Après 72 jours d'audience, de multiples incidents, des accusations de corruption, des pressions du pouvoir politique cambodgien, le procès entre dans une phase cruciale avec le réquisitoire du procureur, et les plaidoiries des parties civiles et de la défense. Le verdict n'est pas attendu avant le premier trimestre 2010. "C'est une semaine très importante pour le peuple cambodgien et les victimes du régime khmer rouge qui ont perdu leurs proches", a estimé Reach Sambath, porte-parole du tribunal. "Ils ont attendu si longtemps. Ils vont finalement se rapprocher de la paix". L'audience sera retransmise à la télévision et la cour a indiqué que des milliers de personnes avaient demandé un accès à la salle d'audience, où une vitre pare-balles sépare le public des acteurs du procès.
Le tribunal a mis au jour les preuves les plus accablantes des responsabilités de Douch, serviteur dévoué de l'utopie marxiste délirante de Pol Pot, qui a emporté quelque 2 millions de personnes, soit un quart de la population du Cambodge, morts sous la torture, d'épuisement ou de malnutrition. Les juges se sont appuyés sur les archives colossales laissées par les Khmers rouges en quittant le pouvoir, autant de photos, confessions écrites, registres scrupuleusement tenus. Experts, survivants et témoins ont aussi raconté les ongles arrachés, les brûlures, les décharges électriques sur les parties génitales, les coups. Un traitement destiné à arracher à ces ennemis réels ou supposés du régime toutes sortes d'aveux, fussent-ils incohérents. Ce n'est qu'après avoir avoué ce qu'on voulait leur entendre dire que les suppliciés étaient amenés à Choeung Ek, près de Phnom Penh, pour être achevés.
Douch est apparu à l'audience comme un bureaucrate zélé, soucieux de ne pas décevoir ses supérieurs. Mais il s'est constamment protégé derrière la peur d'être lui-même exécuté avec sa famille pour expliquer son dévouement. Et il a nié le rôle politique dans la hiérarchie khmer rouge que lui prête l'accusation. "J'ai essayé de survivre au quotidien et c'est ce qui s'est passé. Et oui, vous pouvez dire que je suis un lâche", a-t-il déclaré. Défense et accusation devraient donc se concentrer sur la question de la sincérité de ses aveux, dont dépendra en dernière analyse une condamnation, ou non, à la perpétuité, la peine maximale retenue par le tribunal. "Sa personnalité est de faire du bon travail et de plaire à ses supérieurs. De directeur de prison professionnel, il est devenu accusé professionnel", a ironisé Heather Ryan, observatrice du procès pour l'Open Society Justice Initiative. Me François Roux, avocat français de l'accusé, veut inscrire l'attitude de son client au coeur de la réflexion judiciaire : "Est-ce que cet homme, qui accepte avoir commis des crimes contre l'humanité, peut revenir aujourd'hui dans l'humanité ?" La question ne devrait plus se poser, par la suite, de la même façon : quatre autres cadres khmers rouges attendent en prison d'être jugés, peut-être en 2011. Mais eux nient, avec constance et détermination, les faits qui leur sont reprochés.
Source : AFP / Le Point