En référence à l’adoption du Statut de Rome, le traité fondateur de la Cour pénale internationale (CPI), le 17 juillet 1998, le 17 juillet est devenue la journée mondiale de la justice internationale. À cette occasion – qui coïncide cette année avec la ratification officielle par le Japon du Statut de Rome –, William Pace, coordinateur d’un réseau mondial de plus de 2 000 organisations de société civile unies au sein de la Coalition pour la CPI, nous livre son opinion sur le chemin parcouru depuis l’entrée en vigueur du Statut de Rome il y a 5 ans.
Message de William PACE, Coordinateur de la CCPI, à l'occasion de la journée mondiale de la justice internationale
Chers Membres et Amis de la CCPI,
La
Coalition pour la Cour pénale internationale (CCPI) célèbre aujourd’hui
le 17 juillet la journée mondiale de la justice internationale en
l’honneur de l’adoption du traité fondateur de la Cour, le Statut de
Rome, qui date du 17 juillet 1998. Le Statut de Rome a donné lieu à un
nouveau système de justice pénale internationale – comprenant désormais
plus de la moitié des pays du monde – dont l’objectif est de mettre fin
aux pires crimes relevant du droit international.
Malheureusement,
les crimes de guerre et autres graves crimes contre l’humanité commis
au cours de cette dernière décennie n’ont fait que confirmer le besoin
d’une Cour pénale internationale. Je réfléchis souvent et me dis que si
les gouvernements et la CCPI n’avaient pas assuré l’adoption du traité
le 17 juillet 1998, celle-ci ne se serait jamais réalisée dans les
années tumultueuses qui ont suivi.
Chaque
année, la CCPI profite de cette journée pour évaluer ses progrès
réalisés et anticiper les défis à venir dans la lutte mondiale pour
mettre fin à l’impunité pour les crimes les plus graves.
À
l’occasion de la célébration du cinquième anniversaire de l’entrée en
vigueur du Statut de Rome, nous pouvons dire avec assurance que la CPI
est désormais pleinement opérationnelle, se développe de manière
croissante et s’impose comme une institution permanente sur la scène
internationale.
Bien
que la Cour et ses États parties doivent continuer de surmonter des
faiblesses et défis importants, personne n’aurait pu prédire les
nombreux développements positifs de ces dernières années.
Ci-dessous sont quelques unes des grandes avancées de la CPI depuis le 1er juillet 2002:
-
Les renvois de situations à la CPI de la part de 3 États parties: la
République démocratique du Congo (RDC), Ouganda et République
centrafricaine (RCA);
- Le renvoi historique de la situation au Darfour (Soudan) à la CPI par le Conseil de sécurité de l’ONU;
- La reconnaissance de la compétence de la CPI par la Côte d'Ivoire bien que n’étant pas État partie au Statut de Rome;
- L’analyse intensive par le Bureau du Procureur de possibles situations sur quatre continents;
-
L’ouverture d’une enquête en RCA qui permettrait de poursuivre en tant
que crimes contre l’humanité les crimes de masse commis contre les
femmes;
- L’émission de cinq mandats d’arrêt contre les hauts responsables de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA);
- L’émission de deux mandats contre des suspects dans la situation au Darfour (Soudan); et
-
La confirmation des charges et l’ouverture prochaine du procès contre
Thomas Lubanga pour crimes de guerre en rapport avec le recrutement et
l’enrôlement d’enfants soldats.
En
plus des progrès de la Cour dans ses enquêtes, la plus grande liste du
nombre d’États membres reflète l’impact de ce nouveau système de justice
pénale internationale. Aujourd’hui, le Japon a officiellement déposé
son instrument de ratification du Statut de Rome, devenant ainsi le
105ème État partie à la Cour. Ceci représente une grande avancée de la
campagne de ratification universelle du Statut de Rome et un message
clair selon lequel la légitimité de la Cour est de plus en plus reconnue
dans les grandes capitales du monde.
