Mohamed Saleck Ould Brahim
La trentième
édition 2008 du célèbre rallye Dakar vient d’être annulée. Une première ! Il semblerait que des risques
particulièrement élevés liés à des menaces « terroristes » directes
et indirectes, proférées à l’encontre de la course internationale motorisée,
ont été derrière la grande
décision. « La prudence commandait de tenir le plus grand compte des
risques », a déclaré M.
Kouchner.
Au fil du
temps, cet événement sportif majeur qui a été élevé, dans les pays de passage,
au rang de « tradition nationale », a toujours généré des retombées
bénéfiques multiples économiques, culturelles et politiques au profit de ces
pays, malgré la multiplication des accidents et le nombre croissant de victimes
renversées par des engins roulants qui a soulevé bien des protestations et des
demandes d’indemnisation, qui ont rarement abouti. L’économie autour du
rallye Dakar est colossale. Avec un budget propre qui s’élève à plus de 15
millions d’euros hors recettes télévision, les organisateurs de la course et
tous leurs prestataires vont être durement touchés.
Alors que la
bruyante caravane est devenue un indicateur principal de stabilité politique
pour les pays traversés, chaque année, le tracé du parcours de la course obéit
autant à des critères géopolitiques qu’à la difficulté du terrain, qui est le
principal attrait pour les pilotes et les constructeurs. Se composant de 15
grandes étapes de pistes d’aventures, dont 8 (les plus difficiles) se déroulent
habituellement sur le territoire mauritanien, le rallye Dakar revêt un intérêt
particulièrement important pour ce pays, car les divers reportages diffusés sur
le patrimoine touristique et culturel mauritanien par les médias internationaux
au cours du passage du rallye en Mauritanie sont d’un apport inestimable pour
le pays. La décision d’annulation du rallye « choquante » pour des
uns, « frustrante » pour des autres, intervient dix jours après deux
attaques sanglantes perpétrées par des « hommes armés non identifiés »
(HANI), provoquant la mort de quatre touristes français tués près d’Aleg, à 250
km au Sud-est de Nouakchott, et de trois soldats mauritaniens tués, également, près de la garnison militaire
d’El-Ghelawiya à 370 km au Nord-Est d’Atar. L’appréciation de l’état d’insécurité
ambiante en Mauritanie, qui sous-tend la décision d’annulation du rallye, est autant
controversée que préoccupante.
Les
déclarations officielles sur la
situation sont rares et prêtent plutôt à la confusion quant aux hypothèses d’enquêtes
sur l’identité des auteurs des deux tueries et sur leurs véritables mobiles. Le
Quai d’Orsay, a publié jeudi 3 Janvier 2008 un communiqué (qui demeure en
vigueur) déconseillant fortement à tous les Français de se rendre en
Mauritanie quel que soit l’objet
de leur déplacement, au moment où
plus de 15.000 touristes européens, constitués en majorité de ressortissants
français, étaient providentiellement attendus, en cette saison, rien que dans
la seule région de l’Adrar.
Dès lors, est-ce
que les récents attentats en Mauritanie, la prévalence de menaces « terroristes »
et le sentiment d’insécurité qui en découle, signifient bien que l’ex-GSPC ou Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat, qui a
été érigée en filiale maghrébine et rebaptisé Branche d’Al-Qaïda au
Maghreb islamique (BAQMI), après son allégeance à Al-Qaïda mère, en septembre 2006, a enfin réussi, à mettre en
place des réseaux jihadistes opérationnels, suffisamment équipés en armement et
en logistique pour ouvrir un nouveau front dans notre pays ? Ou bien, s’agit
t-il, d’un autre malheureux scénario politico-militaro-sécuritaire, véhément
orchestré pour brouiller les cartes, bouleverser l’ordre des priorités d’un
gouvernement certes démocratique mais fragile, suggérer des agendas
particuliers malveillants, internes et/ou externes et compromettre gravement,
au risque et péril, la stabilité
combien vulnérable de ce pays ? Ou bien encore,
s’agit-t-il d’une tentative rompue pour compromettre la neutralité de la
Mauritanie dans le conflit du Sahara occidental sous la pression de certains de
ses voisins ?
