Mais le réalisme conduit à dire que ces « révolutions » ne sont pas des révolutions au sens d’un bouleversement en profondeur qui balaierait les bases anciennes. Elles s’inscrivent plutôt dans la parfaite continuité de ce que l’on désigne depuis une trentaine d’années sous le vocable d transition démocratique. L’Europe d’abord vit ainsi vaciller trois sinistres dictatures. L’enlisement colonial sera à l’origine de la «Révolution des oeillets » de Lisbonne, la junte grecque chutera sur son bellicisme aventureux à l’égard de la Turquie, la fin du franquisme en Espagne sera négociée tout au long de l’agonie prolongée du dictateur. La vague latino-américaine suivra. Toutes les dictatures des années 1970 durent passer la main (Brésil, Argentine, Chili, Paraguay, Philippines). Compromis souvent boiteux donnant naissance à des régimes hybrides – des « démocratures », mélanges de dictature et de démocratie – où militaires tortionnaires et victimes durent apprendre à vivre ensemble à coup d’amnisties rétroactives symbolisant la fragilité des rapports de force établis. Les oligarchies financières et militaires surent protéger et conserver l’essentiel de leurs privilèges. L’Afrique du Sud raciste, reconvertie en nation « arc-en-ciel » sut réconcilier, pardonner et amnistier, tribut donné à la paix civile. Pour les dizaines de millions d’hommes qui subirent longtemps le joug d’une vie sans espoirs, ce fut une délivrance que beaucoup n’auraient pas cru pouvoir connaître. Elle fut vécue dans la joie et la fierté. Mais l’on se doit de reconnaître que beaucoup de ces évolutions positives n’eurent pas la capacité de résister à la vague néolibérale qui parcourut le monde.
Ces transitions constituèrent l’aboutissement de l’accumulation de longues luttes, souvent incarnées par des partis et des leaders charismatiques. Elles s’inscrivirent dans un schéma d’évolution assez traditionnel qui marquait alors les formes de la vie politique.
Michel ROGALSKI, « Monde arabe : la trouille des dictateurs » (extrait de l'Éditorial)

Un deuxième sommet de la Terre s’ouvrira à Rio en 2012 sous une triple constellation (Rio + 20, Stockholm + 40 et Johannesburg + 10). La planète réunie s’interrogera sur ses capacités à faire face à son avenir et devra apporter des réponses. Cette préoccupation n’est évidemment pas que d’actualité. Elle vient de loin, comme le laisse supposer les trois dates tutélaires sous lesquelles elle s’incrit.
Les dernières décennies ont vu monter l’exigence d’un développement durable qui s’est imposé comme dimension incontournable des domaines essentiels de l’activité humaine. En réaction tant aux visions excessivement pessimistes du Club de Rome, à la fin des années 1960, sur l’épuisement des ressources naturelles et à ses appels à l’arrêt de la croissance, qu’à l’économisme sauvage ne pouvant conduire qu’au « mal-développement », un courant de pensée - l’éco-développement - se constitue à l’occasion de la Conférence de l’ONU de Stockholm en 1972. Il s’agissait alors de concilier les objectifs socio-économiques et écologiques, en prenant en compte le double souci de la solidarité avec les populations présentes les plus démunies, tant au Nord qu’au Sud, et avec les générations futures dont le droit à vivre sur une planète habitable devait être préservé. Bref de résoudre, autrement que par l’arrêt de la croissance, le conflit latent entre une croissance sauvage et un environnement viable.
Il faudra dix ans pour que les Nations unies, s’emparant du problème, commandent un rapport. La « Commission Brundtland » (du nom de la ministre norvégienne de l’Environnement) rendra son rapport en 1987 et reprendra, sous le vocable de développement durable, l’ensemble des idées-forces développées à Stockholm. Il y sera proposé, pour préserver la planète, d’adopter des modes de production et des styles de vies plus respectueux de l’environnement et d’éviter de généraliser à l’échelle de la planète le modèle gaspilleur et prédateur – les faux-frais de la croissance – de l’Occident. Un grand « sommet de la Terre » sera proposé. Ce sera le sommet de Rio, en 1992 qui inscrira le double droit au développement et à un environnement sain et adoptera un programme d’action sous forme de recommandations - l’Agenda 21. Quelques années auparavant, en 1988 précisément, un Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, le fameux GIEC avait vu le jour, témoignant par là même de préoccupations sur l’avenir du climat.
Le monde ne sera plus tout à fait le même après le sommet de Rio et la préoccupation du développement durable se propagera d’un bout à l’autre de la planète, avec la volonté de concilier protection de l’environnement, efficacité économique et équité sociale. Ce triptyque – produire plus, répartir mieux, préserver l’avenir – ne pourra pas se décliner sans tensions ou lectures antagonistes. Ainsi la notion de développement durable se trouve attaquée de plusieurs côtés. Les tenants de la décroissance n’y voient qu’une façon habile de redonner un aspect présentable à la croissance économique indéfinie, tandis que les populations du Sud craignent qu’en son nom, on puisse brider le développement de sociétés, notamment de celles qui sont le moins avancées économiquement.
Michel ROGALSKI, « Les enjeux du changement climatique » (extrait de la Présentation)

SOMMAIRE
• Michel Rogalski
Monde arabe : la trouille des dictateurs (éditorial)
• Jean Ortiz
République espagnole : la bataille des mémoires
• Thomas Posado
Ni victoire, ni défaite : le chavisme en crise
• Hakim Ben Hammouda
L’orientalisme et la révolution arabe – Pourquoi ne l’ont-ils pas aimée, la révolution ?
• Samir Amin
Capitalisme transnational ou impérialisme collectif ?
DOSSIER : LES ENJEUX DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
• Michel Rogalski
Les enjeux du changement climatique (Présentation)
• Ignacy Sachs
L’homme et la trajectoire du vaisseau Terre
• Michel Rogalski
Le climat, une négociation carrefour
• Stéphanie Monjon
Pourra-t-on limiter la hausse de la température à +2°C ?
• Venance Journé
Les négociations sur le climat entre 1992 et 2011 : évolution des enjeux
• Mehdi Abbas
L’économie politique du changement climatique
• Élodie Vieille Blanchard
À l’origine des modèles intégrés du changement climatique
• Serge Morand La biodiversité comme dimension du changement global
NOTES DE LECTURE
Afyare Abdi Elmi, Understanding the Somalia Conflagration (Samir Amin)
Olivier Kempf, L’OTAN au XXI° siècle (Jacques Le Dauphin)
Charles Enderlin, Un enfant est mort (Keltoum Staali)
Collectif, Les arabes en France (Keltoum Staali)
Jean Lamore, José Marti. La liberté de Cuba et de l’Amérique latine (Thomas Posado)
OCDE, Perspectives des migrations internationales (Jean Magniadas)
Yves Lacoste (Entretiens avec Pascal Lorot), La géopolitique et le géographe (Michel Rogalski)

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