Pour légitimer son action militaire à Gaza au regard du droit international, Israël a invoqué son droit à la légitime défense. Ce droit naturel des Etats constitue l’une des deux exceptions à la prohibition du recours à la force conformément à la Charte des Nations Unies. L’autre étant l’utilisation de la force, suite à une autorisation du Conseil de sécurité de l’ONU.
En effet, dans une lettre adressée au président du Conseil de sécurité, l’ambassadeur croate Neven Jurica, le 27 décembre 2008, la représentante d’Israël auprès de l’ONU, Mme Gabriela Shalev, a explicitement fait référence au droit de son pays à la légitime défense. En plaçant son action dans le cadre de la Charte, donc du droit international, on s’attend à ce que ce pays respecte toute la légalité internationale et surtout les règles pertinentes qui organisent et structurent un tel recours à la force.
Parmi les principes qui s’appliquent à tout recours à la force en droit international, les deux plus importants dans ce contexte sont celui de la proportionnalité et celui dit de distinction. C’est ce que la Haut Commissaire aux droits de l’homme, Mme Navi Pillay, a d’ailleurs rappelé à Israël dans une note en date du 28 décembre 2008, dans laquelle elle lui demandait de respecter le principe de proportionnalité, de ne pas se livrer au châtiment collectif et de protéger les civils.
Le premier principe fait obligation à Israël de ne pas entreprendre des actions militaires disproportionnées par rapport aux faits invoqués comme constituant l’attaque contre laquelle il se défend légitimement. En substance, ce principe interdit de riposter, sous le couvert de légitime défense, sur une échelle et avec des moyens n’ayant aucune commune mesure avec l’attaque ayant déclenché cette riposte militaire.
Le fait que l’action israélienne soit dirigée contre une entité non étatique peut ouvrir la voie à certains débats concernant les critères pour évaluer sa proportionnalité. Il n’en demeure pas moins que celle-ci doit nécessairement se circonscrire, notamment en termes de moyens de guerre utilisés et de durée de l’opération, dans un cadre qui soit raisonnable.
Le principe de distinction fait fondamentalement obligation aux responsables militaires de protéger les vies et les biens civils. C’est un principe cardinal du droit international humanitaire qui s’impose à Israël. Tenant compte du constat qu’on peut faire du nombre et du statut des victimes de l’opération israélienne à Gaza, il semble difficile pour Israël de soutenir de manière convaincante qu’il respecte scrupuleusement ce dernier principe.
Les responsables israéliens peuvent invoquer la nécessité militaire et les mesures pratiques prises (tel le fait de lâcher des tracts sur Gaza invitant la population civile à fuir les zones appelées à être des théâtres d’opérations militaires) pour minimiser les victimes civiles, il n’en demeure pas moins que ce principe n’est pas vraiment respecté par l’Etat hébreu.
L’autre aspect problématique de l’action israélienne au regard du droit international est lié au rôle du Conseil de sécurité de l’ONU. En vertu de la Charte de cette organisation, cet organe a la responsabilité première en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il est donc aussi appelé à prendre les mesures nécessaires pour ramener la paix internationale en cas de rupture de celle-ci. Est-ce pour cela que le droit à l’exercice de la légitime défense est limité temporellement.
En effet, ce droit ne peut continuer à s’exercer dès lors que le Conseil s’est saisi de la question et a pris des mesures pour ramener la paix. C’est dans cette optique là qu’il s’est réuni le 4 janvier 2009, en vue de statuer sur la situation à Gaza. Lors de cette réunion, la Libye avait fait circuler, au nom de la Ligue arabe, un texte demandant un cessez-le-feu à Gaza. A la fin de celle-ci, le Conseil n’a pas pu parvenir à l’adoption d’une résolution et s’est contenté d’une déclaration portant sur cette crise. Les Etats-Unis d’Amérique, usant de leur droit de véto au sein du Conseil de sécurité, ont bloqué toute possibilité d’adopter une telle résolution parce qu’ils ont jugé le texte libyen « non équilibré ».
