9 janvier 2008

POINT DE VUE : La Mauritanie, Al-Qaïda et les autres


Mohamed Saleck Ould Brahim 

La trentième édition 2008 du célèbre rallye Dakar vient d’être annulée. Une première !  Il semblerait que des risques particulièrement élevés liés à des menaces « terroristes » directes et indirectes, proférées à l’encontre de la course internationale motorisée, ont été  derrière la grande décision. « La prudence commandait de tenir le plus grand compte des risques », a déclaré M. Kouchner.

Au fil du temps, cet événement sportif majeur qui a été élevé, dans les pays de passage, au rang de « tradition nationale », a toujours généré des retombées bénéfiques multiples économiques, culturelles et politiques au profit de ces pays, malgré la multiplication des accidents et le nombre croissant de victimes renversées par des engins roulants qui a soulevé bien des protestations et des demandes d’indemnisation, qui ont rarement abouti. L’économie autour du rallye Dakar est colossale. Avec un budget propre qui s’élève à plus de 15 millions d’euros hors recettes télévision, les organisateurs de la course et tous leurs prestataires vont être durement touchés.

Alors que la bruyante caravane est devenue un indicateur principal de stabilité politique pour les pays traversés, chaque année, le tracé du parcours de la course obéit autant à des critères géopolitiques qu’à la difficulté du terrain, qui est le principal attrait pour les pilotes et les constructeurs. Se composant de 15 grandes étapes de pistes d’aventures, dont 8 (les plus difficiles) se déroulent habituellement sur le territoire mauritanien, le rallye Dakar revêt un intérêt particulièrement important pour ce pays, car les divers reportages diffusés sur le patrimoine touristique et culturel mauritanien par les médias internationaux au cours du passage du rallye en Mauritanie sont d’un apport inestimable pour le pays. La décision d’annulation du rallye « choquante » pour des uns, « frustrante » pour des autres, intervient dix jours après deux attaques sanglantes perpétrées par des « hommes armés non identifiés » (HANI), provoquant la mort de quatre touristes français tués près d’Aleg, à 250 km au Sud-est de Nouakchott, et de trois soldats  mauritaniens tués, également, près de la garnison militaire d’El-Ghelawiya à 370 km au Nord-Est d’Atar. L’appréciation de l’état d’insécurité ambiante en Mauritanie, qui sous-tend la décision d’annulation du rallye, est autant controversée que préoccupante.

Les déclarations  officielles sur la situation sont rares et prêtent plutôt à la confusion quant aux hypothèses d’enquêtes sur l’identité des auteurs des deux tueries et sur leurs véritables mobiles. Le Quai d’Orsay, a publié jeudi 3 Janvier 2008 un communiqué (qui demeure en vigueur) déconseillant fortement à tous les Français de se rendre en Mauritanie quel que soit  l’objet de leur déplacement, au moment où plus de 15.000 touristes européens, constitués en majorité de ressortissants français, étaient providentiellement attendus, en cette saison, rien que dans la seule région de l’Adrar.

Dès lors, est-ce que les récents attentats en Mauritanie, la prévalence de menaces « terroristes » et le sentiment d’insécurité qui en découle, signifient bien que l’ex-GSPC ou Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat, qui a été érigée en filiale maghrébine et rebaptisé Branche d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (BAQMI), après son allégeance à Al-Qaïda mère, en septembre 2006, a enfin réussi, à mettre en place des réseaux jihadistes opérationnels, suffisamment équipés en armement et en logistique pour ouvrir un nouveau front dans notre pays ? Ou bien, s’agit t-il, d’un autre malheureux scénario politico-militaro-sécuritaire, véhément orchestré pour brouiller les cartes, bouleverser l’ordre des priorités d’un gouvernement certes démocratique mais fragile, suggérer des agendas particuliers malveillants, internes et/ou externes et compromettre gravement, au risque et péril,  la stabilité combien vulnérable de ce pays ? Ou bien encore, s’agit-t-il d’une tentative rompue pour compromettre la neutralité de la Mauritanie dans le conflit du Sahara occidental sous la pression de certains de ses voisins ? 

Al-Qaïda a-t-elle réussie à atteindre son ambition stratégique de puiser dans l’immense réservoir de frustration politique et de colère populaire généralisée, contre une politique étrangère américaine de plus en plus radicale et périlleuse dans un monde musulman en pleine effervescence, pour embrigader des milliers de jeunes gens en mal de vivre et sans issues à l’horizon, autres que de s’embarquer dans les pirogues de la mort pour rejoindre l’autre rivage européen de la Méditerranée ?