En
1998, les experts les plus optimistes prévoyaient qu’il aurait fallu 10
à 20 ans pour atteindre les soixante ratifications. Le fait que plus
des deux tiers des pays du monde ont signé ou ratifié le traité de la
CPI montre la détermination des États à ne pas céder aux pressions
politiques des nations les plus puissantes qui continuent de s’opposer à
la CPI.
De
plus, rien qu’au cours de l’année passée, un grand nombre de décisions
prises par la Cour sur diverses questions légales, y compris
l’acceptation du droit des victimes à participer dans le processus
judiciaire, demandant que les avoirs des personnes accusées soient
tracés et gelés, ainsi que la clarification de certains concepts dans le
Statut de Rome, tels que la différence entre la définition d’une
affaire et d’une situation devant la Cour. De plus, la décision de la
Cour de cassation de la RCA selon laquelle le système de justice
centrafricain n’a pas été en mesure de mener des enquêtes et poursuites
effectives témoigne du fait qu’un État a examiné le principe de
complémentarité prévu dans le Statut de Rome et a reconnu son importance
pour l’exercice de la justice tant au niveau national qu’international.
En
dépit de ces avancées, d’importants défis demeurent pour la CPI et ses
États parties. L’un de ces plus grands défis est de continuer de mettre
en œuvre une stratégie de communication clairement améliorée. La CPI n’a
pas réussi à atteindre effectivement les victimes, médias, société
civile et parlementaires dans les pays en situation. Elle n’a pas non
plus réussi à fournir les informations essentielles aux gouvernements et
organisations internationales. Une communication effective avec les
États doit absolument s’établir, la coopération de la part des États
devenant de plus en plus essentielle à la réussite de la Cour. La forme
de coopération de la part des États est certainement l’arrestation des
personnes accusées, du fait que la Cour ne dispose pas d’une force de
police.
L’Assemblée
des États parties (AEP), le Conseil de sécurité de l’ONU et les autres
organes de l’ONU, y compris les forces de déploiement rapide et
opérations de maintien de la paix, doivent relever ce défi. Les
multiples enquêtes et mandats d’arrêt sans arrestations et sans procès
pourraient avoir un effet catastrophique sur la CPI. La question de la
coopération avec les États et organisations internationales devra faire
l’objet de plus d'efforts de sensibilisation de la part de l’AEP dans
les années à venir.
L’année
prochaine, la CCPI attend grandement le début du premier procès de la
CPI mais espère également continuer de voir une collaboration entre les
membres de la CCPI afin d’avoir un impact important sur divers aspects
du travail de la Cour.
En
ce jour de la journée mondiale de justice internationale, nous
célébrons les grands efforts qui ont été entrepris pour faire respecter
et avancer les principes de la justice internationale par la CPI. Nous
restons convaincus que la justice internationale aura un effet dissuasif
sur la commission massive et systématique des atrocités. Nous croyons
que la CPI est une institution « clef » qui contribue à la prévention,
réconciliation des conflits impliquant les pires crimes internationaux.
Les
déclarations des États soutenant la CPI lors des récents débats du
Conseil de sécurité et des réunions de l’Assemblée générale montrent que
l’ONU continuera d’être un partenaire essentiel au renforcement de la
CPI. Les membres de la CCPI suivront les activités du Conseil des droits
de l’Homme, du Bureau du Conseiller spécial du Secrétaire général sur
la prévention du génocide et des atrocités de masse, l’application de la
nouvelle norme de « responsabilité de protéger » et la Commission de
consolidation de la paix, lorsqu’ils relèvent de la CPI.
Cependant,
nous ne devons pas oublier le fait que même avec 105 États parties et
139 États signataires du Statut de Rome, certaines des nations les plus
influentes restent des États observateurs au lieu de devenir des acteurs
actifs de cette lutte contre l’impunité. Ainsi, nous, en tant que
membres de la société civile, avec la coopération des gouvernements et
institutions internationales, avons la responsabilité de parler au nom
des victimes des conflits de ce monde et de mener ce mouvement mondial
croissant pour la paix et la justice.
Paix et Justice à tous,
William Pace
Coordinateur de la Coalition pour la Cour Pénale Internationale (CCPI)
- Site de la CCPI
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