SOMMAIRE

ÉCLAIRAGES
La lutte contre le terrorisme dans les démocraties occidentales : État de droit et exceptionnalisme / Colombe Camus
Cet article offre un éclairage synoptique des dispositifs de lutte contre le terrorisme post-2001 dans les démocraties occidentales, et tente de saisir ce que l’extension et l’institutionnalisation de ces pratiques induisent à long terme pour les traditions libérales et l’État de droit. Il met en exergue un phénomène de banalisation des mesures d’exception qui tend à faire admettre une nouvelle norme dans l’exercice du politique, tant au sein des États que dans le système international. Dans cette optique, il tend à déconstruire le poncif d’une opposition radicale en la matière entre les États-Unis et les démocraties européennes. Si ces dernières n’ont eu de cesse de faire valoir des approches différentes, elles n’ont pas pour autant été épargnées par la dynamique antiterroriste et ses dérives potentielles.
Être jeune au Hezbollah / Bruno Lefort
Le conflit entre Israël et le Hezbollah au cours de l’été 2006 permit de mesurer le large soutien dont bénéficie le parti chiite au sein de la population libanaise. En effet, le Hezbollah constitue un des représentent l’une de ses cibles privilégiées. L’étude de son implantation dans le monde universitaire illustre le processus complexe de construction des identités collectives et individuelles. Le parti oriente l’activité de sa jeunesse militante, afin de construire des réseaux de solidarités et de diffuser ses valeurs. Toutefois, il adapte son discours identitaire en fonction des lieux et des circonstances. Parallèlement, les étudiants s’approprient ses normes et les modifient pour les intégrer à leurs univers personnels.
Identité européenne et communauté politique / Béligh Nabli
La définition d’une identité européenne, reposant sur des valeurs communes, est essentielle, dans la mesure où elle permet de garantir la cohérence du projet européen, ainsi que de guider et légitimer l’action publique. Or, on constate une difficulté à concevoir cette identité européenne, difficulté à laquelle est liée l’actuelle crise politique de l’Union européenne. Toutefois, on peut considérer que cette identité émerge autour de valeurs économiques et sociales, de l’héritage culturel commun et de la constitution d’un espace juridique européen. Au risque d’échouer, la construction de cette identité supranationale ne doit cependant pas s’opérer aux dépens des identités nationales. L’Union européenne demeure ainsi confrontée à un défi existentiel : réaliser son unité dans le respect de sa diversité.
L'africanisation de la diplomatie de la paix / Jean-Luc Stalon
On constate actuellement le développement d’une diplomatie de la paix africaine, qui œuvre, dans le cadre de la consolidation de l’intégration régionale, au maintien de la paix, à la prévention et au règlement des conflits en Afrique. Alors que le contexte de guerre froide favorisait une diplomatie de la paix unilatérale voire concurrentielle des dirigeants politiques africains – enclins à rechercher un prestige politique personnel – les diverses initiatives de médiation sont désormais mieux coordonnées. Les relations entre les organisations régionales africaines et les organisations internationales s’institutionnalisent progressivement. Les organisations régionales africaines semblent bien outillées pour développer des solutions opérationnelles. Néanmoins, leurs moyens financiers ne sont pas à la hauteur de leurs ambitions.


DOSSIER : L'OR BLEU, NOUVEL ENJEU GÉOPOLITIQUE ?
Désarmorcer la bombe hydraulique planétaire / Barah Mikaïl
LA POLITIQUE DE L'EAU : DE LA CONCURRENCE A LA COORDINATION
Vers une nouvelle forme de gouvernance de l'eau en Afrique et en Amérique latine / Philippe Hugon
La définition du statut de l’eau est un enjeu dont les implications ne sauraient être sous-estimées : les débats théoriques, qui opposent la vision de l’eau comme bien public à l’approche marchande, en passant par la conception éthique de l’eau, ont un prolongement direct dans les modes de gestion effectifs de cette ressource. En Afrique et en Amérique latine, les pauvres payent souvent l’eau quatre fois plus cher que les autres. Face à ce paradoxe, cet article analyse le rôle des opérateurs privés, tout comme celui des acteurs publics, au regard des critères d’efficience et d’équité mais également des enjeux sociaux et politiques. Dans des États fragiles, la question importante n’est pas tant celle de la privatisation de l’eau que celle des asymétries de pouvoir, du respect des contrats, et des contextes institutionnels.