Al-Qaïda a-t-elle réussie à atteindre son ambition stratégique de puiser dans l’immense réservoir de frustration politique et de colère populaire généralisée, contre une politique étrangère américaine de plus en plus radicale et périlleuse dans un monde musulman en pleine effervescence, pour embrigader des milliers de jeunes gens en mal de vivre et sans issues à l’horizon, autres que de s’embarquer dans les pirogues de la mort pour rejoindre l’autre rivage européen de la Méditerranée ?
Al-Qaïda a-t-elle réussie à atteindre son ambition stratégique de puiser dans l’immense réservoir de frustration politique et de colère populaire généralisée, contre une politique étrangère américaine de plus en plus radicale et périlleuse dans un monde musulman en pleine effervescence, pour embrigader des milliers de jeunes gens en mal de vivre et sans issues à l’horizon, autres que de s’embarquer dans les pirogues de la mort pour rejoindre l’autre rivage européen de la Méditerranée ?
Est-ce que l’internationale islamiste du Jihad est en train de
délocaliser son potentiel de nuisance de la région de l’Orient musulman (Asie
et Machrek arabe) pour trouver refuge et soutien dans un Sahel qui,
écologiquement et économiquement délabré et laissé pour compte, semblerait
devenir un nouvel « Eldorado » pour le « terrorisme », où
le désert constitue un véritable sanctuaire pour abriter les activités les plus
violentes, notamment dans ce no man’s land du Nord et du Nord-est mauritanien où les tracés des
frontières de la Mauritanie, de l’Algérie et du Mali se perdent immuablement
dans l’immensité impitoyable du Sahara pour constituer un véritable « paradis »
sahélo-saharien pour toutes sortes de trafics contrebandiers et illicites:
armes à feu, cigarettes, drogues, etc. ?
Ce désert indomptable qui, pourtant avait connu un passé jadis
radieux par les grandes expéditions almoravides et leur rayonnement culturel et
spirituel atlantique et méditerranéen, servait depuis quelques temps déjà de
camps de regroupement, de repli et d’entraînement pour les Moudjahidines d’Al-Qaïda
avant d’être envoyés sur les différents fronts « islamiques » de
combat en Tchétchénie, en Irak, en Pakistan, en Somalie, etc., ce désert,
dis-je, est-t-il aujourd’hui en passe de devenir un théâtre de bataille pour
mener sur place des opérations violentes directes à caractère « terroriste »
contre des objectifs stratégiques ou tactiques ciblés par Al-Qaïda en
Mauritanie ?
S’agit-il d’une habile manœuvre géopolitique pour détourner l’hypersensibilité
de l’opinion publique mauritanienne contre la participation officielle du pays
aux manœuvres militaires du Flintlock ou Pistolet à pierre ? Cette opération qui avait
impliqué plus de 1000 éléments des forces spéciales américaines, dans le cadre
du Plan Pan Sahel
pour préparer la Transaharian
Counterterrorism Initiative comme bras armé des États-Unis dans
le désert ouest-africain?
Quel est cet éventuel rôle, qualifié d’important qui serait confié s’emble-t-il à la
Mauritanie, pour intensifier davantage sa coopération militaire avec les États-Unis après la création du commandement militaire US pour l’Afrique (AFRICOM),
basé actuellement à Stuttgart, en Allemagne, auprès du United States
European Command (USEUCOM), qui concentre ses activités
actuellement sur les pays africains ayant d’importantes productions ou réserves
de pétrole dans et/ou autour du Golfe de Guinée. D’ailleurs, ce Commandement
militaire américain pour l’Europe consacre maintenant 70% de son temps aux
affaires africaines, alors qu’elles avaient une part insignifiante encore en
2003.