Est-ce que l’internationale islamiste du Jihad est en train de délocaliser son potentiel de nuisance de la région de l’Orient musulman (Asie et Machrek arabe) pour trouver refuge et soutien dans un Sahel qui, écologiquement et économiquement délabré et laissé pour compte, semblerait devenir un nouvel « Eldorado » pour le « terrorisme », où le désert constitue un véritable sanctuaire pour abriter les activités les plus violentes, notamment dans ce no man’s land du Nord et du Nord-est mauritanien où les tracés des frontières de la Mauritanie, de l’Algérie et du Mali se perdent immuablement dans l’immensité impitoyable du Sahara pour constituer un véritable « paradis » sahélo-saharien pour toutes sortes de trafics contrebandiers et illicites: armes à feu, cigarettes, drogues, etc. ?

Ce désert indomptable qui, pourtant avait connu un passé jadis radieux par les grandes expéditions almoravides et leur rayonnement culturel et spirituel atlantique et méditerranéen, servait depuis quelques temps déjà de camps de regroupement, de repli et d’entraînement pour les Moudjahidines d’Al-Qaïda avant d’être envoyés sur les différents fronts « islamiques » de combat en Tchétchénie, en Irak, en Pakistan, en Somalie, etc., ce désert, dis-je, est-t-il aujourd’hui en passe de devenir un théâtre de bataille pour mener sur place des opérations violentes directes à caractère « terroriste » contre des objectifs stratégiques ou tactiques ciblés par Al-Qaïda en Mauritanie ?

S’agit-il d’une habile manœuvre géopolitique pour détourner l’hypersensibilité de l’opinion publique mauritanienne contre la participation officielle du pays aux manœuvres militaires du Flintlock ou Pistolet à pierre ? Cette opération qui avait impliqué plus de 1000 éléments des forces spéciales américaines, dans le cadre du Plan Pan Sahel pour préparer la Transaharian  Counterterrorism  Initiative comme bras armé des États-Unis dans le désert ouest-africain?

Quel est cet éventuel rôle, qualifié d’important  qui serait confié s’emble-t-il à la Mauritanie, pour intensifier davantage sa coopération militaire avec les États-Unis  après la création du  commandement militaire US pour l’Afrique (AFRICOM),  basé actuellement à Stuttgart, en Allemagne, auprès du United States European Command (USEUCOM),  qui concentre ses activités actuellement sur les pays africains ayant d’importantes productions ou réserves de pétrole dans et/ou autour du Golfe de Guinée. D’ailleurs, ce Commandement militaire américain pour l’Europe consacre maintenant 70% de son temps aux affaires africaines, alors qu’elles avaient une part insignifiante encore en 2003.

En attendant que le nouveau Commandement militaire africain devienne autonome et s’installe sur notre continent pour être opérationnel  en 2008-2009, le commandement militaire américain pour l’Europe a déjà lancé en 2003 un programme de contre-terrorisme en Afrique de l’Ouest. En mars 2004, des Forces spéciales américaines ont été directement engagées dans des opérations militaires  avec certains pays du Sahel contre le (GSPC), qui figure sur la liste des organisations terroristes de Washington. Le Commandement américain pour l’Europe a développé en 2005 un programme de sécurité côtière dans le Golfe de Guinée et prévoit également la construction d’une base militaire navale à São Tomé et Principe.

A l’heure actuelle, le Commandement militaire américain pour l’Europe est en train d’établir des postes d’opérations avancées au Sénégal, au Mali, au Ghana et au Gabon ainsi qu’en Namibie, à la frontière avec l’Angola. Ces « arrangements » concernent l’amélioration de pistes aériennes, le stockage de réserves de carburant ainsi que des accords, avec les gouvernements locaux, permettant le déploiement rapide de troupes américaines en cas de besoin pour assurer le contrôle de la partie occidentale de la route transafricaine du pétrole et les nouvelles réserves vitales de pétrole qui y ont été découvertes récemment.

S’agit-t-il, enfin, de la malédiction des ressources fossiles qui s’abat sur notre pays au mauvais moment, comme si le mal être, la flambée des prix des matières premières et le chômage ne suffisent pas pour supplicier les populations pauvres de ce pays ? Comment conjurer les démons du pétrole  et du gaz qui ne cessent d’attiser la confrontation les intérêts conflictuels des puissances internationales ? La Mauritanie serait-elle victime dans la « guerre secrète » que se livrent Américains et Français, qui se disputent le contrôle politique et militaire de la sous-région et des ressources de son sous-sol pour garantir les flux d’approvisionnement énergétique des industries de leurs pays et entretenir leurs images de marques ?

