Le CPC associe au médiateur Blaise Compaoré, au chef de l’Etat ivoirien Laurent Gbagbo et à son Premier ministre Guillaume Soro les présidents du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et du Rassemblement des républicains (RDR), Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara. Il a chargé la Commission électorale indépendante (CEI), contrôlée, rappelons-le, par ceux qui se réclament de l’opposition au Président ivoirien, de lui fournir au plus tard le 31 décembre 2008 un chronogramme indiquant la fin de l’opération d’identification dans l’ensemble du pays. Cela permettra de fixer enfin une date crédible pour la tenue des scrutins. Dans un contexte rendu délicat par de fortes tensions de trésorerie au niveau de l’Etat, liées à ses efforts pour satisfaire des bailleurs de fonds demeurant bien timides pour contribuer à la sortie de crise, le climat politique s’est brusquement mais brièvement dégradé au début du mois de décembre, sans toutefois remettre en cause les objectifs de l’Accord politique de Ouagadougou signé le 4 mars 2007.
La nécessité d’un nouvel accord complémentaire à celui de Ouagadougou
Depuis deux mois, l’opération d’identification se déroule, en premier lieu dans la capitale économique Abidjan, et progressivement, depuis le 18 novembre, dans les villes de l’intérieur du pays, en commençant par Bouaké pour s’étendre à 57 villes à ce jour. Ce n’est qu’à partir du 9 décembre qu’elle devait se déployer sur toute l’étendue du territoire grâce, à terme, à 4000 équipes fixes dans les villes et 2000 équipes mobiles qui vont sillonner les zones rurales. A cet égard, le Président de la CEI, Robert Mambé Beugré a reçu le 25 novembre le Conseil supérieur de la chefferie traditionnelle de Côte d’Ivoire pour l’impliquer dans l’opération d’enrôlement dans le pays profond. Le délai initial de quarante-cinq jours pour achever cet enrôlement, annoncé à la fin du mois juillet par la Sagem, s’est révélé tout à fait fantaisiste au vu des réalités du terrain. Toutefois, au 5 décembre, 1 800 000 personnes s’étaient fait enrôlées dans le district d’Abidjan où la fin de l’opération a été fixée au 14 décembre.
L’enjeu de l’identification va bien au-delà de la tenue des seules élections puisque outre l’inscription sur les listes électorales et l’obtention d’une carte d’électeur, le citoyen se fait enrôler en vue de bénéficier d’une carte nationale d’identité nouvelle. Ainsi seront jetées les bases d’un Etat moderne fondé sur un état-civil incontesté, notamment indispensable pour mettre en place des réformes sociales comme celle de l’Assurance maladie universelle (AMU) dont le projet a d’ores et déjà été voté au début du mandat du Président Gbagbo.
D’autres mesures doivent faire l’objet de décisions concertées, voire d’un nouvel accord complémentaire avalisé, sous la supervision du Président en exercice de la CEDEAO et facilitateur du Dialogue direct, le chef de l’Etat burkinabé Blaise Compaoré, lors des prochaines réunions du Comité d’évaluation et d’accompagnement (CEA) et du Cadre permanent de concertation (CPC), en janvier 2009. Ces mesures concernent la mise en œuvre concrète des programmes de sortie de crise et porteront en particulier sur la réforme de l’Armée, la question des grades, celle du désarmement ainsi que le problème toujours non réglé de l’unicité des caisses de l’Etat malgré l’accord complémentaire signé à ce sujet dès novembre 2007.
En effet, une partie des recettes douanières, provenant notamment des postes du Nord, reste entre les mains des Forces nouvelles (FN) dont le Premier ministre Guillaume Soro est le secrétaire général. Certes, le porte-parole des FN, le ministre Sidiki Konaté, a annoncé dans une conférence de presse, le 18 novembre, à Bouaké, le retour de l’administration fiscale et douanière dans le Nord du pays avant la Noël. Mais des dizaines de milliards de francs CFA font, chaque mois, d’autant plus défaut à l’Etat ivoirien que les bailleurs de fonds restent timides dans leurs engagements à financer les programmes de sortie de crise. Cela retarde concrètement le désarmement puisque le Programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire d’un coût estimé à 44 milliards de FCFA et le Service national civique n’ont toujours pas sérieusement démarré.
