Certes, ses déclarations se gardent de mettre en cause le gouvernement nippon de l'époque qui, en retardant une capitulation qui aurait certainement sauvé des milliers de vies, endosse sa part de responsabilité. Mais, en se plaçant du côté américain, elles contiennent une justification du châtiment atomique, inédite dans la bouche d'un homme politique japonais : «Il était à craindre que le Japon soit divisé comme Berlin si les Soviétiques entraient dans la bataille. Je n'en veux pas aux États-Unis» ; «Par chance, Hokkaido n'a pas été occupée. Dans le pire des cas, Hokkaido aurait pu être prise par l'Union soviétique», a-t-il expliqué.
Le point de vue de Fumio Kyuma, qui est celui de nombreux historiens, n'a pas été récusé sur le fond dans les nombreuses protestations qu'il a provoquées, mais a été très vivement critiqué pour son manque d'égards pour les victimes de l'arme atomique. Cette opinion est peut-être, paradoxalement, une pierre dans le camp des partisans de la normalisation militaire en cours au Japon. L'archipel a fondé sa doctrine pacifiste - gravée dans le marbre d'une Constitution qui lui interdit d'entretenir une armée - sur la singularité d’avoir été la seule nation à avoir subi le feu nucléaire. Or, si la bombe atomique devient une arme presque conventionnelle, en tout cas d’un «usage compréhensible» par un pays en guerre, plus aucun obstacle moral ne semble empêcher le Japon lui-même de l'acquérir.
Fumio Kyuma, après quelques hésitations, a présenté ses excuses pendant le week-end, avant de présenter sa démission aujourd’hui. Attisant la colère populaire après ces déclarations, l'opposition a réclamé la tête du ministre. Le premier ministre Shinzo Abe n'a pas plié, mais il donne l'image d'un chef incapable de faire régner l'ordre dans son équipe. Le 29 juillet, son gouvernement affrontera le suffrage universel à l'occasion d'élections sénatoriales partielles cruciales pour la majorité au pouvoir. Les sondages le donnent en chute libre.