La révision, initialement inscrite à l'ordre du jour de vendredi, a été adoptée de manière écrasante par l'assemblée contrôlée par le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) du président Biya : 157 voix pour, 5 voix contre.
"Quinze députés n'ont pas voté", a précisé à l'AFP le ministre des Relations avec les Assemblées.
Les quinze non votants sont les députés du principal parti d'opposition, le Social Democratic Front (SDF), qui ont quitté la salle pour protester contre ce "coup d'Etat constitutionnel", a déclaré à l'AFP l'un de ces élus, Jean Michel Nintcheu.
Le RDPC disposant, avec 153 députés sur 180, d'une majorité écrasante bien supérieure aux 3/5 nécessaires au changement de la Constitution, "personne ne doutait qu'il allait réussir à faire adopter ce texte, d'autant plus qu'il s'agissait d'un vote public où le nom de chacun est égrené", a affirmé à l'AFP le député et président du Mouvement progressiste Jean Jacques Ekindi.
"Mais, tout le monde a été pris de court par ce vote anticipé. Nous ne nous attendions pas à ce qu'ils fassent cette dernière pirouette, dont ils n'avaient pas besoin", a-t-il ajouté.
"Le programme a été bouleversé par surprise au dernier moment. Une plénière, qui était normalement prévue le 11 avril, a été improvisée", a souligné M. Nintcheu.
Lors d'émeutes fin février en marge d'un mouvement contre la vie chère, les manifestants ont scandé des slogans hostiles à la révision, voire au président Biya lui-même. Mais ces violences, qui ont fait 40 morts d'après les autorités mais plus de 100 selon une ONG, n'ont en rien dissuadé le pouvoir, pas plus que les réserves formulées à plusieurs reprises par les Etats-Unis.
Depuis le dépôt du texte, la presse privée n'en finit pas de le commenter - et de critiquer.
"La seule volonté de Biya: président à vie", a titré cette semaine le quotidien Le Messager. La Nouvelle Expression pense que Biya veut "s'offrir de longues nouvelles années à la tête du pays".
D'autres amendements à la Loi fondamentale, beaucoup moins commentés, peuvent laisser penser que le président songe aussi à organiser sa succession.
L'article 53 stipule que "les actes accomplis par le président de la République sont couverts par l'immunité et ne sauraient engager sa responsabilité à l'issue de son mandat".
Garga Haman Adji, président d'un petit parti d'opposition, l'Alliance pour la démocratie et le développement (ADD), est l'un des rares à s'en être publiquement pris à cet article, estimant qu'il rend "irresponsable" le chef de l'Etat.
Le président Biya, qui aime lui-même à se définir comme un "brouilleur de cartes", laisse planer le doute sur ses intentions réelles: et s'il avait en fait choisi de quitter le pouvoir avant 2011?
Dans une tribune publiée dans le Cameroon Tribune, le ministre de la Communication Jean-Pierre Biyiti Bi Essam prend la défense du texte sans pour autant dissiper le brouillard. Selon lui, le projet "ne vise pas, comme aiment à le seriner certains médias, à permettre au président Paul Biya de s'éterniser au pouvoir".
"Il vise plutôt à aider les Camerounais à relever ensemble un défi vital: que le Cameroun soit et demeure stable, et gouvernable, à la veille, au-delà de 2011", insiste le ministre.
Source : AFP