Cet échec du Conseil de sécurité a été mal vécu et très critiqué par plusieurs pays arabes. Le chef de la Ligue arabe, Amr Mussa a accusé le Conseil de ne pas remplir ses obligations dans cette crise. Il a fait savoir que cet échec laissait les coudées franches à Israël et représente « quelque chose de très dangereux ». Abondant dans le même sens, le ministre égyptien des affaires étrangères a déclaré lors d’une interview à une télévision égyptienne que le Conseil ne prenait pas ses responsabilités en vue de mettre rapidement un terme au conflit. Il a rappelé à cette occasion le fait que ce dernier avait mis près d’un mois avant d’adopter une résolution appelant à un cessez-le-feu lors de la guerre israélienne contre le Liban en 2006.
L’incapacité de cet organe à parvenir à prendre rapidement des mesures en vue de ramener la paix à Gaza risque de décrédibiliser davantage ce Conseil non seulement aux yeux des pays arabes, mais aussi de ceux d’autres pays qui ne cessent d’appeler à sa réforme en profondeur. C’est en ce sens que le président brésilien, Ignacio Lula Da Silva, a récemment fustigé le comportement du Conseil et des Etats-Unis d’Amérique en déclarant qu’il était clair que « l’ONU n’a pas le courage de prendre la décision de ramener la paix dans la région » et que ce manque de courage est du au fait que « que les Etats-Unis ont un pouvoir de veto » (1).
Le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, vient d’intensifier ses efforts en vue de porter les membres du Conseil de sécurité à parvenir à une position commune sur la crise. En effet, ce dernier a décidé de rencontrer ce lundi 5 janvier 2009, à New York, des ministres des affaires étrangères de pays arabes cherchant à pousser le Conseil à adopter une résolution demandant la fin de l’engagement militaire israélien à Gaza.
Une position commune permettrait de débloquer la situation au niveau du Conseil qui pourrait ainsi parvenir à adopter certaines mesures pouvant tout au moins calmer le jeu. Cependant, même dans ce cas, il reste la question de l’efficacité de l’action de ce Conseil. En effet, historiquement, celle-ci n’a pas pu vraiment infléchir la position d’Israël, qui peut compter sur le soutien infaillible des Etats-Unis d’Amérique en vue d’éviter qu’une quelconque sanction soit prise contre elle par cet organe des Nations unies.
De plus, si l’inaction du Conseil ne pose pas en soi un problème quant à la légalité de la campagne militaire israélienne à Gaza du point de vue du droit de la Charte de l’Onu, il n’en va pas nécessairement de même de la légitimité de cette campagne militaire. En effet en même temps que l’article 51 de la Charte reconnaît le droit à la légitime défense, tant la lettre que l’esprit de cet article n’en font pas un droit dont l’exercice est illimité dans le temps. A ce niveau, se pose une véritable interrogation. Les autorités israéliennes ont clairement fait savoir que l’action militaire entreprise à Gaza est prévue pour être de longue durée et que sa fin est directement liée à l’atteinte de l’objectif qu’elle s’est fixée qui est de détruire de façon substantielle la capacité du Hamas à lancer des roquettes contre son territoire.
Considérant qu’après dix jours et malgré l’incursion terrestre de Tsahal dans Gaza, le Hamas a quand même pu lancer plusieurs dizaines de roquettes contre Israël faisant près d’une demi-douzaine de victimes. On peut donc se demander perplexe, combien de temps va durer cette campagne militaire. Et si elle traine en longueur, pendant qu’en même temps, un allié d’Israël empêche l’action du Conseil de sécurité visant à mettre un terme aux combats, on peut penser qu’il y aura de plus en plus d’interrogations concernant la légitimité de l’action militaire que ce pays dit conduire en vertu de son droit à la légitime défense. Car l’exercice de ce droit est supposé être provisoire. Il doit laisser place au rôle que la Charte de l’Onu a dévolu au Conseil de sécurité dans le domaine du maintien de la paix internationale.
Commentaires
La lecture de cet article me laisse perplexe.Il caresse l'auteur de ces crimes dans le sens du poil
"141. Reste qu'Israël doit faire face a des actes de violence indiscriminés, nombreux et meurtriers, visant sa population civile. Il a le droit, et même le devoir, d'y répondre en vue de protéger la vie de ses citoyens.
Les mesures prises n'en doivent pas moins demeurer conformes au droit international applicable. "