Cela a été à l’origine des frondes du mois d’août au sein des Forces nouvelles et la question du désarmement a fait l’objet de violentes polémiques de la fin novembre au début du mois de décembre entre le Président du Front populaire ivoirien (FPI) Pascal Affi N’Guessan, et le ministre du Tourisme, porte-parole des Forces nouvelles, Sidiki Konaté. Les rencontres séparées, le 9 décembre, entre le chef de l’Etat et les FN d’une part, le FPI d’autre part, ont permis d’apaiser la situation pour ne pas remettre en cause l’accord politique de Ouagadougou. Une rencontre FN/FPI, à l’initiative du chef de l’Etat et en présence du Premier ministre, qui a lui aussi joué la voix de l’apaisement avant de quitter le pays pour un séjour privé d’une dizaine de jours en Europe, est programmée pour le 20 décembre.
En ce qui concerne le redéploiement de l’administration dans l’ensemble du pays, les tribunaux, faute de réhabilitation que l’Union européenne s’est engagée à financer, n’ont pas réouvert dans ce qu’il est convenu d’appeler la zone CNO (Centre/Nord/Ouest), ancienne zone rebelle. L’UE accompagne effectivement l’Etat ivoirien dans le financement de la reconstitution des registres de l’état-civil sur l’ensemble du territoire national.
Le climat social et politique à l’intérieur du pays
Avec l’engagement de la dernière et cruciale étape de l’identification, le processus conduisant à des élections libres et transparentes est irréversible, malgré les tensions politiques sporadiques. Dans l’ensemble du pays, la campagne électorale est déjà largement engagée. Les principaux candidats, le Président sortant Laurent Gbagbo pour le FPI et le Congrès national de la résistance pour la démocratie (CNRD), Alassane Ouattara pour le RDR et Henri Konan Bédié pour le PDCI ont déjà été investis. Ils ont été rejoints par Francis Wodié, ancien ministre, qui pour la troisième fois sera le candidat du Parti ivoirien des travailleurs (PIT), désigné par la Convention nationale du 8 novembre, et bientôt par le ministre des Transports Albert Mabri Toikeusse, président depuis 2005 de l’Union pour la démocratie et la paix de Côte d’Ivoire (UDPCI), parti créé par le défunt général Guéï. D’autres « petits candidats » tâtent le terrain, négociant leurs voix potentielles auprès des trois « grands » avant de s’engager ou non.
Sur le terrain depuis avril ou dans les médias, l’ancien Président Bédié poursuit une campagne virulente dont la violence verbale réduit la crédibilité. Il qualifie, à juste titre, sa campagne de « dernier combat » puisqu’il aura 75 ans en 2009. L’alliance scellée avec Alassane Dramane Ouattara, 66 ans, au sein du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), n’a pu déboucher sur une candidature unique et n’est pas profondément vécue à la base, même si Henri Konan Bédié a confirmé sa solidité en recevant à son domicile parisien, le 8 octobre, le secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant.
De son côté, Alassane Dramane Ouattara n’est guère sorti d’Abidjan où il n’a pas encore tenu de véritable meeting mais a inauguré son siège de campagne le 6 décembre. Toutefois, c’est dans la capitale Yamoussoukro qu’il a officiellement présenté son programme de candidat à la Présidence, lors de la Convention du RDR, les 4 et 5 octobre derniers. Chantre du libéralisme lorsqu’il était Premier ministre (1990/1993), il a pourtant fondé son programme présidentiel sur la construction d’un « Etat moderne » au prix de milliers de milliards de francs CFA, stratégie que ne renierait pas un social-démocrate. Depuis les Etats-Unis, vers la mi-octobre, il a tenu un discours plutôt consensuel lui permettant d’envisager, à défaut d’une victoire qu’il affirme, bien sûr, certaine, un ancrage solide pour lui et son parti dans les institutions du pays.
Pour sa part, le chef de l’Etat et futur candidat n’est pas entré en campagne, mais accompagné du Premier ministre Guillaume Soro, il a effectué, du 15 au 17 octobre, une nouvelle visite d’Etat dans le Nord du pays, dans le département de Katiola. Elle était organisée par…le président du groupe parlementaire du PDCI, le général Ouassénan Koné, adversaire résolu du FPI. Alors qu’une visite d’Etat est en préparation à l’Ouest dans la région des Montagnes (Man, Danané), il était, à la mi-novembre, au cœur du pays baoulé, fief de Bédié, où il a été distingué par les populations comme « homme de la paix ». Parallèlement, le FPI sillonne le pays avec son président Pascal Affi Nguessan et deux de ses vice-présidents, Simone Ehivet Gbagbo, présidente du groupe parlementaire FPI, et Mamadou Koulibaly, président de l’Assemblée nationale. Il peut aussi compter sur l’appui du président du Conseil économique et social, l’ancien secrétaire général du PDCI Laurent Dona Fologo, qui, désormais à la tête du Rassemblement pour la paix, le progrès et le partage (RPPP), multiplie les meetings.