En attendant que le nouveau Commandement militaire africain
devienne autonome et s’installe sur notre continent pour être opérationnel en 2008-2009, le commandement militaire
américain pour l’Europe a déjà lancé en 2003 un programme de contre-terrorisme
en Afrique de l’Ouest. En mars 2004, des Forces spéciales américaines ont été
directement engagées dans des opérations militaires avec certains pays du Sahel contre le (GSPC), qui figure sur
la liste des organisations terroristes de Washington. Le Commandement américain
pour l’Europe a développé en 2005 un programme de sécurité côtière dans le
Golfe de Guinée et prévoit également la construction d’une base militaire
navale à São Tomé et Principe.
A l’heure actuelle, le Commandement militaire américain pour l’Europe
est en train d’établir des postes d’opérations avancées au Sénégal, au Mali, au
Ghana et au Gabon ainsi qu’en Namibie, à la frontière avec l’Angola. Ces « arrangements »
concernent l’amélioration de pistes aériennes, le stockage de réserves de
carburant ainsi que des accords, avec les gouvernements locaux, permettant le
déploiement rapide de troupes américaines en cas de besoin pour assurer le
contrôle de la partie occidentale de la route transafricaine du pétrole et les
nouvelles réserves vitales de pétrole qui y ont été découvertes récemment.
S’agit-t-il, enfin, de la malédiction des ressources fossiles qui
s’abat sur notre pays au mauvais moment, comme si le mal être, la flambée des
prix des matières premières et le chômage ne suffisent pas pour supplicier les
populations pauvres de ce pays ? Comment conjurer les démons du
pétrole et du gaz qui ne cessent d’attiser
la confrontation les intérêts conflictuels des puissances internationales ?
La Mauritanie serait-elle victime dans la « guerre secrète » que se
livrent Américains et Français, qui se disputent le contrôle politique et
militaire de la sous-région et des ressources de son sous-sol pour garantir les
flux d’approvisionnement énergétique des industries de leurs pays et entretenir
leurs images de marques ?
De tous les temps, les canons suivent le commerce : les
grandes entreprises pétrolières occidentales sont prises dans une course
effrénée pour le pétrole ouest-africain et réclament sécurité et stabilité. D’après le Wall Street Journal, le
Commandement militaire américain pour l’Europe est en train de travailler avec
la Chambre de Commerce américaine pour élargir l’emprise des entreprises
américaines en Afrique dans le cadre d’une « réponse stratégique intégrée ».
Dans cette course économique aux ressources pétrolières africaines, les
anciennes puissances coloniales, la Grande-Bretagne et la France, mais aussi la
Chine, sont en compétition avec les États-Unis.
D’après le rapport publié par le Conseil des Relations étrangères
en 2005 sous le titre révélateur Plus que de l’humanitarisme : une approche
stratégique US de l’Afrique (More than humanitarianism : a strategic U.S. approach toward
Africa), l’Afrique
subsaharienne est susceptible de devenir à la fin de la décennie, une source d’importations
énergétiques US aussi importante que le Moyen-Orient. L’Afrique de l’Ouest
dispose de quelques 60 milliards de barils de réserves pétrolières avérées. Son
pétrole, à faible teneur en soufre, est un brut « doux fort »
apprécié par l’économie et les industries américaines.
L’escalade de la présence militaire américaine en Afrique est
fréquemment justifiée par la nécessité de combattre le terrorisme et de contrer
une instabilité croissante dans la région pétrolière de l’Afrique
subsaharienne. Les think tanks américains prévoient que 1 baril de pétrole sur 5 entrant dans le
circuit économique mondial dans la deuxième moitié de cette décennie viendra du
Golfe de Guinée et que la part provenant du Golfe de Guinée dans les
importations américaines passera de 15 à 20% en 2010 et à 25% en 2015. Le
Nigeria fournit déjà 10% du pétrole importé par les États-Unis. L’Angola en
fournit 4% et sa part devrait doubler d’ici la fin de la décennie. La
découverte de nouvelles réserves importantes, notamment au Ghana et l’expansion
de la production pétrolière sont en train de faire d’autres pays de la région
des exportateurs importants de pétrole. Il s’agit de la Guinée équatoriale, de
São Tomé et Principe, du Gabon, du Cameroun, de la Mauritanie, du Tchad et du
Soudan.
