22 juin 2017

ACTU : L’Assemblée générale demande à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur l’archipel des Chagos, opposant Maurice et le Royaume-Uni

Catherine MAIA

L’Assemblée générale de l'ONU a adopté, le 22 juin, la Résolution A/71/L.73 dans laquelle elle demande à la Cour internationale de Justice (CIJ) de donner un avis consultatif sur deux questions concernant les effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos du territoire de Maurice en 1965, une résolution qualifiée par le représentant du Royaume-Uni, qui administre l’archipel, de « précédent terrible ».

Par cette résolution, adoptée par 94 voix pour, 15 voix contre et 65 absentions, l’Assemblée demande à la CIJ de donner un avis consultatif pour déterminer si le processus de décolonisation a été « validement mené à bien lorsque Maurice a obtenu son indépendance en 1968, à la suite de la séparation de l’archipel des Chagos de son territoire et au regard du droit international ». Elle lui demande aussi de se prononcer sur les conséquences en droit international « du maintien de l’archipel des Chagos sous l’administration du Royaume-Uni, notamment en ce qui concerne l’impossibilité pour Maurice d’y mener un programme de réinstallation pour ses ressortissants, en particulier ceux d’origine chagossienne ».

Commentant « une distraction », « un obstacle aux discussions bilatérales » et « un précédent terrible pour l’Assemblée générale et la Cour », le représentant du Royaume-Uni s’est d’abord étonné que la résolution lie les anciens habitants de l’archipel à la question de la souveraineté britannique, parce que, durant les trois séries de pourparlers bilatéraux engagées depuis le mois de septembre, Maurice n’y a fait que de « légères allusions », se concentrant plutôt sur le transfert de souveraineté.

Le fait est, a souligné le représentant, que nous avons négocié en 1965 le détachement de l’archipel avec les représentants élus de Maurice, les mêmes avec lesquels nous négocions séparément l’indépendance du pays. Pour les Chagos, ils ont négocié une compensation que le Royaume-Uni a payée. Ils ont aussi négocié des droits et obtenu l’engagement de récupérer l’archipel quand il ne sera plus nécessaire à la stratégie de défense britannique.

Justement, le dernier survivant des participants à la Conférence constitutionnelle de 1965 était là aujourd’hui. Le ministre mauricien de la Défense, M. Anerood Jugnauth, a tranché : « le consentement de la colonie de Maurice –si consentement il y a eu– ne saurait justifier une violation de la Charte des Nations Unies ». En tant qu’État indépendant, a-t-il martelé, Maurice n’a jamais conclu d’accord sur le « démembrement » de son territoire.

Ce « démembrement » obtenu sous la contrainte, sans le consentement des Mauriciens et avec le déplacement des habitants de l’archipel, a été réalisé en violation du droit des peuples à l’autodétermination et des droits de l’homme. « Aucune compensation financière » ne saurait justifier la violation de ces principes », a ajouté le ministre.

Il a rappelé que l’ONU avait donné au Royaume-Uni jusqu’à juin 2017 pour finaliser les pourparlers, lesquels ont été vains, car le Royaume-Uni a refusé de fixer une date butoir, « voire a refusé de parler de décolonisation ». « Nous ne pouvons pas nous engager », a confirmé le représentant britannique. L’archipel des Chagos fait depuis 1966 l’objet d’un accord de coopération militaire avec les États-Unis. Nous ne pouvons pas, 19 ans avant la fin de l’accord, prédire ce que sera notre stratégie de défense, s’est-il expliqué.

La base de Diego Garcia, a-t-il tenu à souligner, contribue « de manière essentielle » à la sécurité et à la stabilité régionales et internationales, en particulier l’océan Indien, dont Maurice. Elle joue un rôle « critique » dans la lutte contre les défis les plus complexes et les plus urgents du XXIe siècle comme le terrorisme, la criminalité internationale, la piraterie ou toute autre forme d’instabilité, a insisté le représentant, en répétant que quand le territoire ne sera plus nécessaire, sa souveraineté passera à Maurice. Il a aussi pronostiqué que la CIJ ne se saisira pas de l’affaire parce qu’elle concerne un différend bilatéral entre deux États membres de l’ONU.

L’Article 94 de la Charte des Nations Unies dispose que « l’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité peut demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question juridique ». L’avis consultatif est différent des arrêts que la CIJ peut rendre sur des différends territoriaux soumis par les États parties et couverts par le chapitre IV du Statut de la Cour.

« Demander un avis consultatif à la Cour ne menace ni la paix ni la sécurité », a déclaré le ministre mauricien de la Défense, assurant le Royaume-Uni et les États-Unis qu’un contrôle effectif de Maurice sur l’archipel des Chagos ne représenterait en aucune façon une menace sur la base militaire de Diego Garcia, des assurances que le représentant du Royaume-Uni a jugées « sans crédibilité », voyant dans la démarche de Maurice et de l’Assemblée générale une tentative de contourner le principe « essentiel » selon lequel un État n’est pas obligé, sans son consentement, de voir ses différends bilatéraux soumis à un règlement judiciaire.

Le Secrétariat de l’ONU a indiqué que, sur la base des derniers avis consultatifs, la saisine de la CIJ devrait coûter entre 450 000 et 600 000 dollars.

En début de séance, l’Assemblée a rendu hommage à la mémoire du président de Vanuatu, Baldwin Lonsdale, décédé le 17 juin 2017 à l’âge de 67 ans dans l’exercice de ses fonctions, qu’il occupait depuis 2014. Le Président de l’Assemblée a salué la mémoire d’un « homme honoré dans tout le Pacifique pour son dévouement en faveur de son peuple ». Plusieurs délégations ont vu en lui « un champion de la lutte contre les changements climatiques » qui a « servi son peuple avec dignité ». Le représentant de Vanuatu a remercié la communauté internationale pour ces témoignages de sympathie envers le défunt, qu’il a qualifié de « chantre de l’état de droit ».


Source : ONU

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