Loin est donc ce temps où l’Union Européenne, mais aussi la France, semblaient vouloir exister et se démarquer du grand cousin russe. Une nouvelle alliance de raison est née entre les deux pays, que vient symboliser la célébration croisée de l’année de la France et de la Russie. Celle-ci a servi de prétexte à une visite du Président Dimitri Medvedev en France du 1er au 2 mars à Paris.
Plus aucune place n’est faite quant au devenir de l’Etat géorgien aujourd’hui occupée à 20% de son territoire par la Russie et du devenir démocratique de l’Ukraine. D’autres intérêts sont en jeu.
Ces intérêts sont d’abord commerciaux avec la possible signature d’un accord de vente entre les deux pays au sujet de bâtiments militaires Mistral de projection et de commandement, les BPC ; mais également énergétique, en vue de permettre aux entreprises françaises telles qu’EDF GDF et Total de pouvoir accroître leur présence sur le marché russe (1).
Sur ce dernier point, a d’ailleurs été signé un accord de participation à l’occasion de la visite du Président russe, permettant à GDF de rentrer dans le capital de Gazprom en vue de la construction du gazoduc Nord Stream, qui évitera les Etats Baltes et la Pologne et passera sous la mer baltique (2). GDF va également augmenter son approvisionnement en gaz russe, car les besoins de la France sont énormes.
Mais ce partenariat entre les deux pays en matière énergétique n’est pas nouveau. Il date depuis bien avant la fin de la guerre froide puisque, depuis 1975, GDF est fourni à 14% par le gaz russe.
C’est donc une alliance de raison, qui reste utile à la fois en politique extérieure mais également en politique intérieure, surtout pour Dimitri Medvedev. Le Président russe cherchant à exister en dehors de l’aura de son mentor, a tout intérêt à aller chercher du soutien à l’extérieur. Cela lui permettrait faire valoir sa crédibilité et surtout de faire oublier qu’il a au départ été placé par Vladimir Poutine en vue de servir de marionnette à la politique de l’actuel Premier ministre.
Pour le Président Français, il s’agit plutôt de se démarquer, à l’image du Général De Gaulle en son temps, de la traditionnelle alliance transatlantique, d’autant que la relation entre Nicolas Sarkozy et le Président américain Barak Obama n’est pas au beau fixe. De plus, Sarkozy, ayant orchestré l’intégration de la France dans le commandement de l’OTAN, tient à préserver l’indépendance française si chère au Général De Gaulle. Ainsi, vendre des armes et bâtiments de fabrication française va dans ce sens, c’est-à-dire une forme d’alliance qui ne dit pas son nom mais qui en est une.
De fait, a été sacrifié le dossier nucléaire iranien puisque la Russie vient d’accepter l’adoption de sanctions par le Conseil de sécurité, à condition qu’elles n’atteignent pas les populations. La décision est lourde pour l’Iran et pour la Russie, mais reste tout de même calculée, car la Chine, étant membre permanent du Conseil de sécurité, pourrait décider de s’opposer à l’adoption d’une résolution contraignante.
Le Président russe le sait. Ainsi, ce qui semble être un progrès dans le dossier iranien n’est en fait qu’un feu de paille, mais utile, car au service d’un renouveau de l’alliance franco-russe.
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(1) « Interview IRIS France-Russie : des relations privilégiées ? », par Adrien Dubien, directeur de recherche à l’IRIS, 26 février 2010.
(2) « GDF Suez entre au côté de Gazprom au capital du gazoduc Nord Stream », Le Monde & AFP, 01 mars 2010.