392 députés sur les 450 que compte l'assemblée ont voté en faveur de la ratification. Cinquante-six parlementaires, tous communistes, ont voté contre. Ce vote était sans surprise depuis l'annonce la veille que les députés de Russie unie, majoritaire à la Douma, approuveraient ce texte. Le Conseil de la Fédération, chambre haute, doit encore se prononcer, mais l'issue du vote ne fait plus guère de doute.
"La décision de ratifier le Protocole renforce notre position dans le dialogue avec le Conseil de l'Europe", a estimé le vice-ministre des Affaires étrangères, Andreï Denissov, à la tribune de la Douma. "Elle ouvre la voie à une réforme sérieuse de la Cour pour en faire un organe dépolitisé qui prenne en compte les opinions des États membres".
Le Conseil de l'Europe a salué ce vote. "C'est une décision d'importance pour l'Europe dans son ensemble (...). La Russie envoie un signal fort de son attachement à l'Europe", a déclaré le secrétaire général de l'organisation, Thorbjorn Jagland.
La Russie était le seul des 47 États du Conseil de l'Europe à ne pas avoir ratifié le Protocole 14, bloquant l'entrée en vigueur d'une réforme visant à faciliter le travail de la Cour. La Douma s'était opposée en 2006 au texte, le jugeant contraire aux intérêts de la Russie, alors qu’il est l'un des pays les plus sanctionnés par la Cour, notamment pour des affaires concernant la Tchétchénie.
La réforme de la CEDH vise à simplifier notamment la procédure de recevabilité pour les affaires dites "répétitives" qui restent sans réponse dans les tribunaux nationaux, faisant craindre à la Russie une inflation de plaintes.
Moscou contestait aussi une disposition qui permet à un comité composé de trois juges de rendre des décisions sans que l'État défendeur y soit nécessairement représenté. Selon le président de la Douma, Boris Gryzlov, le Conseil de l'Europe a assuré qu'un représentant russe serait présent au cours de l'examen de plaintes concernant la Russie.
Mais selon des experts, ce revirement est dû à la volonté du président russe Dmitri Medvedev d'imposer dans son pays une vaste réforme judiciaire, et à des pressions européennes. "Il n'était plus possible de retarder cette simplification de la justice européenne sans apparaître comme un saboteur. Et le refus de ratifier n'avait pas de sens car cela n'a aucun effet sur le nombre de plaintes déposées contre la Russie", relève Sergueï Davidis, avocat de l'ONG de défense des droits de l’Homme Memorial.
Cette décision intervient alors que la CEDH examine une plainte de l'ancien géant pétrolier Ioukos, qui réclame la somme record de 98 milliards de dollars à la Russie après son démantèlement.
L'ex-patron du groupe, Mikhaïl Khodorkovski, purge une peine de huit ans de prison pour escroquerie à l'issue d'un procès qualifié de politique par les détracteurs du Kremlin. Il comparaît depuis un an dans un nouveau procès où il risque 22 ans de prison. Mais l'audience à la CEDH sur l'affaire Ioukos a été reportée plusieurs fois, laissant craindre aux avocats de M. Khodorkovski que le Conseil de l'Europe n'ait accepté de faire traîner l'examen, en échange de la ratification.
Alors que tous les Etats membres du Conseil de l'Europe plancheront lors de la Conférence d'Interlaeken (Suisse) du 18 et 19 février prochains, sur l'avenir de la Cour européenne des droits de l’Homme - victime de son succès avec près de 120 000 affaires pendantes - cette ratification par la Douma est une excellente nouvelle, non seulement pour les citoyens russes mais aussi pour tous les citoyens européens, désormais mieux protégés, a estimé le secrétaire d'État français chargé des Affaires européennes, Pierre Lellouche.
Et d’ajouter que le Protocole 14 permettra également à l'Union européenne, que le Traité de Lisbonne vient de doter d'une personnalité juridique lui offrant ainsi la possibilité de signer des accords internationaux, d'adhérer à la Convention européenne des droits de l’Homme. L'Union européenne complètera ainsi l'arsenal de ses droits fondamentaux en additionnant sa Charte des droits fondamentaux à la Convention européenne des droits de l’Homme.
Source : AFP