Société civile et nouvelles formes de partenariat pour l'accès à l'eau dans les pays en développement / Catherine Baron
Depuis les années 1990, les politiques du développement dans le domaine de l’eau, s’inscrivent dans une logique ascendante attribuant aux ONG une place de premier plan. Néanmoins « la bonne gouvernance » de l’eau exige une articulation entre les différents niveaux de décision. Or celle-ci butte sur des décalages entre discours et pratiques : le dogme de l’empowerment aboutit à ce que la dimension locale reste confinée à l’opérationnalisation de règles définies au niveau global. Cette approche « idéalisée », fondée sur l’injonction à la participation de la société civile, ne tient pas compte des jeux de pouvoir entre les acteurs autour de la question de l’accès à l’eau. Une véritable participation requiert au contraire la co-construction des règles et doit être continuellement négociée, tant elle ne peut être simplement décrétée.
Or bleu et grands ensembles économiques : une redéfinition en cours des rapports de force interétatiques ? / Luc Descroix et Frédéric Lasserre
De récents développements institutionnels ont permis d’atténuer les tensions croissantes sur les ressources en eau : appelant à la coopération internationale, ils tendent à substituer au principe de souveraineté territoriale absolue celui de souveraineté territoriale limitée. Le cas des États-Unis montre que la gestion frontalière de l’eau pose des difficultés aux pays du Nord, et illustre l’inégalité des accords avec le Sud. En Afrique de l’Ouest, Asie centrale et dans les régions du Mékong et du Nil, des organismes institutionnels sont également mis en place. Ils constituent un progrès indiscutable vers la gestion concertée à l’échelle des bassins, obligeant les États à coopérer, mais se heurtent à des problèmes liés à l’inadaptation du modèle occidental, aux déséquilibres de puissance et à l’abandon de souveraineté.
L'EAU ENTRE GUERRE ET PAIX
Conflits hydrauliques et guerres de l'eau : un essai de modélisation / Frédéric Lasserre
Dans le contexte actuel de changements climatiques et d’augmentation des besoins alimentaires, la pression sur la ressource hydraulique s’accentue fortement : l’eau est devenue un enjeu politique majeur, et sa maîtrise, ainsi que son partage, de potentielles sources de conflits. Ceux-ci peuvent être interétatiques, ou internes et de basse intensité : dans les deux cas, ces conflits hydrauliques ne font souvent qu’exacerber des tensions déjà bien présentes au sein de relations préalablement dégradées entre États ou communautés ; mais poussés à l’extrême, ils pourraient déboucher sur de véritables « guerres de l’eau ». Le potentiel de conflit croît avec la rapidité de la rupture hydraulique, qui introduit la rareté en eau, à laquelle les sociétés sont plus ou moins sensibles en fonction de leur « capacité sociale d’adaptation ».
Eau et stratégie militaire / Pascal le Pautremat
L’eau a toujours été au cœur des stratégies militaires (bombardement des réseaux d’acheminement et des sites de distribution de l’eau, inondations de territoire pour empêcher l’avancée de l’ennemi, missions de reconnaissance par voie maritime…). Or, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’essor du commerce international s’est accompagné d’un accroissement des flux maritimes. En effet, 90 % des échanges s’effectuent par voie maritime. Ce phénomène pose des difficultés pour en assurer la sécurité face aux tentatives de déstabilisation des réseaux terroristes et de piraterie, capables de toucher les zones portuaires ou de frapper à plus ou moins longue distance des côtes. En réponse, les grandes puissances se dotent désormais de moyens d’actions maritimes et amphibies de plus en plus affinés.
La gestion nord-américaine des ressources hydrauliques, un modèle exportable ? / Barah Mikaïl
Si le partage des ressources hydrauliques entre États entraîne souvent des relations conflictuelles, il existe des situations dans lesquelles la gestion de l’accès à l’eau peut se dérouler de manière pacifiée. Ainsi, les États-Unis et le Canada sont-ils parvenus à un consensus sur le partage de leurs eaux douces. Le fait que le Canada, bien que situé en amont, n’ait pas nécessairement cherché à imposer des conditions draconiennes à son voisin méridional, a favorisé les bonnes relations. Les États-Unis tirent dès lors, et malgré leur statut de pays d’aval, un large bénéfice des ressources en eau provenant du Canada. L’institution d’une Commission d’arbitrage et de règlement des différends est également pour beaucoup dans la gestion saine des eaux transfrontalières américano-canadiennes.