8 novembre 2017

ACTU : L'utilisation d'armes chimiques par Damas et Daech « ne fait aucun doute » selon le Mécanisme d'enquête conjoint

Catherine MAIA

Le Mécanisme d'enquête conjoint (Joint Investigative Mechanism - JIM) de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l'ONU a présenté au Conseil de sécurité, le 7 novembre, les conclusions de son 7e rapport selon lequel des armes chimiques ont bien été utilisées dans deux incidents.

« Il ne fait aucun doute », a déclaré le chef du Mécanisme d'enquête conjoint, Edmond Mulet, que Daech est responsable de l'utilisation d'ypérite à Oum Haouch, les 15 et 16 septembre 2016, tandis que la République arabe syrienne est responsable de l'utilisation de sarin à Khan Cheïkhoun, le 4 avril 2017.

« Le mandat du Conseil de sécurité est de savoir qui est derrière ces attaques », a déclaré M. Mulet dans un entretien accordé à ONU Info. « Tout ce que nous avons fait de façon très minutieuse, professionnelle et scientifique ne nous laisse aucun doute sur nos attributions faites à l'EIIL et la République arabe syrienne », a-t-il ajouté.

M. Mulet a insisté sur les principes d’impartialité, d’objectivité et d’indépendance qui ont guidé son travail. Le Mécanisme, qui repose sur la coopération volontaire des témoins, a croisé les témoignages, afin de s’assurer de la crédibilité des informations. Dans le cadre de son enquête, le JIM a ainsi échangé avec de multiples experts, scientifiques, laboratoires indépendants, spécialistes de munitions et de missiles balistiques et chimistes.

Chaque cas « a été analysé, remis en question, corroboré avec chacune des informations que nous avons reçues afin d'aboutir à ces conclusions », a précisé M. Mulet, qui s'est dit confiant sur les conclusions des enquêtes menées par le Mécanisme.

M. Mulet a admis que le Mécanisme n’avait pas pu se rendre sur les sites des deux attaques examinées par le rapport, Khan Cheïkhoun et Oum Haouch. Il était trop dangereux de se rendre à Khan Cheïkhoun, qui est aux mains de l'organisation terroriste Al Nusra. 

Toutefois, le Mécanisme a amassé suffisamment d'informations crédibles pour parvenir à une conclusion solide dans les deux cas. « Nous avons toutes les déclarations des témoins, toute la chimie, les vidéos, les images, les études balistiques faites à Oum Haouch », a indiqué M. Mulet. Pour Khan Cheïkhoun, le Mécanisme a reçu le rapport de la Mission d'établissement des faits, « qui est la base de notre enquête », seulement le dernier jour de juin de cette année, soit presque trois mois après l'incident. « Le cratère où le sarin a été libéré a été rebouché avec du ciment. Il n'y avait donc pour nous aucune utilité et valeur d'aller sur ces sites », a dit M. Mulet.

Pour le chef du Mécanisme, la balle est désormais dans le camp du Conseil de sécurité. « Nous allons voir ce que va décider le Conseil de sécurité. C'est sa responsabilité de suivre cette question », a-t-il affirmé.

L'autre question est de savoir si le mandat du Mécanisme, qui arrive à expiration le 16 novembre, sera renouvelé. « Cela est en train d'être discuté au Conseil de sécurité ». « Espérons qu'ils renouvellent notre mandat », souhaite M. Mulet. Le chef du Mécanisme a indiqué que l'OPCW a transmis, le 2 novembre, au JIM une nouvelle découverte selon laquelle du sarin a été utilisé et libéré dans le cadre d'une opération militaire le 30 mars. « Nous aurons aussi à enquêter sur cet incident », a dit M. Mulet, précisant que l'OIAC enquête également sur six à sept autres incidents concernant l'utilisation de chlore par Damas, de sorte qu'il y a encore potentiellement beaucoup de travail pour l'avenir, selon ce qui sera décidé par le Conseil de sécurité.

À cet égard, les délégations ont été nombreuses à demander le renouvellement du mandat du Mécanisme. Le délégué de la Fédération de Russie, pays qui s’était pourtant opposé à ce renouvellement le 24 octobre dernier, s’est également dit en faveur d’une telle prorogation, pour autant que l’efficacité du Mécanisme soit renforcée, conformément à un projet de résolution qu'il a fait circuler. 

Créé par le Conseil le 7 août 2015, le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU est « chargé d’identifier les personnes, entités, groupes ou gouvernements qui ont perpétré, organisé ou commandité l’utilisation comme armes, en République arabe syrienne, de produits chimiques, y compris le chlore ou d’autres produits toxiques ». Il vise ainsi à combattre l'impunité relative à l'utilisation d'armes chimiques en Syrie. 

« Les responsables de ces incidents et de ces attaques quels qui soient, doivent rendre des comptes », a souligné M. Mulet, rappelant que l'utilisation d'armes chimiques constitue un crime, qui va à l'encontre de tous les traités et conventions internationaux. « Le Conseil de sécurité a créé ce Mécanisme pour savoir qui est derrière ces attaques. Le JIM a fait son travail », a dit le chef du Mécanisme, prévenant que tôt ou tard, les responsables répondront de leurs actes : « Un jour, la reddition des comptes frappera à leurs portes ».

Si le rapport du Mécanisme a été salué notamment par les délégations des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France pour son impartialité et son professionnalisme, il a été vigoureusement dénoncé par leur homologue de la Fédération de Russie pour son grand nombre de formules hypothétiques, telles que « sans doute », « probablement », ou encore « on peut supposer ». Le délégué russe a dénoncé le fait que le Mécanisme n'avait pas les moyens de mener ses enquêtes et que les substances chimiques ont pu être fabriquées par n'importe qui dans le but de compromettre la Syrie. Le délégué syrien a, quant à lui, critiqué le fait que certains éléments de preuve et témoignages ont été fournis au Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU par le groupe terroriste d’El-Nosra.

De son côté, Mme Izumi Nakamitsu, Secrétaire générale adjointe et Haut-Représentante pour les affaires de désarmement, a fait le point sur la mise en œuvre de la Résolution 2118 (2013) du Conseil de sécurité sur l’élimination du programme d’armes chimiques en Syrie. « Il est enfin possible d’accéder aux deux dernières installations de fabrication d’armes chimiques sur les 27 déclarées par le Gouvernement syrien, dont 25 ont été détruites », a-t-elle dit, avant d’appeler à traduire en justice les auteurs de l’utilisation d’armes chimiques.


Source : ONU

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