De tous les temps, les canons suivent le commerce : les grandes entreprises pétrolières occidentales sont prises dans une course effrénée pour le pétrole ouest-africain et réclament  sécurité et stabilité. D’après le Wall Street Journal, le Commandement militaire américain pour l’Europe est en train de travailler avec la Chambre de Commerce américaine pour élargir l’emprise des entreprises américaines en Afrique dans le cadre d’une « réponse stratégique intégrée ». Dans cette course économique aux ressources pétrolières africaines, les anciennes puissances coloniales, la Grande-Bretagne et la France, mais aussi la Chine, sont en compétition avec les États-Unis.

D’après le rapport publié par le Conseil des Relations étrangères en 2005 sous le titre révélateur Plus que de l’humanitarisme : une approche stratégique US de l’Afrique (More than humanitarianism : a strategic U.S. approach toward Africa), l’Afrique subsaharienne est susceptible de devenir à la fin de la décennie, une source d’importations énergétiques US aussi importante que le Moyen-Orient. L’Afrique de l’Ouest dispose de quelques 60 milliards de barils de réserves pétrolières avérées. Son pétrole, à faible teneur en soufre, est un brut « doux fort » apprécié par l’économie et les industries américaines.

L’escalade de la présence militaire américaine en Afrique est fréquemment justifiée par la nécessité de combattre le terrorisme et de contrer une instabilité croissante dans la région pétrolière de l’Afrique subsaharienne. Les think tanks américains prévoient que 1 baril de pétrole sur 5 entrant dans le circuit économique mondial dans la deuxième moitié de cette décennie viendra du Golfe de Guinée et que la part provenant du Golfe de Guinée dans les importations américaines passera de 15 à 20% en 2010 et à 25% en 2015. Le Nigeria fournit déjà 10% du pétrole importé par les États-Unis. L’Angola en fournit 4% et sa part devrait doubler d’ici la fin de la décennie. La découverte de nouvelles réserves importantes, notamment au Ghana et l’expansion de la production pétrolière sont en train de faire d’autres pays de la région des exportateurs importants de pétrole. Il s’agit de la Guinée équatoriale, de São Tomé et Principe, du Gabon, du Cameroun, de la Mauritanie, du Tchad et du Soudan.

Déjà en 2002,  le National Security Strategy of the United States déclarait que  le « combat contre le terrorisme mondial » et la nécessité d’assurer la sécurité énergétique des USA requéraient des USA qu’ils augmentent leur engagement en Afrique et appelaient à une « coalition volontaire » pour établir des arrangements sécuritaires sur ce continent.

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis ces années où certains « contrebandiers » sahéliens avaient braqué un groupe de retardataires de la caravane du rallye Dakar en 1999, ou quand le GSPC de Moctar Belmoctar avait été cité par la DGSE et la CIA lors de l’annulation des étapes nigériennes du rallye en 2000. Puis intervient l’enlèvement des 32 touristes allemands et autrichiens en Algérie, par Amara Saifi, alias Abderrezak « el Para », en février 2003, ou encore, lorsque les 10ème  et 11ème étapes du rallye entre Néma en Mauritanie et Bobo-Dioulasso au Burkina, en passant par Mopti au Mali, ont été annulées en janvier 2004 sous les menaces de groupes « terroristes » opérant dans la zone frontalière entre l’Algérie, la Mauritanie et le Mali.

Mais, il semblerait qu’un acte comme la publication, en juillet 2004, d’un communiqué attribué à Al-Zarkawi, ex patron de la filiale irakienne d’Al-Qaïda, menaçant la Mauritanie de représailles, avait mis inéluctablement ce pays dans la ligne de mire de la nébuleuse « Al-Qaïda ».