Déjà en 2002, le National Security Strategy of the United States déclarait que le « combat contre le terrorisme mondial » et la nécessité d’assurer la sécurité énergétique des USA requéraient des USA qu’ils augmentent leur engagement en Afrique et appelaient à une « coalition volontaire » pour établir des arrangements sécuritaires sur ce continent.
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis ces années où certains « contrebandiers » sahéliens avaient braqué un groupe de retardataires de la caravane du rallye Dakar en 1999, ou quand le GSPC de Moctar Belmoctar avait été cité par la DGSE et la CIA lors de l’annulation des étapes nigériennes du rallye en 2000. Puis intervient l’enlèvement des 32 touristes allemands et autrichiens en Algérie, par Amara Saifi, alias Abderrezak « el Para », en février 2003, ou encore, lorsque les 10ème et 11ème étapes du rallye entre Néma en Mauritanie et Bobo-Dioulasso au Burkina, en passant par Mopti au Mali, ont été annulées en janvier 2004 sous les menaces de groupes « terroristes » opérant dans la zone frontalière entre l’Algérie, la Mauritanie et le Mali.
Mais, il semblerait qu’un acte comme la publication, en juillet
2004, d’un communiqué attribué à Al-Zarkawi, ex patron de la filiale irakienne
d’Al-Qaïda, menaçant la Mauritanie de représailles, avait mis inéluctablement
ce pays dans la ligne de mire de la nébuleuse « Al-Qaïda ».
Par la suite, l’attaque de « Lemgheity », le 4 juin 2005, apporta au moulin son
lot d’inquiétudes mais aussi d’incertitudes. Lorsqu’une unité de l’armée
mauritanienne déployée dans le Nord-Est du pays à quelque 150 km de la
frontière avec le Mali, a été attaquée, entraînant 15 morts, 17 blessés et
2 disparus, la thèse du gouvernement mauritanien sur les faits, imputant la
responsabilité au (GSPC), avait laissé sur sa faim l’intelligentsia
mauritanienne malgré que l’opposition, dans toutes ses composantes, avait marché
pour condamner l’agression. Le scepticisme de l’opinion publique nationale
quant à l’implication du (GSPC) dans cette opération l’emporta. On soupçonnait
l’ancien président Ould Taya d’agiter la menace terroriste pour justifier les
privations de liberté de ses
concitoyens et suggérer les récompenses d’une lutte anti-terroriste qui été
bien rémunérée par les puissances occidentales. A l’époque, les affirmations selon lesquelles des groupes « terroristes »
dans la région du Maghreb reçoivent des instructions opérationnelles et de l’aide
financière d’Al-Qaïda mère, dont le directoire se trouve en Afghanistan et au
Pakistan, semblaient peu probables. La plupart des observateurs pensaient que
ces hypothétiques liens seraient plus de nature idéologique qu’opérationnelle.
Les idées du
chef de l’ex (GSPC) et émir de la zone du Sud d’Algérie Moctar Belmocar, dit « Belawer »
alias « Khaled Abou Al Abbas », étaient suffisamment claires
pour présager sur une évolution
dramatique de la situation d’insécurité croissante dans notre pays et dans la
sous région. Le GSPC avait revendiqué l’attaque de « Lemgheyti » en
appelant à chasser les Américains de la région du Sahel et freiner leur forte
présence militaire de plus en plus signalée à Gao au Mali, à Agadez au Niger et
dans la région de Nema en Mauritanie.
