27 septembre 2008

ANALYSE : Côte d'Ivoire : l'épreuve financière avant les élections

Guy LABERTIT 

Malgré la très officielle prudence du président de la Commission électorale indépendante Mambé Beugré, de passage à Ouagadougou le 18 septembre, l’échéance du 30 novembre 2008 pour le premier tour de l’élection présidentielle semble difficile à tenir en raison du retard pris par l’acheminement du matériel pour l’identification nécessaire à l’établissement des listes électorales. Le processus d’identification des populations a effectivement démarré le 15 septembre dernier, mais le chef de l’Etat Laurent Gbagbo, dans une intervention publique le 12 septembre, n’a pas écarté la possibilité d’un report du scrutin à la mi-décembre, la fin de l’année 2008 restant une sorte d’ultime date butoir. Alors que la volonté de tous les acteurs politiques ivoiriens d’aller au plus vite aux élections est sans cesse réaffirmée, les bailleurs de fonds et l’administration new-yorkaise de l’ONU traînent étrangement des pieds. C’est une véritable épreuve financière que doivent affronter les autorités ivoiriennes, d’autant que l’Etat ivoirien ne peut encore compter sur plusieurs dizaines de milliards de francs CFA de rentrées financières des douanes du Nord du pays toujours contrôlées par les Forces nouvelles. 


Les dernières applications de l’accord de Ouagadougou 

La dernière réunion du Comité d’évaluation et d’accompagnement (CEA) de l’accord de Ouagadougou s’est tenue les 15 et  16 septembre dans la capitale du Burkina Faso. Elle a traité, en particulier, des effectifs de la future armée nouvelle et de l’unicité des caisses de l’Etat. Sur ces deux points, des décisions devraient être arrêtées le 3 octobre. Pour l’heure, le chef d’Etat burkinabé Blaise Compaoré, président en exercice de la CEDEAO et à ce titre facilitateur, a estimé que 5000 éléments des Forces nouvelles (ex-rébellion) pourraient être intégrés progressivement dans l’armée nouvelle ivoirienne. L’armée ivoirienne compte aujourd’hui 18 000 hommes. Selon un accord antérieur, 600 hommes, issus des FN, devraient rejoindre la police et la gendarmerie. Ces chiffres confirment que les effectifs annoncés de l’ex-rébellion étaient largement surestimés.

Toutefois, l’opération désarmement est en panne et le maintien de commandants de zones militaires dans le Nord du pays ne facilite pas le redéploiement de l’administration et des autorités de l’Etat dans l’ensemble du territoire. Malgré l’envoi d’agents du service des douanes dans le Nord du pays, ceux-ci sont toujours empêchés de travailler en septembre 2008. L’unicité des caisses de l’Etat n’est toujours pas rétablie alors qu’un comité technique pour son rétablissement a été mis en place dès le 27 décembre 2007 ! 

En ce qui concerne le désarmement, au 23 août 2008, 11 366 éléments des Forces nouvelles avaient été regroupés dont 7 600 démobilisés. Malgré les engagements non tenus à ce jour des bailleurs de fonds, l’absence de financement du Programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire, dont le coût est estimé à 44 milliards de francs CFA, et du Service civique national, entrave le mode opératoire de désarmement et de stockage des armes, et alimente la grogne, voire la fronde de membres des Forces nouvelles. Quelques centaines de ces derniers, regroupés autour du caporal Diaby sur des revendications financières fantaisistes, ont notamment voulu paralyser la ville de Bouaké à plusieurs reprises entre le 18 et le 25 août, s’estimant trahis par le dirigeant des FN Guillaume Soro, actuel Premier ministre. 

C’est pour la même raison que le processus d’identification et d’enrôlement des électeurs n’a pu débuter que le 15 septembre dans la capitale Yamoussoukro, et sept villes pilotes, Ferkessédougou, Bouna et Man dans le Nord du pays, Gagnoa, Dabou, Tabou et Grand Bassam dans le Sud. En effet, l’essentiel du matériel de la SAGEM, qui devait être acheminé par avion par les soins de l’ONU dans les premiers jours d’août, n’est parvenu au port d’Abidjan qu’à la fin du mois après de rocambolesques transports terrestres entre le Nord et le  Sud de l’Europe de Rotterdam à Brindisi et retour. Le site central de l’Office national d’identification, sis dans la commune d’Abidjan Plateau, a été rendu opérationnel grâce à un engagement de plus d’un milliard de francs CFA de l’Etat ivoirien, l’ONUCI, qui devait l’aménager, se contentant de financer 35 climatiseurs. 

Ces opérations d’identification  et d’enrôlement, symboliquement lancées par le chef de l’Etat à Yamoussoukro à la mi-septembre, doivent s’achever en principe le 30 octobre, une période de quarante cinq jours étant techniquement incompressible pour toutes les équipes déployées sur l’ensemble du territoire. Des audiences foraines de rattrapage avaient été lancées pour deux semaines à partir du 27 août. Onze mille lieux de vote environ ont été identifiés qui accueilleront près de vingt-deux mille bureaux de vote contre moins de seize mille cinq cents en 2000. 

Afin de rattraper le retard pris, un accord politique devait être conclu entre l’ensemble des parties ivoiriennes pour réduire à quinze jours le délai entre la publication des listes définitives et le vote. 

La Côte d’Ivoire et les bailleurs de fonds 

Malgré les difficultés de l’Etat ivoirien à financer le processus de sortie de crise, le chef de l’Etat a choisi d’apurer l’essentiel de ses arriérés de paiement auprès des bailleurs de fonds. Cette option vise à assurer des bases financières solides au pays au lendemain des élections.

La situation a été assainie avec les institutions de Bretton-Woods, Fonds monétaire et Banque mondiale, au premier trimestre 2008. La coopération, suspendue depuis 2004, a donc repris avec ces institutions depuis avril 2008. Outre les aides projets, les négociations en cours pour une Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) devraient déboucher sur un premier appui budgétaire de 130 à 150 millions de dollars avant la fin de l’année.

Une mission FMI/Banque mondiale est attendue en octobre à Abidjan. Avant son arrivée, le document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), remis au ministre d’Etat Bohoun Bouabré le 18 septembre, sera finalisé le 28. Sa validation par les institutions de Bretton Woods permettra enfin à la Côte d’Ivoire de bénéficier de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) à laquelle elle n’avait pu prétendre à la fin 2002 en raison du coup d’Etat du 19 septembre. L’enjeu est de taille, car le point de décision, signifiant une remise de la dette extérieure de 3000 milliards de francs CFA, est attendu avant la fin 2008. Cela libérerait pendant plusieurs années 500 milliards de francs CFA dans les futurs budgets de la Côte d’Ivoire, soit environ un quart, puisque le budget 2008 a été arrêté à 2100 milliards. 

L’Etat ivoirien doit régler 100 milliards de francs CFA d’arriérés auprès de la Banque africaine de développement (BAD) à la fin du mois de septembre. En contrepartie, la BAD  s’est engagée à verser 35 milliards de francs CFA d’appui budgétaire. 

Dans ce contexte, pour financer la sortie de crise et réduire la dette intérieure, le Trésor public ivoirien a lancé un nouvel emprunt obligataire de 60 milliards de francs CFA sur le marché financier sous-régional, l’objectif visé pour la seule année 2008, qui connaîtra une croissance de l’ordre de 3%,  étant de réunir 225 milliards par ce biais. 

Du côté de la France, l’Agence française de développement (AFD) a repris ses activités en Côte d’Ivoire, longtemps son premier partenaire, en juillet 2008. Elle les avait suspendues en décembre 2004. Une réunion du Club de Paris d’ici à la fin 2008, chargée de trouver une solution à la dette ivoirienne auprès de l’AFD, estimée à 1,2 milliard d’euros (soit près de 700 milliards de francs CFA), ouvrira la voie à des concours directs de l’AFD à l’Etat ivoirien. Mais l’AFD travaille déjà avec des entreprises du secteur public et les grandes collectivités locales (Abidjan, et Bouaké) ainsi qu’avec le secteur privé par le biais de sa filiale Proparco. 

Par ailleurs, la réouverture, en septembre, du lycée français d’une capacité de 1600 élèves, la venue, les 17 et 18 septembre, à Abidjan, à l’invitation du ministre de l’Economie et des Finances Diby Koffi, de l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine, reçu à cette occasion  par le chef de l’Etat, la poursuite de la coopération décentralisée par le biais des structures « Cités Unies France », présidée par l’ancien ministre Charles Josselin, et l’UVICOCI, confirment la normalisaation des relations franco-ivoiriennes. 

Le renouveau diplomatique de la Côte d’Ivoire 

Le Conseil de sécurité de l’ONU a reconnu implicitement l’échec de ses résolutions  adoptées de 2003 à 2006 sur la crise ivoirienne en entérinant, par sa résolution 1765 du 16 juillet 2007, l’accord de Ouagadougou qui a scellé la réussite du dialogue direct entre les acteurs politiques ivoiriens. La dernière résolution concernant la Côte d’Ivoire, la résolution 1826 adoptée le 29 juillet 2008, prie l’ONUCI de soutenir la pleine mise en œuvre de l’Accord de Ouagadougou et des accords complémentaires en prorogeant son mandat ainsi que celui de la Force française Licorne jusqu’au 31 janvier 2009, « notamment pour aider à l’organisation d’élections libres, ouvertes, justes et transparentes ». Pourtant, le représentant spécial du secrétaire général, M. Choi Young Jin, semble avoir quelques difficultés à bien se faire entendre par l’administration  onusienne. 

La Force Licorne, forte de 5400 hommes à la fin 2004, a vu ses effectifs réduits après l’accord de Ouagadougou et ramenés à 1800 en mars 2008. C’est le général Philippe Houbron qui en a pris la tête le 11 juillet dernier, succédant au général Bruno Clément-Bollée. La sécurisation des élections, aux côtés des forces de l’ONUCI dirigées depuis avril 2006 par le général béninois Fernand Marcel Amoussou, sur la base du plan élaboré par le Centre de commandement intégré ivoirien (CCI), est sa mission prioritaire. 

Dans ce contexte international où la diplomatie ivoirienne déjà réaffirmée par l’accueil, en juin, à Yamoussoukro, de la réunion du « groupe des 77 plus la Chine », la visite d’Etat du président Laurent Gbagbo au Burkina Faso, du 27 au 29 juillet, a parachevé le retour au premier plan de la Côte d’Ivoire en Afrique de l’Ouest. Un traité d’amitié et de coopération signé entre les deux pays, le projet de deux conseils des ministres conjoints par an, la proposition dans le discours du chef d’Etat ivoirien devant les députés burkinabés d’un axe Yamoussoukro-Ouagadougou comme pivot de la CEDEAO, ont marqué les retrouvailles entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. 

La présence du président Compaoré à Bouaké, le 30 juillet, pour célébrer le premier anniversaire de la « flamme de la paix », et le 31 juillet, à Zambakro, pour le baptême d’une promotion de jeunes officiers portant son nom, a symboliquement prolongé cette visite officielle en terre burkinabé. 

La volonté de renforcer une dynamique régionale, d’abord fondée sur des coopérations économiques avec les pays du Sahel (Burkina Faso, Niger, Mali), à l’image de celles initiées par le Port d’Abidjan, et des futurs projets dans les domaines des infrastructures routières et ferrées et de l’énergie, est sans cesse réaffirmée par le président ivoirien depuis la conclusion de l’accord politique de Ouagadougou.

Quelques semaines plus tard, la rencontre, le 17 septembre, à Ouagadougou, entre une délégation du FPI, conduite par son président Pascal Affi N’Guessan, et une délégation du Congrès pour la démocratie et le progrès  (CDP), parti du président Compaoré, conduite par Roch Kaboré, président de l’Assemblée nationale, n’a pas manqué de susciter des spéculations sur la constitution d’un axe Gbagbo/Compaoré à l’approche des échéances électorales décisives en Côte d’Ivoire. 

Le climat social et politique en Côte d’Ivoire à l’approche des élections 

La très forte hausse, le 7 juillet, du prix des carburants et de produits de première nécessité a entraîné des mouvements de protestation et de grèves à partir de la mi-juillet : opération « ville morte » à Abidjan le 14 juillet, grève de plusieurs jours des taxis et des transporteurs, grève d’avertissement de 48 heures des fonctionnaires et salariés les 17 et 18 juillet à l’appel de l’Union générale des travailleurs de Côte d’Ivoire (UGTCI). 

L’engagement personnel du chef de l’Etat rencontrant les grévistes, celui du Premier ministre et de son gouvernement, notamment auprès des associations de consommateurs et des trois centrales syndicales (UGTCI, FESACI et Dignité), ont permis de réduire le mécontentement social au terme d’une semaine. Des mesures d’accompagnement, la réduction du train de vie de l’Etat, la mise en place d’un cadre permanent de concertation, de comités décentralisés de surveillance des prix, décidées lors d’un Conseil des ministres extraordinaire, le 20 juillet, ont apaisé la situation. 

Ces mouvements sociaux n’ont pas été utilisés de façon durable au plan politique par ceux qui se réclament de l’opposition tout en appartenant au gouvernement. Toutefois, le chef de l’Etat, dans un discours retentissant, le 22 juillet, a brandi la menace d’un remaniement ministériel pour une action plus cohérente à la tête de l’Etat, n’épargnant pas, sans les nommer, les forces politiques gouvernementales tentées de jouer sur la crise sociale à des fins partisanes. 

Car la campagne électorale a pris un tour plus décisif avec la confirmation des trois principales candidatures, Henri Konan Bédié pour le PDCI, Alassane Ouattara pour le RDR et celle du président sortant Laurent Gbagbo, investi le 30 août par le FPI, en attendant l’investiture par l’ensemble de la mouvance présidentielle en octobre. Tous trois étaient présents cette année à Bouaké, le 30 juillet, à l’occasion du premier anniversaire de « la flamme de la paix ». 

Depuis des mois, les dirigeants du FPI et du PDCI occupent le terrain avec plus de détermination que ceux du RDR dont le candidat n’a pas encore tenu meeting mais fait circuler des sondages fantaisistes dans certains milieux parisiens. Le candidat du PDCI, Konan Bédié, après ses sorties à Yopougon, commune populaire du district d’Abidjan, et Soubré à l’Ouest, dès le 29 mars et le 26 avril, a fait une longue tournée en août au centre du pays, dans la vallée du Bandama, qui lui est plus favorable. Il y a été suivi, peu après, par l’épouse du chef de l’Etat, Simone Gbagbo, vice-présidente du FPI. A cette occasion, d’utiles mises au point ont été faites entre le FPI et les FN sur la survivance de zones militaires au Nord entravant le redéploiement des administrations de l’Etat. 

Si les partis politiques traditionnels réoccupent le devant de la scène politique, l’essentiel de la mouvance patriotique, animée par Charles Blé Goudé, président du Congrès panafricain des jeunes patriotes (Cojep), n’a pas pour autant disparu. Le 7 septembre, ce dernier a investi 56 comités de campagne pour la réélection de Laurent Gbagbo. De l’autre côté de la mouvance présidentielle, d’anciennes figures de proue du PDCI comme l’ancien secrétaire général Laurent Dona Fologo, désormais à la tête du RPP, et Danièle Boni Claverie, dirigeant l’URD, mènent activement campagne pour le président sortant. 

Pour sa part, le chef de l’Etat qui reçoit régulièrement au Palais présidentiel des populations venues de tous les horizons du pays, a repris pied dans le Nord du pays avant d’effectuer une visite d’Etat dans l’Ouest. Après Bouaké, Ferkessédougou et Korogho en 2007, une visite d’Etat, en compagnie de son Premier ministre, à Vavoua et Séguéla, à la mi-juillet, puis à Boundiali pour lancer le bitumage de l’axe Boundiali Tengréla, ont été autant de jalons dans une reconquête politique de cet espace longtemps contrôlé par la rébellion. Ces sorties, à Boundiali en particulier, ont été aussi l’occasion pour lui de condamner le tribalisme. Une loi contre la xénophobie, le racisme et le tribalisme a été adoptée par le Parlement le 30 juillet dernier, quelques mois après la suppression des cartes de séjour pour les ressortissants de la CEDEAO résidant en Côte d’Ivoire. La plupart des 365 000 Burkinabés qui avaient fui la Côte d’Ivoire en 2002 (sur les 3,5 millions qui y vivent selon le Conseil supérieur des Burkinabé de l’extérieur) ont regagné ce pays aujourd’hui. Les retrouvailles officielles entre les chefs d’Etat des deux pays voisins à la fin juillet ont confirmé ce retour à une normale conforme à l’histoire. 

Ces longues années de crise ont favorisé l’émergence de pratiques prédatrices à l’image du recours systématique au racket le long des routes, et de la gestion opaque, en particulier dans la filière café-cacao ou celle des déchets ménagers et industriels entre autres. Ces derniers mois, le chef de l’Etat a pris des initiatives fortes, avec l’appui du chef d’état-major des armées sur la question  du racket qui a régressé assez sensiblement. Mais, à son initiative, l’action déterminée de la justice, elle-même à réformer, par rapport à la gestion de la filière café-cacao devrait freiner certains appétits tout à fait condamnables.

L’arrestation et la mise sous mandat de dépôt des plus hauts responsables des structures de la filière, en juin 2008, ont rendu impérieuse une proposition de mesures immédiates, ne serait-ce que pour gérer la campagne 2008/2009 qui débute le 1 er octobre prochain. Les structures existantes (Autorité de régulation du café et du cacao, Bourse du café et du cacao, Fonds de régulation et de contrôle, Fonds de développement et de promotion des activités des producteurs de café et de cacao) se sont vu retirer, le 19 septembre, par ordonnance présidentielle, « pour une période transitoire de sept mois renouvelable, l’exercice des pouvoirs de gestion, de contrôle et de régulation  qui leur étaient précédemment dévolus ». 

C’est un comité de gestion de six membres, assisté d’un organe technique, dit secrétariat permanent de quatre membres, tous nommés le 21 septembre par le chef de l’Etat, qui supervisera, coordonnera et dirigera les activités de gestion de la filière café-cacao et en rendra compte au comité interministériel des matières premières. Les nouveaux responsables, pour la plupart techniciens du monde agricole, sont pour certains des anciens de la Caisse de stabilisation pour le soutien des prix des produits agricoles, la fameuse Caisstab dont la dissolution avait été imposée par le FMI au regard des dérives d’une gestion contrôlée par le PDCI RDA, parti alors au pouvoir.  

Ces mesures conservatoires destinées à une remise en ordre, en concertation avec le Premier ministre, du premier secteur économique du pays (40% des recettes d’exportation du pays et 20% de son PIB) ouvrent la voie à une véritable réforme de la filière. 

Enfin, c’est à partir du 29 septembre que sera jugée devant la cour d’assises d’Abidjan l’affaire du déversement des déchets toxiques par le Probo Koala au port d’Abidjan en août 2006. Au 30 juillet 2008, sur les 95 247 victimes recensées, 55 190 avaient été indemnisées pour un montant de 17,2 milliards de  francs CFA. 

Quelques conclusions 

Les tergiversations de l’administration onusienne et des bailleurs de fonds ont contribué à retarder le début des opérations d’identification et d’enrôlement des électeurs dont le bon déroulement est impérieux pour que l’élection présidentielle se tienne en 2008. 

Malgré la réaffirmation de la volonté de tous d’aller au plus vite aux élections, il n’est pas à exclure que certaines arrière-pensées politiques se cachent derrière le manque de cohésion du gouvernement et les difficultés du Premier ministre à imposer sa voix à l’ensemble des Forces nouvelles, dont certains éléments freinent le redéploiement de l’administration d’Etat et le rétablissement de l’unicité des caisses. 

Les fondamentaux macro-économiques de la Côte d’Ivoire se sont sensiblement améliorés avec l’apurement des arriérés de dette auprès des institutions financières de Bretton Woods et de la BAD et la perspective de bénéficier d’appuis budgétaires extérieurs et de l’initiative PPTE effaçant 3000 milliards de dette extérieure. L’option choisie par les autorités ivoiriennes permet à la Côte d’Ivoire d’espérer une forte relance économique dès la sortie de crise, même si pour l’heure une trésorerie tendue et une forte dette intérieure handicapent le monde des entreprises. Cette épreuve financière est en passe d’être gagnée. Par ailleurs, des mesures fortes contre le racket et pour l’assainissement de la gestion publique contribuent à rassurer les milieux d’affaires et les investisseurs.

La Côte d’Ivoire s’affirme de nouveau dans l’arène internationale et a marqué des points dans ses rapports avec les pays émergents en particulier. Les retrouvailles politiques avec le Burkina Faso, officialisées par la visite d’Etat de juillet dernier, jettent les bases de la relance d’une réelle intégration économique en Afrique de l’Ouest.

Après six ans de crise politico-militaire, la Côte d’Ivoire a renoué avec une normalité démocratique au regard de la gestion des conflits sociaux liés au mouvement contre la vie chère et de la campagne électorale engagée sans exclusive sur tout le territoire. 


Mode de citation : Guy LABERTIT, « Côte d’Ivoire : l’épreuve financière avant les élections », MULTIPOL - Réseau d'analyse et d'information sur l'actualité internationale, 27 septembre 2008.

Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que son auteur.


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