D'après la CFCPI, le rapport n°326 de la Commission des lois portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale commet une erreur fondamentale en considérant que ce n’est pas aux États ayant ratifié le Statut de Rome, mais à la CPI elle-même de se substituer à l’État défaillant qui aurait été normalement compétent pour juger l’auteur d’un crime international :
« En d’autres termes, parce qu’elles disposent d’une compétence de principe, les juridictions nationales doivent poursuivre et juger les crimes qui soit ont été commis sur leur territoire, soit impliquent leurs nationaux (auteur ou victime). Le principe de complémentarité joue lorsque l’auteur ne répond pas aux critères de compétence de droit commun. Ce n’est pas aux États parties mais à la CPI de se substituer à l’État défaillant qui aurait été normalement compétent pour juger l’auteur d’un crime international. Quelle juridiction plus légitime que la Cour pénale internationale peut, sans blesser le principe d’égalité entre les États au sein de la communauté internationale, assumer une telle mission ? » (page 25, souligné dans le rapport).
Toute l’architecture du système de justice pénale internationale créé par le Statut de Rome est ainsi anéantie d’un trait de plume.
L’article 17 du Statut de Rome prévoit que la CPI, dont les moyens sont limités, se réserve pour les affaires les plus graves : pour toutes les autres - le plus grand nombre - le Statut rappelle « qu’il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les auteurs de crimes internationaux ».
Lorsque la justice d’un État dévasté par les conflits est défaillante, le législateur français ne peut pas se défausser ainsi sur la CPI. La France a pris des engagements à l’égard de la communauté internationale, elle doit les assumer.
Dans le cas contraire, elle inciterait les criminels que la CPI ne peut pas juger elle-même à trouver l’impunité sur le territoire français. Cela marginaliserait la France par rapport au reste de l’Europe et décrédibiliserait les leçons que notre pays donne volontiers au reste du monde (ainsi en incitant le Sénégal à juger le dictateur tchadien Hissène Habré).
La CFCPI appelle le Sénat à amender le projet de loi en rendant les tribunaux français compétents pour juger les criminels internationaux trouvés en France, lorsqu’ils ne peuvent être jugés ni par la justice de leur pays, ni par la Cour pénale internationale.