Dans ce contexte, le Premier ministre, également secrétaire général des Forces nouvelles qui ne présenteront pas de candidat à la présidentielle, non seulement n’a pas les mains libres, mais se trouve confronté aux luttes fratricides au sein de son propre camp. L’opposition civile peut exploiter ces affrontements et jouer sur l’absence de débouché politique réel des FN à la prochaine présidentielle. Ces désaccords au sein de l’ancienne rébellion ont pris un tour particulièrement violent avec l’attaque, le 24 novembre, d’un entrepôt d’armes des ex-rebelles, à Séguéla, attaque qui a fait neuf morts dont huit parmi les assaillants. C’est déjà dans la ville de Séguéla, anciennement contrôlée par le « commandant de zone » Zackaria Koné, qu’une mutinerie avait éclaté au sein des FN le 28 juin. Depuis, cet ancien chef de guerre destitué, en désaccord avec Guillaume Soro, vit en exil au Burkina Faso et ce sont ses fidèles qui ont mené cet assaut malgré les propos publics apaisants tenus à son endroit, quelques semaines plus tôt, par le Premier ministre.
La question du désarmement a été à l’origine de violentes polémiques entre le FPI et les FN à la fin du mois de novembre et au début du mois de décembre. Quelques jours auparavant, le 20 novembre, les Forces de défense et de sécurité du général Mangou, chef d’Etat-major, avaient renvoyé sans ménagement dans leur foyer deux mille cent jeunes du Groupe des combattants pour la libération de la Côte d’Ivoire (GCLCI), regroupés dans le camp de Biabou, non loin d’Abidjan. De la même façon, plus de trois cents membres du Groupement des patriotes pour la paix (GPP), se réclamant du chef de l’Etat, ont été délogés d’un complexe hôtelier abandonné du Sud d’Abidjan, le 10 novembre. Constituée pour s’opposer à la rébellion en septembre 2002, après la tentative de coup d’Etat, cette dernière milice avait officiellement été dissoute par décision du Conseil des ministres. La réduction de ces jeunes miliciens pourrait avoir pour contrepartie une accélération du processus de désarmement de l’ancienne rébellion.
Suite à des mutineries liées à l’exigence du versement de primes dans les casernes de Daoukro et Yamoussoukro, les 26 et 27 septembre, 104 militaires des FDS, qui ont été radiés de l’armée, étaient jugés depuis le 20 novembre. Le Tribunal militaire d’Abidjan vient de condamner 86 d’entre eux à deux ans de détention. Une nouvelle grève de la brigade mixte (future armée nouvelle) de Bangolo a bloqué la ville le 26 novembre, réclamant le paiement d’arriérés de primes. Ces différents mouvements, qui ont été rapidement circonscrits, reflètent les fortes tensions de trésorerie de l’Etat ivoirien et sont les derniers soubresauts internes au sein de l’Armée, institution entrée en pleine déshérence après le coup d’Etat militaire de décembre 1999 et qui se reconstruit autour du Centre de Commandement intégré (CCI).
Autre institution en difficulté, la Justice a vécu une grève des avocats du 11 novembre au 1er décembre. Ils protestaient contre l’autoritarisme et les excès à l’encontre d’un des leurs du Procureur de la République dont ils demandaient le départ. Ce mouvement traduit le profond malaise qui existe depuis longtemps entre magistrats et avocats, provoquant un « dysfonctionnement de l’appareil judiciaire », selon les termes du bâtonnier qui a publiquement dénoncé la corruption généralisée au sein de l’institution. Une commission paritaire dirigée par le ministre de la Justice, Mamadou Koné, composée d’avocats et de magistrats, est chargée de rédiger un rapport qui sera remis au chef de l’Etat. Celui-ci avait préconisé cette procédure après avoir reçu séparément les magistrats, le 24 novembre, et les avocats, le 27.
C’est en octobre 2008 que la Cour d’assises de Côte d’Ivoire a jugé l’affaire du déversement des déchets toxiques par le Probo Koala en août 2006. L’absence de Trafigura, en raison de l’accord d’indemnisation passé avec l’Etat ivoirien, a créé un certain malaise même si la société multinationale peut être poursuivie au pénal. Le directeur général de la société Tommy, qui a déversé les déchets, a été condamné à vingt ans de prison. Un agent shipping qui a servi d’intermédiaire entre la société Tommy et la filiale locale de la multinationale, Puma energy, a écopé de cinq ans de réclusion, les autres prévenus étant acquittés. Rappelons que, deux mois avant l’ouverture du procès, 55 190 des 95 247 victimes recensées avaient été indemnisées.
La situation économique
Après avoir réglé ses arriérés auprès de la Banque mondiale et du FMI, la Côte d’Ivoire doit encore relever plusieurs défis pour être éligible à l’initiative des pays pauvres très endettés (PPTE) dont elle allait bénéficier à la fin 2002, n’eût été la tentative de coup d’Etat du 19 septembre. Cela libérerait plus du quart de son budget annuel consacré aujourd’hui au paiement de la dette extérieure. Celle-ci, cumulée depuis 1983, équivaut à 61% du PIB de la Côte d’Ivoire. Il s’agit pour ce pays d’accéder au « point d’achèvement » déclenchant l’initiative PPTE avant la date-butoir du 31 mars 2009. La première condition à remplir est le paiement des arriérés auprès de la Banque africaine de développement (BAD), après celui effectué, en février 2008, auprès des institutions de Bretton-Woods. Ils s’élèvent à 100 milliards francs CFA et leur règlement vaudra en contrepartie à la Côte d’Ivoire un appui budgétaire de 35 milliards .
La mission conjointe FMI-Banque mondiale, conduite à Abidjan du 25 septembre au 8 octobre, a étudié l’application du programme économique de 2008 appuyé par l’Assistance d’urgence post-conflit (AUPC) du FMI, d’un montant de 66 millions de dollars, approuvée en avril 2008. Ont également été discutés un programme appuyé par une Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) d’une part, et l’achèvement du Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), d’autre part. Un accord avec le FMI sur la FRPC et le DSRP est nécessaire pour accéder au « point d’achèvement » et bénéficier de l’initiative PPTE.
Suite à cette mission et aux discussions conduites à Washington, en marge des Assemblées générales de la Banque mondiale et du FMI, en octobre, le budget ivoirien, initialement arrêté à 2 129 milliards de francs CFA, modifié le 27 mars à 2 205 milliards, a été porté à 2 315 milliards par une ordonnance du 3 novembre 2008. Cela a répondu aux préoccupations du chef de la mission du FMI qui estimait, le 8 octobre, que certaines dépenses étaient faites « hors budget ». Les ressources supplémentaires provenant essentiellement du pétrole (71,2 milliards) et du gaz (48 milliards) ont été en grande partie affectées dans des dépenses d’investissement : transfert de la capitale à Yamoussoukro (35 milliards), deuxième tranche de rémunération de la SAGEM (20 milliards), mémorial Houphouët-Boigny (13 milliards), projet d’extension du port (9 milliards), notamment.
Ces contraintes macro-économiques, s’ajoutant au financement des programmes de sortie de crise, pèsent sur le paiement de la dette intérieure aux entreprises (15 milliards effectivement réglés en 2008) et le décaissement des subventions aux collectivités locales et territoriales. C’est pourquoi le Président de l’Union des villes et des communes de Côte d’Ivoire (UVICOCI), Francois-Albert Amichia, a annoncé, le 9 décembre, une possible fermeture des services des mairies par asphyxie financière. Dans ce contexte difficile, le Président Gbagbo a décidé, en octobre, de débloquer 120 milliards de francs CFA pour la revalorisation des salaires des fonctionnaires qui avaient multiplié les grèves pour que soient appliquées les recommandations de préforum social de février 2007.
Alors que la Côte d’Ivoire s’est engagée avec l’identification dans la dernière étape conduisant aux élections, on est en mesure de juger des dégâts sociaux et économiques engendrés par la tentative de coup d’Etat de 2002 Outre le report de l’initiative PPTE qui aurait accéléré la croissance économique, la pauvreté a progressé fortement ces six dernières années dans le pays. Une récente enquête de l‘Institut national de la statistique (INS), publiée au début du mois de décembre, indique que près de 49% de la population vivent avec moins d’un dollar par jour, que le taux de fréquentation scolaire est de l’ordre de 50% et celui de morbidité en hausse inquiétante.
C’est dans ce contexte que la Côte d’Ivoire et l’Union européenne ont signé, le 26 novembre, un accord d’étape de partenariat économique (APE), déjà paraphé le 7 décembre 2007 avec la délégation locale de l’UE. La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), au sein de laquelle s’étaient élevées des voix hostiles à la signature des APE, s’est donné jusqu’en juin 2009 pour conclure cet APE auquel les pays gros exportateurs de cacao (Côte d’Ivoire et Ghana) ont dû souscrire au plus vite pour éviter de lourdes pénalités financières. Il n’en demeure pas moins que la conclusion d’un APE avec l’Union européenne peut être lourd de conséquences très négatives pour les entreprises industrielles africaines faute de mesures d’accompagnement efficaces.
Une diplomatie régionale active
Du 17 au 20 novembre, s’est tenu à Yamoussoukro le premier sommet des mines et de l’énergie de l’Afrique de l’Ouest qui s’inscrit dans une dynamique de relance du marché régional. Le président ivoirien a saisi cette occasion pour lancer l’idée d’un Fonds pour le développement pour l’Afrique de l’Ouest, notamment alimenté par les recettes du pétrole, de la bauxite, du cacao, du café, de l’or et du diamant à l’image des Fonds structurels arabes. Ces derniers fonds sont de plus en plus présents dans le financement de grands projets d’infrastructures en Côte d’Ivoire, à l’image de l’autoroute du Nord. Le potentiel pétrolier prouvé de la Côte d’ivoire est de 400 millions de barils et celui du gaz de 2000 milliards de pieds cubes. C’est en juillet 2010 que devrait être engagée la construction d’une deuxième raffinerie de pétrole qui suppose une campagne de sensibilisation environnementale lancée le 30 octobre dernier.
Dans la même veine stratégique, et dans la continuité de la réunion du G77 plus la Chine (130 pays membres) tenue en juin à Yamoussoukro, l’idée d’un Fonds Sud pour le développement, financé par des prélèvements sur les recettes d’exportations, a été avancée par le chef d’Etat ivoirien à Doha au Qatar, lors du sommet sur le développement, initié par les Nations Unies six ans après la conférence internationale de Monterrey, au Mexique, en 2002. Cette invitation à l’Afrique à se prendre en charge devant les difficultés financières des bailleurs de fonds traditionnels, aggravées par la crise profonde qui frappe en premier lieu le monde occidental, est, avec la coopération Sud/Sud, une des constantes de toutes les interventions du Président ivoirien, tant en Côte d’Ivoire que dans les forums internationaux.
Politiquement plus stable depuis la signature de l’Accord de Ouagadougou, la Côte d’Ivoire imprime un cours nouveau à sa diplomatie depuis la réunion dans sa capitale du G77 plus la Chine. La dynamique régionale est sans cesse mise en avant, que ce soit lors de la célébration du 50 ème anniversaire de l’indépendance de la Guinée en octobre, à l’occasion des visites d’Etat conjointes des Présidents du Togo et du Bénin à Abidjan, en novembre, ou du sommet de l’Union du fleuve Mano à Freetown, en Sierra Leone, en décembre.
Bien qu’absent au dernier sommet de la Francophonie, réuni à Québec du 17 au 19 octobre, le chef d’Etat ivoirien entretient désormais des relations normalisées avec la France. Interpellé sur la question des interventions militaires en RDC, le Président Sarkozy, dans sa conférence de presse organisée le 12 décembre à l’issue du sommet européen, a rappelé qu’il attendait avec impatience les élections en Côte d’Ivoire, sous-entendant un prochain arrêt de la présence militaire sous toutes ses formes dans ce pays.
Sur place, à Abidjan, après le retour de l’Agence française de développement (AFD) en juillet, et la réouverture du lycée français à la dernière rentrée, c’est celle du Centre culturel français, détruit lors des manifestations de novembre 2004, qui a été annoncée pour 2009. L’ambassadeur de France, André Janier, a reçu, le 7 novembre, le collectif ivoirien des victimes décédées de novembre 2004, réclamant « le pardon officiel des autorités françaises ». Il avait rappelé, le 14 octobre, dans le cadre du salon de la sous-traitance et du partenariat que les entreprises françaises contribuent à hauteur de 30% du PIB de la Côte d’Ivoire et à 20% de ses échanges extérieurs.
La Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI) a organisé le 12 novembre une table ronde avec l’AFD pour examiner les possibilités d’appui de l’institution française aux entreprises ivoiriennes. Dans le domaine politique, quatre cents élus locaux européens et africains ont débattu à Abidjan, du 25 au 27 novembre, lors du premier forum Afrique-Europe des collectivités territoriales organisé à l’initiative de l’association Cités Unies France, présidée par l’ancien ministre français Charles Josselin, et l’UVICOCI, présidée par l’ancien ministre et maire de Treichville François-Albert Amichia.
Le 31 octobre dernier, l’ONG française Médecins sans frontières (MSF), installée en Côte d’ivoire depuis dix-huit ans, en raison, à l’époque, du conflit libérien, a annoncé son retrait du pays. Cela marque, malgré la persistance de réelles difficultés, une amélioration de la situation car, au plus fort de la crise ivoirienne, MSF avait déployé plus de neuf cents personnes.
Pour conclure ce bref panorama diplomatique, il convient de signaler que le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté, le 29 octobre, la résolution 1842 reconduisant jusqu’au 31 octobre 2009 les embargos sur les armes à destination de la Côte d’Ivoire et sur les exportations de diamants bruts. Les sanctions individuelles à l’encontre notamment du dirigeant du mouvement patriotique Charles Blé Goudé ont été maintenues, malgré l’engagement public très actif de ce dernier depuis deux ans dans le processus de paix. Ces mesures pourront être réexaminées trois mois après la tenue d’élections présidentielles « ouvertes, libres, régulières et transparentes, conformément aux normes internationales » selon les termes de la résolution.
Peu auparavant, dans son rapport publié le 17 octobre, le secrétaire général Ban Ki-moon a salué « les nombreux succès qui ont marqué cette période charnière de l’histoire de ce pays », avec en particulier le lancement de l’identification, mais il a exprimé des préoccupations sur les lenteurs du désarmement et a jugé « inquiétante l’absence de progrès véritables dans le redéploiement de l’administration dans le Nord, notamment en ce qui concerne la centralisation des recettes fiscales ».
De passage à Abidjan, le sous-secrétaire général des Nations Unies chargé des opérations de maintien de la paix, Edmond Mulet, a indiqué le 11 décembre que l’amélioration du contexte sécuritaire, depuis la signature de l’accord de Ouagadougou, pourrait conduire à une reconfiguration de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI). Son coût annuel est de l’ordre de six cents millions de dollars. La question sera examinée par le Conseil de sécurité à la fin du mois de janvier 2009.
En guise de conclusion
Bien qu’émaillé de tensions politiques sporadiques et de soubresauts, parfois violents, au sein de l’armée, le cheminement vers les élections semble irréversible au regard de l’évolution du processus d’identification.
Pour éviter tout dérapage, le Président ivoirien a choisi de s’engager directement dans le règlement des conflits politiques, mais aussi des conflits au sein des institutions de l’Etat. Il a pris, malgré de fortes tensions de trésorerie, des mesures importantes pour limiter les mouvements sociaux. L’opération « mains propres » engagée à son initiative, en octobre 2007, dans la filière café cacao s’est poursuivie avec l’audition des ministres de tutelle en octobre 2008.
Dans le même temps, il imprime un cours nouveau à la diplomatie ivoirienne, en développant les rapports avec les pays émergents dans le cadre d’une coopération Sud/Sud, prenant en compte le retrait progressif, mais accéléré par la crise financière et économique, des bailleurs de fonds traditionnels. Il avance tant dans les réunions régionales que dans les forums internationaux des propositions allant dans le sens d’une réduction de la dépendance vis-à-vis du monde occidental.
Cette gestion de l’Etat le conforte dans la perspective de l’élection présidentielle malgré une accentuation de la pauvreté pour beaucoup imputable à la situation de crise provoquée par la rébellion depuis l’échec du coup d’Etat de 2002. Bien sûr, et c’est une des principales incertitudes du proche avenir, l’opposition politique, qui contrôle la Commission électorale indépendante, peut aussi jouer sur la survivance de forces issues de la rébellion qui n’ont jamais accepté la logique démocratique partagée de l’accord de Ouagadougou et qui peuvent encore perturber la sortie de crise.