 % DES AGENTS CHIMIQUES MONDIAUX DETRUITS EN 16 ANS 







Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire