Ce renforcement s’inscrirait dans une stratégie plus globale contenant des volets économique et politique. L’administration américaine pourrait ainsi exiger du gouvernement irakien, dominé par les chiites, qu’il renforce la présence politique des sunnites, mette un terme à toute discrimination envers les anciens membres du parti Baas et redistribue, de façon équitable, les revenus du pétrole entre les provinces. Une telle recommandation apparaîtrait comme un constat d’échec des mesures, encouragées dés 2003 par Washington, visant à marginaliser les sunnites ainsi que les fonctionnaires et militaires ayant appartenu au parti Baas. Enfin, le Président Bush devrait annoncer la mise en place d’un programme de développement économique, destiné à favoriser la création d’emplois.
Si la nouvelle stratégie n’a pas encore été officiellement révélée, une partie de l’équipe chargée de la mettre en œuvre est d’ores et déjà en place. La victoire des démocrates aux élections de mi-mandat du 7 décembre 2006 a poussé George W. Bush à se séparer du très critiqué Donald Rumsfeld, à la tête de la défense américaine depuis 2001, au profit de Robert Gates. Ce départ tant attendu, annoncé le 9 novembre dernier, a été largement applaudi et considéré comme un préalable à toute inflexion de la gestion de la guerre en Irak. Ont suivi de nombreux remaniements, au sein de l’administration, dont une partie a été annoncée le 5 janvier. John Negroponte, nommé au poste de numéro 2 du département d’Etat, sera remplacé, à la tête des services de renseignement, par le vice-amiral Mickael McConnell. Les deux principaux généraux dirigeant les troupes en Irak ont également été remplacés : L'amiral William Fallon succède au général John Abizaid, commandant du Commandement central (Centcom), en charge de l'Irak et de l'Afghanistan. Par ailleurs, le commandant sur le terrain des troupes américaines en Irak, le général George Casey, en désaccord avec tout renforcement d’effectifs, est remplacé par le général David Petraeus. Ce dernier est l‘auteur d’un manuel définissant la doctrine de l'armée américaine pour combattre une insurrection ; doctrine dont pourrait s’inspirer la nouvelle stratégie américaine. David Petraeus préconise notamment l’élargissement de l’intervention américaine aux opérations civiles et militaires et estime qu'"une opération qui tue cinq insurgés est contre-productive si les dommages collatéraux conduisent au recrutement de cinquante autres".
La présentation de la nouvelle stratégie en Irak et son accueil au sein de la population américaine représentent un des discours les plus importants de la présidence de George W. Bush qui fait face, depuis quelques mois, à une contestation sans précédent, jusque dans les rangs républicains. Largement désavoué, lors des dernières élections, pour sa mauvaise gestion de la crise irakienne, George W.Bush n’a plus droit à l’erreur. La stratégie présentée ne sera crédible, aux yeux de la population américaine, que si elle représente une véritable alternative et s’appuie sur un constat des erreurs faites au cours des trois années de présence militaire en Irak.
L’annonce de Président américain représente également un enjeu majeur pour les démocrates, qui doivent leur récente victoire à leur vive opposition à la guerre. Majoritaire au Congrès, ils doivent désormais s’imposer comme force de réaction et de proposition. Si les chefs de file exigent un retrait progressif d'Irak dans les mois à venir, les démocrates peinent, pour l’heure, à s’accorder sur la façon la plus judicieuse de s’opposer au projet présidentiel. Refuser de voter les crédits nécessaires à tout déploiement supplémentaire pourrait en effet être perçu comme un refus de soutenir les troupes déjà sur le terrain.