Si le phénomène d’élargissement est nouveau en apparence (du fait notamment de sa médiatisation), il est né en réalité en même temps que l’Europe Communautaire puisque, dès les premiers instants de vie des trois Communautés, les 6 États membres fondateurs ont invité les peuples européens partageant leurs idées à unir leurs efforts.
La première vague d’adhésion date de 1973 avec l’adhésion de la Grande Bretagne, du Danemark et de l’Irlande. En 1969, lors du sommet de La Haye, les Communautés sortent de leur torpeur et s’engagent vers l’union économique et monétaire, ainsi que vers un accroissement des pouvoirs du Parlement. Le nouveau Président de la République française, Georges Pompidou, profite de ce que son prédécesseur, le Général de Gaulle, refusait toute ouverture de négociation d’adhésion avec l’Angleterre pour accepter d’entreprendre cette démarche en échange de l’obtention d’un financement définitif de la politique agricole commune.
Le 30 juin 1970, quelques mois après le Sommet de La Haye, les négociations avec 4 États officiellement candidats depuis 1967 (la Grande Bretagne, le Danemark, l’Irlande et la Norvège) s’ouvrent.
Le 1er janvier 1981 - date d’entrée en vigueur du traité d’adhésion signé le 28 mai 1979 - la Grèce qui, jusqu’alors, était liée à la Communauté Européenne par un accord d’association, devient le dixième État membre. Suivront l’Espagne et le Portugal, dont les négociations d’adhésion, entamées en 1978 aboutissent aux accords d’adhésion signés le 12 juin 1985 à Madrid et Lisbonne. Ils deviennent membres de la Communauté après huit ans de négociations, soit le 1er janvier 1986. L’Autriche fut le premier pays de l’Espace Économique de Libre Échange à demander son adhésion à l’Union Européenne, le 27 juillet 1989. Suivirent la Suède (1er juillet 1991), la Finlande (18 mars 1992), la Suisse (26 mars 1992), et enfin la Norvège (25 novembre 1992).
Les négociations d’adhésion s’ouvrirent le 1er février 1993 avec l’Autriche, la Finlande et la Suède, et le 5 avril avec la Norvège. Seuls les trois premiers États entrèrent dans l’Union Européenne par un accord d’adhésion signé lors du Conseil Européen de Corfou des 24 et 25 juin 1994, et une adhésion définitive signée le 1er janvier 1995. La Norvège refuse d'entrer dans l’Union Européenne après un nouveau référendum négatif.
L’adhésion de 10 États en 2004 puis de la Bulgarie et de la Roumanie en 2007 représente ainsi le cinquième élargissement, mais aussi et surtout le plus important de son histoire. Cet élargissement s'inscrit dans la continuité du projet européen. Il constitue la conséquence logique de la fin de la Guerre froide et de l'affrontement Est-Ouest qui divisait artificiellement l'Europe en deux. Par son élargissement, l'Europe renoue ainsi avec son histoire et retrouve sa géographie.
Avec la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989, c'est l'ensemble du bloc communiste de l'Est qui s'effondre. Cet événement constitue le point de départ du processus de réunification du continent européen. En effet, à partir de ce moment, l'UE et les pays candidats n'ont eu de cesse de préparer ensemble l'élargissement dans le cadre de partenariats d'adhésion bilatéraux (UE/pays candidat) qui fixent, pour chaque pays, les efforts prioritaires à accomplir en vue d'assumer les obligations liées à son adhésion, selon un échéancier précis.
Dans la même logique des choses entre 1987 à 1996, treize pays ont déposé une demande d'entrée à l’UE : Chypre, Estonie, Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovénie, Bulgarie, Lettonie, Lituanie, Malte, Roumanie, Slovaquie et Turquie. Réuni à Luxembourg les 12 et 13 décembre 1997, le Conseil Européen a lancé le processus d'élargissement de l'Union selon un déroulement « par étapes, selon des rythmes propres à chaque État candidat en fonction de son degré de préparation ». Pour se préparer à devenir membres de l'UE, les pays candidats ont d'abord signé des accords européens (pays d'Europe centrale et orientale) ou des accords d'association (Turquie, Chypre et Malte). L'UE les a soutenus dans leurs efforts d'adoption des règles communautaires par le biais d'une véritable stratégie de pré-adhésion. Elle leur a apporté son assistance financière afin de développer leurs institutions, leurs infrastructures et leurs économies.
Les négociations d'adhésion ont démarré le 31 mars 1998 avec les six pays les mieux préparés (Chypre, Estonie, Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovénie) et, le 15 février 2000, avec les autres pays candidats (Bulgarie, Lettonie, Lituanie, Malte, Roumanie et Slovaquie) à l’exception de la Turquie. Elles se sont appuyées sur le principe de «différenciation», à savoir que chaque pays avance selon ses efforts de préparation à l'adhésion. Ainsi, la durée des négociations a varié d'un pays à l'autre en fonction des progrès réalisés.
Depuis 1998, la Commission a publié chaque année des rapports réguliers sur l'état d'avancement des progrès réalisés par chaque pays candidat . En outre, des priorités par pays candidat, ainsi que le soutien particulier qu'elles nécessitent, ont été définies dans les partenariats pour l'adhésion, adoptés en 1998 et révisés en 1999 et 2002. Cet arsenal de documents a permis d'effectuer une évaluation secteur par secteur et d'établir pour chaque candidat une « feuille de route » indiquant quels actes législatifs doivent être adoptés ou modifiés afin de respecter l'acquis communautaire.
