Mais l'environnement politique de la campagne est structurellement et conjoncturellement défavorable au GOP. Structurellement d'une part. Il est historiquement difficile pour un parti de remporter trois présidentielles successives tant l'électorat aspire alors au changement. L'identification partisane nationale a déjà basculé du parti de l'éléphant vers celui de l'âne depuis 2002 – de 43 à 35% pour le premier contre 43 à 50% pour le second. Indiscipline budgétaire, interventionnisme fédéral, rejet de la libéralisation du système de l'immigration ou encore faillite stratégique en Irak ont aliéné au GOP les conservateurs fiscaux, les Hispaniques et les indépendants.
Conjoncturellement d'autre part. Le départ du tacticien politique Karl Rove démotive le camp conservateur et démobilise la base républicaine en confirmant que l'Exécutif en général – son lame-duck président en particulier – passe en mode gestion des affaires courantes. Les thèmes conservateurs mobilisateurs subissent une décote. L'interventionnisme étatique sur les enjeux sociaux est mieux accepté à mesure que croît la perception d'inégalités sociales tandis que, simultanément, l'attachement aux valeurs sociales traditionnelles (structure familiale, mariage hétérosexuel, thématiques pro-life – anti-avortement, anti-euthanasie, anti-financement public de la recherche sur les cellules souches embryonnaires), l'expression d'une forte conviction religieuse et la pertinence perçue du recours à la force armée pour gérer les relations internationales et garantir la paix déclinent.
Le caucus congressionnel républicain se désagrège, insatisfait par ses candidats pour la présidentielle et divisé à l'occasion du vote de législations populaires controversées. Au contraire, les candidats démocrates maintiennent une certaine cohésion partisane, dominent le processus de levées de fonds (de plus en plus numériques) et capitalisent sur l'illusion d'une solution simple à des problèmes complexes en manipulant antiélitisme et populisme socioéconomique – de la renégociation de l'Accord de libre échange nord-américain à l'atténuation des inégalités de revenus en passant par les protectionnismes anti-OMC en général et antichinois en particulier, ou encore la création d'une couverture maladie universelle.
Même les conservateurs chrétiens prennent conscience de ce que l'environnement politique est défavorable au GOP. La Christian Right, notamment le noyau conservateur évangélique, élargit ainsi son agenda moral traditionnel (réviser la décision Roe vs. Wade, rétablir la prière à l'école, contenir les droits des homosexuels, etc.) aux enjeux environnementaux (protéger l'environnement), socioéconomiques (lutter contre la pauvreté, réguler le port des armes à feu) et de politique étrangère (promouvoir l'interventionnisme extérieur) pour évaser sa base électorale et maximiser sa capacité d'influence du pouvoir politique.