Néanmoins, les perspectives de croissance d’une activité « terroriste »
dans notre pays qui ont été jugés réelles depuis quelques années déjà, car la
première annonce publique de la présence du mouvement Salafiste jihadiste en
Mauritanie remonte à l’année 1994, la Mauritanie officielle a toujours maintenu
un profil bas face à cette grave menace. La tendance a toujours été de faire
valoir les éléments qui ont
contribué, jusqu’ici, à endiguer la montée de l’extrémisme dans ce pays. L’invocation
de facteurs socioculturels importants comme l’organisation sociale dominée par
le tribalisme, le rôle joué par les confréries soufies, la résistance innée des
Mauritaniens à l’islam importé, etc., avait plutôt prévalue à l’idée d’analyser
objectivement et d’agir adroitement, en temps opportun, pour désamorcer les
vecteurs qui contribuent à la propagation de l’islam politique radical dans
notre pays.
En Mauritanie, comme partout ailleurs en terre d’Islam, c’est un
amalgame d’injustice sociale et politique criante et d’échec des politiques
économiques et sociales inadéquates qui nourrit la dérive du terrorisme. En
Mauritanie, comme ailleurs dans d’autres parties du monde musulman, l’invasion
américaine de l’Afghanistan, de l’Iraq, de la Somalie (par l’Ethiopie
interposée) et le parti pris injuste des États-Unis dans le conflit
israélo-palestinien constituent d’autres propulseurs pour la prolifération d’un
extrémisme islamique mondialisé, exalté par les effets pervers d’une technologie
médiatiques qui dope, en temps réel, les masses de jeunes musulmans infortunés en reproduisant les valeurs
idéologiques de la culture de la violence sous forme de gadgets audiovisuels d’imagerie
numérisée à haut début (Web, TV, CD, DVD, MP3, etc.).
Bien que l’évolution étatique de la Mauritanie ait toujours été profondément marquée par la fluctuation des relations internationales et par le poids, souvent périlleux, de la géopolitique durant ses 47 années d’indépendance, ce pays brille aujourd’hui par l’absence de toute structure organique de sécurité et de défense nationale véritablement capable de prendre en charge les défis auxquels il se trouve confronté aujourd’hui et, moins encore d’être apte à proposer des solutions et des alternatives cohérentes.
La Mauritanie n’est pas le Maroc ou l’Algérie. Avec ou sans les
menaces d’Al-Qaïda, notre pays ne possède pas d’option sécuritaire nationale
contre la menace « terroriste » quelle que soit son origine. Les
errements de l’enquête sur le dossier de la cocaïne « aéroportée » en
est la preuve irréfutable. La Mauritanie n’a, tout simplement, jamais
développée une telle stratégie. Un demi-siècle durant, aucune volonté politique
réelle n’a vu le jour pour prendre en charge une telle responsabilité comme
étant un réel besoin pour la pérennité de l’Etat mauritanien.
Quels que soient les larmes de crocodiles et les lamentations d’indignation
érigées en mode d’allégeance politique en vogue actuellement, il faudra se
rendre à l’évidence pour reconnaître que notre pays ne dispose malheureusement
d’aucune doctrine de sécurité nationale et moins encore de stratégie solidement
édifiée pour la sécurité humaine de la nation. La notion de la sécurité
nationale est restée un terme vague aux connotations dépréciatives et son
interprétation politique a donné lieu à toutes sortes d’abus méprisables.
Longtemps, les fonctionnalités et les structures d’état attribuées au secteur
de la sécurité ont été confinées dans le noyau dur d’un appareil répressif et
discrétionnaire qui n’avait qu’une seule fonction à remplir : protéger le
pouvoir contre le peuple.