Par la suite, l’attaque de « Lemgheity »,  le 4 juin 2005, apporta au moulin son lot d’inquiétudes mais aussi d’incertitudes. Lorsqu’une unité de l’armée mauritanienne déployée dans le Nord-Est du pays à quelque 150 km de la frontière avec le Mali, a été attaquée, entraînant 15 morts, 17 blessés et 2 disparus, la thèse du gouvernement mauritanien sur les faits, imputant la responsabilité au (GSPC), avait laissé sur sa faim l’intelligentsia mauritanienne malgré que l’opposition, dans toutes ses composantes, avait marché pour condamner l’agression. Le scepticisme de l’opinion publique nationale quant à l’implication du (GSPC) dans cette opération l’emporta. On soupçonnait l’ancien président Ould Taya d’agiter la menace terroriste pour justifier les privations de liberté de ses concitoyens et suggérer les récompenses d’une lutte anti-terroriste qui été bien rémunérée par les puissances occidentales. A l’époque, les affirmations selon lesquelles des groupes « terroristes » dans la région du Maghreb reçoivent des instructions opérationnelles et de l’aide financière d’Al-Qaïda mère, dont le directoire se trouve en Afghanistan et au Pakistan, semblaient peu probables. La plupart des observateurs pensaient que ces hypothétiques liens seraient plus de nature idéologique qu’opérationnelle.

Les idées du chef de l’ex (GSPC) et émir de la zone du Sud d’Algérie Moctar Belmocar,  dit  « Belawer »  alias « Khaled Abou Al Abbas », étaient suffisamment claires pour  présager sur une évolution dramatique de la situation d’insécurité croissante dans notre pays et dans la sous région. Le GSPC avait revendiqué l’attaque de « Lemgheyti » en appelant à chasser les Américains de la région du Sahel et freiner leur forte présence militaire de plus en plus signalée à Gao au Mali, à Agadez au Niger et dans la région de Nema en Mauritanie.

Néanmoins, les perspectives de croissance d’une activité « terroriste » dans notre pays qui ont été jugés réelles depuis quelques années déjà, car la première annonce publique de la présence du mouvement Salafiste jihadiste en Mauritanie remonte à l’année 1994, la Mauritanie officielle a toujours maintenu un profil bas face à cette grave menace. La tendance a toujours été de faire valoir  les éléments qui ont contribué, jusqu’ici, à endiguer la montée de l’extrémisme dans ce pays. L’invocation de facteurs socioculturels importants comme l’organisation sociale dominée par le tribalisme, le rôle joué par les confréries soufies, la résistance innée des Mauritaniens à l’islam importé, etc., avait plutôt prévalue à l’idée d’analyser objectivement et d’agir adroitement, en temps opportun, pour désamorcer les vecteurs qui contribuent à la propagation de l’islam politique radical dans notre pays.

En Mauritanie, comme partout ailleurs en terre d’Islam, c’est un amalgame d’injustice sociale et politique criante et d’échec des politiques économiques et sociales inadéquates qui nourrit la dérive du terrorisme. En Mauritanie, comme ailleurs dans d’autres parties du monde musulman, l’invasion américaine de l’Afghanistan, de l’Iraq, de la Somalie (par l’Ethiopie interposée) et le parti pris injuste des États-Unis dans le conflit israélo-palestinien constituent d’autres propulseurs pour la prolifération d’un extrémisme islamique mondialisé, exalté par les effets pervers d’une technologie médiatiques qui dope, en temps réel, les masses de  jeunes musulmans infortunés en reproduisant les valeurs idéologiques de la culture de la violence sous forme de gadgets audiovisuels d’imagerie numérisée à haut début (Web, TV, CD, DVD, MP3, etc.).

Bien que l’évolution étatique de la Mauritanie ait toujours été profondément marquée par la fluctuation des relations internationales et par le poids, souvent périlleux, de la géopolitique durant ses 47 années d’indépendance, ce pays brille aujourd’hui par l’absence de toute structure organique de sécurité et de défense nationale véritablement capable de prendre en charge les défis auxquels il se trouve confronté aujourd’hui et, moins encore d’être apte à proposer des solutions et des alternatives cohérentes.

La Mauritanie n’est pas le Maroc ou l’Algérie. Avec ou sans les menaces d’Al-Qaïda, notre pays ne possède pas d’option sécuritaire nationale contre la menace « terroriste » quelle que soit son origine. Les errements de l’enquête sur le dossier de la cocaïne « aéroportée » en est la preuve irréfutable. La Mauritanie n’a, tout simplement, jamais développée une telle stratégie. Un demi-siècle durant, aucune volonté politique réelle n’a vu le jour pour prendre en charge une telle responsabilité comme étant un réel besoin pour la pérennité de l’Etat mauritanien.

