Les observateurs de la CIJ auront encore remarqué que la plupart des différends ont porté sur les principes fondamentaux et les règles fondamentales du droit international : non utilisation de la force (affaires de la Licéité de l’emploi de la force ayant opposé l’ex Yougoslavie à plusieurs Etats membres de l’OTAN et sur lesquelles la Cour n’a pas pu se prononcer au fond, parce qu’elle a estimé qu’elle n’avait pas de compétence, conclusion à laquelle elle avait déjà abouti dans l’ordonnance en indications de mesures conservatoires en 1999 ; les affaires RDC conte Ouganda et RDC contre Rwanda relatives aux activités militaires menées par ces derniers Etats sur le territoire congolais) ; droit des immunités (affaire Yerodia ; affaire Dominique c. Suisse et rayé du rôle de la cour suite à un désistement) ; protection consulaire (affaire Paraguay c. USA ; affaire Lagrand (Allemagne c. USA) ; affaire Avena et autres (Mexique c. USA) ; Affaires touchant au pénal (Congo c. France et Djibouti c. France) Génocide
Les autres affaires portées devant la Cour portent essentiellement sur les questions territoriales.
On observera enfin que beaucoup de ces affaires sont introduites par de « petits Etats » ou des Etats moins forts, qui font valoir leur locus standi devant la CIJ, afin qu’elle précise les droits et les obligations des uns et des autres et en tire les conséquences sur le plan de la responsabilité internationale ; par conséquent sur le respect de la règle de droit international.
Nous postulons alors que cette attitude des Etats peut préfigurer d’un « retour à la règle de droit international » comme un des principaux régulateurs des relations internationales. Car, à regarder de près, le recours à la CIJ apparaît ainsi comme une « bouée de sauvetage » par rapport au règlement politico-diplomatique, dont le levier est fondé sur les intérêts réciproques des Etats.
Cette observation ne signifie nullement que les Etats règlent de moins en moins leurs différends diplomatiquement ; au contraire, le règlement diplomatique reste le mode privilégié, que ce soit bilatéralement ou au sein d’enceintes internationales.
On pourrait nous objecter un excès d’optimisme face à une configuration des relations internationales dominées par un « désordre organisé », où chacun souhaite prouver sa puissance à plus faible que lui et imposer sa vision des choses. Mais, notre propos ne traduit que la tendance du moment.
Le décryptage traduit deux situations :
1) L’évocation de la primauté des droits de l’homme, y compris au mépris du droit international positif, tout au moins, par l’usage de « passe-passe » juridiques, pose problème. Cette doctrine traduit les relents du jusnaturalisme et la conception philosophique d’après laquelle les crimes contre les êtres humains ne sauraient être tolérés, même lorsqu’ils sont commis par des personnes jouissant de privilèges et immunités qui leur sont reconnus par le droit international. Du moins, il y a une limite. L’idée de lancer un mandat d’arrêt contre un ministre des affaires étrangères en fonction au nom de la compétence universelle traduit le caractère parfois extrême de cette doctrine. Qu’on nous comprenne bien, il ne s’agit pas de combattre ces moyens de droit et de lutte contre l’impunité, mais de les accepter dans le cadre strictement légal prévu par le droit international, surtout lorsque des règles aussi vieilles que les immunités sont en jeu.
2) L’usage de la force armée, quel qu’en soit la raison pose aussi problème. Il vise aussi à passer outre une des règles les plus essentielles de l’ordre juridique international. Il semble traduire alors la loi du plus fort. Un auteur américain disait fort bien que le droit était l’arme du faible.
Face à ces situations qui entraînent de sérieuses inquiétudes et voir même des doutes quant au caractère impératif de certains règles, le choix des « faibles » et leur salut semblent se trouver dans la règle de droit.
Dans un monde où règne « un désordre organisé », dont on ne peut prédire la fin, il y a lieu de penser, à raison, que le droit international fera son « come back ».
Malgré ce constat, il faut dire que les Etats puissants ont accepté de se soumettre au contentieux de la Cour. On est loin de l’époque où la non-comparution était une stratégie de défense et où le retrait des déclarations d’acceptation était une pratique courante.
On peut aussi observer que plusieurs Etats ont accepté la juridiction de la CIJ par le biais des déclarations d’acceptation, notamment ceux qui appartenaient à l’ancien bloc de l’Est. Mais le nombre reste insuffisant.
Il y a donc lieu d’être optimiste et de réaffirmer le respect des règles traditionnelles du droit international. Il y va tant de la stabilité de l’ordre international que de la sécurité juridique elle-même.

Mode de citation : Joseph AYISSI, « Un recours accru à la CIJ : un retour du droit international ? », MULTIPOL - Réseau d'analyse et d'information de l'actualité internationale, 12 janvier 2007