Les dispositifs humains, matériels et logistiques des mécanismes
de sécurité-défense et leur niveau d’opérationnalité n’ont, à aucun moment, été
constitués, mobilisés, organisés et redéployés à une échelle proportionnelle
aux besoins stratégiques de l’État mauritanien. La responsabilité de la prise
en charge des réalités sociales, économiques et politiques et des contraintes
nationales humaines, naturelles, géographiques, géopolitiques, dans un
processus logique assurant la sécurité humaine de la République et sa défense,
apte à répondre, en cas de besoin, à des menace sérieuses comme le crime
organisé, le terrorisme, les trafics illicites, l’émigration, etc., a tout
simplement été, dans le meilleurs des cas, une question négligée.
Cet état cruellement déplorable de la réalité déficiente des
politiques de la sécurité-défense
dans notre pays ne doit nullement justifier un quelconque empressement pour
enrégimenter le pays dans tel ou tel dispositif militaro-sécuritaire
étranger qui demeurera contesté et contestable aux yeux de l’opinion
publique nationale et par la classe politique intègre de ce pays.
Aujourd’hui, les politiques de sécurité et de défense de la République
ainsi que la conduite de sa diplomatie à l’échelle internationale, qui
constituent les facteurs déterminant pour notre condition d’existence et nos
rapports avec les autres, sont appelées, plus que jamais, à changer de
perspective et à rénover. Une véritable réforme de ces politiques touchant
aussi bien le fond que la forme ne peut plus tarder. Il est temps que les
dossiers de la sécurité-défense de notre pays cessent de privilégier
exclusivement la sécurité du territoire et du pouvoir au détriment de la
sécurité de l’Homme, pour placer désormais, le citoyen, ses aspirations pour un
développement durable et ses intérêts légitimes comme point de référence pour
toute action publique future en la matière.
La 3ème République a promptement besoin d’opérer une
réforme d’État en profondeur permettant un ré-engineering idéologique, stratégique et
institutionnel de ses principales fonctionnalités. Cette démarche devrait
déboucher sur la création d’un conseil national de sécurité et d’un système opérationnel
de coordination générale des
politiques publiques civilo-militaires avec une méticuleuse composition
intellectuelle et professionnelle multidisciplinaire. Dans ces laboratoires d’idées
et de décisions, les approches et les options de politiques intérieure,
étrangère et de sécurité-défense seront scrupuleusement initiées, confrontées
et corroborées par la divergence des doctrines et la multiplicité des
expériences de la crème de l’intelligentsia nationale qui veille sur le bon
fonctionnement de ces institutions. Après arbitrage, au niveau du gouvernement
et du chef de l’État en dernier recours, les solutions les plus adaptées et les
plus rationnelles qui seront retenues sont insérées dans une ligne politique
cohérente dont l’exécution est assurée par les administrations et les services
publiques civils et militaires, ainsi que par leurs représentants aussi bien à
l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
Avoir une démocratie bariolée, pluraliste avec des élections « quasiment »
transparentes est incontestablement un bon départ. Avoir des partis politiques,
anciens, nouveaux et flambant neufs, qui ne se soucient que de la manie du
pouvoir et de ses parures, n’est certainement pas la bonne finalité du
parcours. La vie d’une nation ne peut pas s’arrêter à une situation figée. L’effort
continu de discernement des exigences qui affectent nos rapports internes et
externes devra être poursuivi sans relâche pour cerner et défendre l’intérêt
suprême de la nation.
Mais, il ne s’agit pas de nourrir des illusions. Dans la
compétition internationale, accentué par les impitoyables phénomènes de la
globalisation, la nation qui ne manœuvre pas bien est, aussitôt dominée par la
manœuvre d’une autre.
Mode de citation : Mohamed Saleck OULD BRAHIM, « La Mauritanie,Al-Qaïda et les autres », MULTIPOL - Réseau d'analyse et d'information sur l'actualité internationale, 9 janvier 2008
Les opinions exprimées dans cet article n'engage que son auteur
Mode de citation : Mohamed Saleck OULD BRAHIM, « La Mauritanie,Al-Qaïda et les autres », MULTIPOL - Réseau d'analyse et d'information sur l'actualité internationale, 9 janvier 2008
Les opinions exprimées dans cet article n'engage que son auteur
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