Le Conseil Européen de Copenhague de décembre 2002 a constaté que 10 des 13 pays candidats (Chypre, Estonie, Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovénie, Lettonie, Lituanie, Malte, Slovaquie) remplissaient les conditions suffisantes pour entrer dans l’UE. Ils ont donc signé leur traité d'adhésion le 16 avril 2003 à Athènes et ont officiellement rejoint l'UE le 1er mai 2004 à l’issue des procédures de ratification. Pour faire partie de l'UE, les 10 pays candidats ont dû en premier lieu être reconnus comme des États, puis se conformer aux principes de liberté, de démocratie, de respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'État de droit (article 6 du Traité sur l'UE).
Ils ont également dû remplir les conditions économiques et politiques connues sous le nom de «critères de Copenhague» selon lesquelles un pays candidat doit :
- être une démocratie stable, respectueuse des droits de l'Homme, de la règle de droit et de la protection des minorités ;
- être doté d'une économie de marché effective et adopter les règles, normes et politiques communes qui constituent le corps législatif de l’Union Européenne.
L'UE a ensuite signé un traité d'adhésion avec la Roumanie et la Bulgarie le 25 avril 2005. Le Conseil européen des 14 et 15 décembre 2006 a entériné l'avis favorable rendu par la Commission Européenne au sujet de l'entrée de ces deux pays dans l'Union, entrée devenue effective le 1er Janvier 2007.
Force est de constater que l'élargissement de 2007 et le passage de l'Union Européenne à 27 pays constituent une importante étape dans le processus de construction européenne. Tout d'abord, et sur le plan géographique, l'Union s’étale désormais sur une superficie de 3 977 304 km² contre 2 788 958 km² pour l'Europe des 15, soit une augmentation de presque de 42%. De ce fait, l'Union est le 7ème plus grand «pays» au monde, du point de vue superficie, après la Russie en première position avec 17 075 200 km², suivie du Canada, des États-Unis, de la Chine, du Brésil et de l'Australie. Cette situation a poussé quelques États européens, notamment la France, a attiré l’attention de leurs partenaires sur la nécessité de ne pas mettre en danger la capacité de l’Union à maintenir l’élan de l’intégration européenne faute, d’un élargissement mal maîtrisée.
A la suite du non français au référendum sur le projet de Constitution européenne en 2005, l’ancien Président de la France, Jacques Chirac, a insisté auprès de ses partenaires, lors du Conseil Européen de juin 2006, pour que l'Union réfléchisse à sa capacité d'absorption avant tout nouvel élargissement. Essentiellement motivée par un euroscepticisme grandissant des opinions publiques des anciens 15 membres de l’UE vis-à-vis de l’élargissement, la Commission européenne a donc introduit cette notion dans son Document de stratégie pour l’élargissement. De son côté, le Parlement Européen a adopté, le 16 mars 2006, une résolution sur les élargissements futurs de l’UE. Dans ce texte, le Parlement indique que si l'UE souhaite intégrer de nouveaux États membres, elle devra être en mesure de les absorber.
En d’autres termes, la définition de «nouvelles frontières» pose désormais la question des rapports de l’Union élargie avec ses nouveaux voisins , comme la Russie et l’Ukraine à l’Est (4), ou les pays du pourtour méditerranéen. Cette interrogation est étroitement liée à la question des «frontières» de l'Union : jusqu'où l'Union doit-elle s'élargir ?
Selon les Traités, seuls les États Européens peuvent adhérer à l’UE. La définition du critère «européen» n’est cependant précisée nulle part. Faut-il se limiter aux critères géographiques traditionnellement admis ou inclure des considérations géopolitiques ? Ce débat est particulièrement vif depuis l’ouverture, en octobre 2005, des négociations d’adhésion de la Turquie (5).
Afin de contribuer a la réflexion sur l’identité de l’UE et ses frontières, le Conseil Européen réuni à Copenhague en décembre 2002 a débuté une politique de «nouveau voisinage» avec les pays frontaliers de l'Union qui n'ont actuellement aucune perspective d'adhésion. Il s'agit de la Russie, des nouveaux États indépendants d'Europe orientale (Ukraine, Moldavie et Biélorussie) et des pays du Sud méditerranéen (Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Autorité palestinienne, Syrie et Tunisie). L'objectif de cette politique est d'assurer des relations étroites et pacifiques entre ces États et l'Union fondées sur la coopération et le respect des intérêts communs.



(1) Les conséquences de l’adhésion des pays d’Europe centrale, de Malte et de Chypre sont soigneusement évaluées en termes financiers et politiques pour chacune de ces politiques ; C’est aussi dans ces domaines qu’achoppent les négociations d’adhésion, alors que les Chapitres sur les relations extérieures sont négociés beaucoup plus rapidement avec chacun des candidats. VoirCommunication de la Commission Européenne : Agenda 2000, http://ec.europa.eu/agenda2000/overview/fr/agenda.htm.
(2) A. BERRAMDANE Abdelkader, « La concomitance du processus de l’élargissement et du processus de Barcelone », in Le partenariat euro-méditerranéen à l'heure du cinquième élargissement de l'Union européenne, Paris, Karthala, 2005, p. 16.
(3) Rappelons que, dans cet esprit, les négociations d’Amsterdam ont inséré dans le traité de l’UE un titre 7 instituant un système complexe de coopération renforcée dans la mesure où elles ne doivent déroger ni aux objectifs de l’Union et aux acquis communautaires, ni aux structures de celle-ci. Voir sur ce point l’analyse d’Éric PHILIPPART, « Un nouveau mécanisme de coopération renforcés pour l’union européenne élargie », Etudes et recherches, n°22, 2003, p. 33.
(4) K. KERRY, « Différencier la politique européenne de voisinage. Quelle implications pour l’Ukraine ? », Russie.Nei.Visions, n°32, juillet 2008, p. 14.
(5) D. SCHMID, « La Turquie et l’Union pour la Méditerranée : un partenariat calculé », Politique étrangère, printemps 2008, pp. 65-76.