Le Président français a en effet fait part, à la veille du Conseil européen, de sa possible opposition à la poursuite du processus de négociations. Selon lui, les discussions sur la politique monétaire commune ne peuvent se justifier que dans le cadre d’une adhésion effective. Or, Nicolas Sarkozy s’est à maintes reprises déclaré opposé à l’adhésion de la Turquie, préférant le principe d’un «partenariat privilégié».
Face à l’ordre du jour réduit de la conférence d’adhésion, tous les États membres ont semblé joué le jeu de l’apaisement, y compris le Royaume-Uni, pourtant fervent défenseur de la candidature turque. De son côté, la France a accepté l’ouverture des deux autres chapitres, afin d’éviter toute confrontation ouverte avec Ankara et certains partenaires européens.

Malgré les volontés de conciliation de part et d’autre, cet épisode laisse présager les confrontations qui auront lieu en fin d’année. Sur la proposition du Président français, le Conseil européen de décembre devrait en effet débattre des frontières de l’Union européenne. Nicolas Sarkozy n’hésitera sans doute pas à faire valoir ses vues sur un pays qui, selon lui, n’a pas sa place en Europe.

Pour rappel : les négociations avec la Turquie, ouvertes en octobre 2005, se déroulent dans le cadre d'une conférence intergouvernementale à laquelle participent tous les États membres de l'Union européenne d’une part, et le pays candidat de l’autre. Toutes les décisions y sont prises à l'unanimité. Cette démarche, initiée au lendemain des élargissements à l’Est, prévoit l’ouverture les uns après les autres de chacun des 35 chapitres de négociation. Elle vise à assurer le plein respect des obligations au moment de l’éventuelle adhésion de la Turquie. La poursuite du processus est soumise à plusieurs conditions : des progrès doivent être accomplis dans la mise en œuvre des critères de Copenhague (critères politiques et économiques ainsi que capacité de mise en œuvre de l'acquis communautaire), dans les relations avec la Grèce et dans le règlement de la question chypriote. Les négociations avec Ankara pourraient ainsi durer entre dix et quinze ans. Si l’objectif des négociations est bien l’adhésion, cette dernière n’est aucunement garantie et l’issue reste ouverte. Ce n’est qu’à la fin du processus que les États membres de l’Union pourront décider d’accueillir ou non la Turquie. 

Jusqu'à présent, un seul des 35 chapitres de la négociation, portant sur la science et la recherche, a été clôturé en juin 2006. Un deuxième («entreprise et politique industrielle») a été ouvert en mars 2007 mais non clôturé. En décembre 2006, les dirigeants européens ont décidé de geler la négociation sur 8 chapitres et de suspendre la clôture de tout autre chapitre. Cette décision vise à sanctionner la Turquie qui refuse d’ouvrir ses ports et aéroports aux navires et aux avions chypriotes grecs, comme elle s'y est pourtant engagée dans le protocole d'Ankara, signé en juin 2005.