31 août 2006

PRESSE : Prospective sur la politique étrangère de la France

Marion JULIA 

On avait jusqu'à présent peu entendu Nicolas Sarkozy sur les questions internationales. Le Ministre de l'Intérieur français, qui glisse chaque jour un peu plus vers son rôle de candidat, s'est exprimé aujourd'hui, dans une tribune publiée par Le Figaro, sur la situation au Liban. Il en profite pour dessiner quelques traits de sa vision de la politique étrangère de la France. Cet article peut étonner par le caractère très fidèle et respectueux vis-à-vis de Jacques Chirac. Il s'explique peut-être par un besoin de rassurer après sa tournée très critiquée en Afrique en mai dernier.


Au Liban, la France honore son ambition internationale, par Nicolas Sarkozy 

Jeudi dernier, le président de la République a annoncé la décision de la France de prendre ses responsabilités dans l'établissement de la paix au Liban-Sud. Je l'approuve pleinement. Je considère qu'il s'agit là d'un des axes essentiels de la politique étrangère de la France qu'il nous faudra maintenir au-delà des échéances électorales de l'année prochaine. Quel était en effet l'enjeu de cette décision ?

Chacun le sait, une longue histoire d'amitié et de fraternité unit notre peuple au peuple libanais. La France, qui est à l'origine de la naissance du Liban moderne au lendemain de la Première Guerre mondiale, garde une responsabilité particulière à son égard. Or ce pays a payé dans sa chair depuis quatre décennies les contrecoups des guerres israélo-arabes et du conflit israélo-palestinien. Bombardé par les uns, longtemps occupé par les autres, il vient de subir à nouveau cet été le coût terrible d'une guerre provoquée par des États tiers, relayée par des milices radicales.

Pouvions-nous laisser ce pays continuer à subir la destruction de ses infrastructures et les victimes en grand nombre dans sa population civile ? La réponse est bien évidemment non et la France a joué comme elle le devait un rôle majeur dans l'imposition d'un cessez-le-feu. Il n'y a pas de politique étrangère sans morale. Et il est bien que la France ait su porter haut les principes qui sont les siens. Mais pouvions-nous, une fois le cessez-le-feu obtenu, laisser les choses en l'état avec la certitude, à plus ou moins court terme, de voir reprendre les hostilités : tirs de missile des milices d'un côté et représailles d'Israël de l'autre ? La réponse est évidemment non. Le renoncement et le cynisme ne sauraient être la marque de notre politique étrangère. D'autant qu'au-delà des principes il y a également les intérêts de la France en tant que puissance majeure à l'échelle du monde, soucieuse de la paix en Europe et dans sa périphérie, c'est-à-dire au Moyen-Orient. En somme, la France, en raison de ses liens anciens avec le Liban et Israël, de son rôle de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, ne pouvait pas choisir l'inertie ou l'abstention, et simplement renoncer à ses responsabilités de grande puissance. Il fallait que nous prenions toute notre place dans le rétablissement de la paix dans cette région. C'est ce que le président de la République vient d'annoncer et je m'en félicite.

Chacun comprend aujourd'hui que le gouvernement libanais seul ne pourra pas obtenir la démilitarisation des milices, donc le retrait des soldats israéliens, et qu'il appartient dès lors à la communauté internationale d'épauler le peuple libanais pour la reconquête de sa souveraineté au sud du pays.

Mais fallait-il alors annoncer d'entrée de jeu la participation militaire de la France à une nouvelle action de l'ONU sans prendre le temps de garantir que les conditions soient réunies pour le succès de cette mission ? Certains, à l'étranger mais également en France, hélas, n'ont pas manqué de critiquer, les uns la «frilosité», les autres les «atermoiements» de la diplomatie française. Mais comment ne pas voir que la sagesse et la prudence exigeaient, avant d'engager la vie de nos soldats, que nous ayons pleinement obtenu de l'ONU et des principaux acteurs concernés les garanties nécessaires quant à la mission de cette nouvelle force onusienne, quant aux conditions d'engagement des soldats et au fonctionnement de la chaîne de commandement entre le siège des Nations unies à New York, les capitales des pays contributeurs et, surtout, les forces déployées sur le terrain ?

Aucune garantie n'est jamais parfaite. Mais du moins éviterons-nous les erreurs du passé. Parmi celles-ci, je pense notamment à l'intervention, au nom d'un concept humanitaire, généreux mais flou, de nos soldats en Bosnie avant 1995, où quatre-vingts de nos soldats avaient perdu la vie alors que ni la mission ni les conditions d'engagement n'avaient été préalablement fixées. Je rappelle que c'est le recadrage de cette mission sous l'impulsion de Jacques Chirac et de John Major, en juin 1995, qui avait permis de mettre fin au conflit et d'ouvrir la voie aux accords de Dayton.

Pour autant, je mesure toute la difficulté de cette nouvelle mission au Liban, tous les risques aussi qui sont devant nous et auxquels devront faire face nos soldats, et je veux leur rendre hommage. Tout le monde garde en mémoire les attentats perpétrés il y a vingt-trois ans au Liban contre les soldats américains – 250 morts – et les soldats français de Drakkar – 59 victimes. Là encore avec beaucoup de sagesse le président de la République a fixé une clause de rendez-vous dans six mois pour faire le point du déroulé de l'opération. Il est important que l'ensemble de la classe politique et notre peuple tout entier soient unis.

Certains diront que nous n'avons rien à faire dans cette entreprise, que mettre le doigt dans l'engrenage nous engagera à être pris dans une guerre qui n'est pas la nôtre. À ceux-là je voudrais dire : quelle est alors l'alternative ? Faut-il que la France abandonne le Liban, qu'elle le laisse se transformer en un avant-poste du chiisme radical qui à terme déstabilisera l'ensemble du monde arabe ? Fallait-il que nous acceptions l'idée de ne plus peser sur les destinées du Proche-Orient, dont chacun voit bien qu'elles engagent la sécurité des Européens et de tous les Français ?

Parce que je ne me résigne pas, parce que j'ai moi aussi une certaine idée du rayonnement de notre pays, parce que j'ai conscience du poids de la France, non seulement au Liban mais dans l'ensemble du monde arabe, parce que je veux aussi que la France soit pleinement engagée dans la sécurité d'Israël, je considère que la France ne pouvait pas se défausser devant une telle mission, malgré tous ces risques et toutes ces difficultés. L'ambition, mais également la morale et la paix sont au coeur du projet qui est le mien pour le rayonnement de la France dans le monde. Il est indispensable que le peuple de France tout entier soutienne la mission de nos soldats au Liban.

* Président de l'Union pour un mouvement populaire (UMP).

© Le Figaro, 30 août 2006
 


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