Quels que soient les larmes de crocodiles et les lamentations d’indignation érigées en mode d’allégeance politique en vogue actuellement, il faudra se rendre à l’évidence pour reconnaître que notre pays ne dispose malheureusement d’aucune doctrine de sécurité nationale et moins encore de stratégie solidement édifiée pour la sécurité humaine de la nation. La notion de la sécurité nationale est restée un terme vague aux connotations dépréciatives et son interprétation politique a donné lieu à toutes sortes d’abus méprisables. Longtemps, les fonctionnalités et les structures d’état attribuées au secteur de la sécurité ont été confinées dans le noyau dur d’un appareil répressif et discrétionnaire qui n’avait qu’une seule fonction à remplir : protéger le pouvoir contre le peuple.

Les dispositifs humains, matériels et logistiques des mécanismes de sécurité-défense et leur niveau d’opérationnalité n’ont, à aucun moment, été constitués, mobilisés, organisés et redéployés à une échelle proportionnelle aux besoins stratégiques de l’État mauritanien. La responsabilité de la prise en charge des réalités sociales, économiques et politiques et des contraintes nationales humaines, naturelles, géographiques, géopolitiques, dans un processus logique assurant la sécurité humaine de la République et sa défense, apte à répondre, en cas de besoin, à des menace sérieuses comme le crime organisé, le terrorisme, les trafics illicites, l’émigration, etc., a tout simplement été, dans le meilleurs des cas, une question négligée.

Cet état cruellement déplorable de la réalité déficiente des politiques de  la sécurité-défense dans notre pays ne doit nullement justifier un quelconque empressement pour enrégimenter le pays dans tel ou tel dispositif  militaro-sécuritaire  étranger qui demeurera contesté et contestable aux yeux de l’opinion publique nationale et par la classe politique intègre de ce pays.

Aujourd’hui, les politiques de sécurité et de défense de la République ainsi que la conduite de sa diplomatie à l’échelle internationale, qui constituent les facteurs déterminant pour notre condition d’existence et nos rapports avec les autres, sont appelées, plus que jamais, à changer de perspective et à rénover. Une véritable réforme de ces politiques touchant aussi bien le fond que la forme ne peut plus tarder. Il est temps que les dossiers de la sécurité-défense de notre pays cessent de privilégier exclusivement la sécurité du territoire et du pouvoir au détriment de la sécurité de l’Homme, pour placer désormais, le citoyen, ses aspirations pour un développement durable et ses intérêts légitimes comme point de référence pour toute action publique future en la matière.

La 3ème République a promptement besoin d’opérer une réforme d’État en profondeur permettant un ré-engineering idéologique, stratégique et institutionnel de ses principales fonctionnalités. Cette démarche devrait déboucher sur la création d’un conseil national de sécurité et d’un système opérationnel de coordination  générale des politiques publiques civilo-militaires avec une méticuleuse composition intellectuelle et professionnelle multidisciplinaire. Dans ces laboratoires d’idées et de décisions, les approches et les options de politiques intérieure, étrangère et de sécurité-défense seront scrupuleusement initiées, confrontées et corroborées par la divergence des doctrines et la multiplicité des expériences de la crème de l’intelligentsia nationale qui veille sur le bon fonctionnement de ces institutions. Après arbitrage, au niveau du gouvernement et du chef de l’État en dernier recours, les solutions les plus adaptées et les plus rationnelles qui seront retenues sont insérées dans une ligne politique cohérente dont l’exécution est assurée par les administrations et les services publiques civils et militaires, ainsi que par leurs représentants aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

Avoir une démocratie bariolée, pluraliste avec des élections « quasiment » transparentes est incontestablement un bon départ. Avoir des partis politiques, anciens, nouveaux et flambant neufs, qui ne se soucient que de la manie du pouvoir et de ses parures, n’est certainement pas la bonne finalité du parcours. La vie d’une nation ne peut pas s’arrêter à une situation figée. L’effort continu de discernement des exigences qui affectent nos rapports internes et externes devra être poursuivi sans relâche pour cerner et défendre l’intérêt suprême de la nation.

Mais, il ne s’agit pas de nourrir des illusions. Dans la compétition internationale, accentué par les impitoyables phénomènes de la globalisation, la nation qui ne manœuvre pas bien est, aussitôt dominée par la manœuvre d’une autre.


Mode de citation : Mohamed Saleck OULD BRAHIM, « La Mauritanie,Al-Qaïda et les autres », MULTIPOL - Réseau d'analyse et d'information sur l'actualité internationale, 9 janvier 2008

Les opinions exprimées dans cet article n'engage que son auteur

 

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