La nouvelle Constitution de la Hongrie est entrée en vigueur le 1er janvier 2012. Elle modifie fondamentalement l’ancienne Constitution du 20 août 1949, ainsi que les lois du 23 octobre 1989 et du 10 juin 1990 avaient amendée. Ces lois avaient simplement supprimé toute référence au socialisme et institué une économie de marché et un régime politique pluraliste. La nouvelle Constitution enlève tout sens à ces lois dans la mesure où elle soumet la Banque centrale hongroise aux pouvoirs publics et supprime dorénavant le mot « République » de son texte.
Le passage de la République de Hongrie à la Hongrie tout court est le changement le plus remarquable de la nouvelle Constitution. Il pourrait signifier, constitutionnellement parlant, que désormais les gouvernements en Hongrie ne seront plus élus par le peuple. La République, du latin res publica, désigne la chose publique. Ce terme est utilisé pour caractériser l’intérêt général qui entoure la gestion du pouvoir. La nécessité que cette gestion de la chose publique soit faite par des représentants du peuple à travers des élections démocratiques découle de cet intérêt général.
Dire que la Hongrie n’est pas une République, c’est substituer à la nature républicaine une nature autoritaire. La séparation des pouvoirs n’est plus garantie et la gestion du pouvoir d’État est en passe de devenir l’affaire d’un homme ou d’un groupe d’hommes particuliers. Il n’y a pas de partage du pouvoir, mais plutôt une concentration du pouvoir au profit d’une personne ou d’un groupe. C’est un virage vers la dictature, d’autant plus que l’alternance politique est verrouillée avec le nouveau découpage électoral qui favoriserait largement le parti au pouvoir en cas d’élections.
Si le terme République disparaît, celui de la nation hongroise prend un sens important . En effet, les rédacteurs de cette Constitution proclament une nation hongroise au-delà des frontières du territoire hongrois. Ils appellent tous les Hongrois du monde entier à reconnaître leur histoire commune, que l’État hongrois entend protéger. Au-delà de l’Etat-nation , c’est un clivage fondé sur l’ethnie et la religion que ce nationalisme promeut soudain.
L’Etat-nation est une forme d’organisation politique reposant sur l’existence d’une identité nationale. Cette identité est protégée par l’article 6-3 du Traité de l’Union européenne. Or, la participation à la construction européenne et précisément à la citoyenneté européenne pose des questions existentielles aux nations formant divers États, lesquels sont membres de l’Union européenne. La solution pour les Etats (-nations) est d’outrepasser leur identité nationale (ce qui ne veut pas dire l’abandonner) pour s’insérer dans un ensemble plus vaste et revêtir une identité européenne, condition à la qualité d’État membre de l’Union.
A l’heure de l’internationalisation et de la mondialisation, ce désir de s’isoler inquiète l’Union européenne. La Commission européenne, en vertu de l’article 7 du Traité de l’Union, menace de sanctions financières la Hongrie si elle ne retire pas les textes controversés qui violent l’article 6-1 du même Traité. L’application de cet article 7 demeure toutefois délicate, car il édicte une procédure assez lourde, qui risque de ne pas aboutir même si elle a déjà été envisagée comme cela avait été le cas en Autriche en 2000.
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(1) Articles 2, 9 et 19 de la Constitution de 1989.
(2) Ernest Renan définissait la nation comme étant « le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu d’indivis », tout en précisant aussi que les nations « ne sont pas quelque chose d’éternel ». La référence à la nation par les constituants hongrois est ambigüe, car elle serait composée des Hongrois habitant en Hongrie et appartenant à des minorités non hongroise et aussi des Hongrois de l’étranger.
Commentaires
Chère Hama, j'ai peur que vous ne fassiez quelques raccourcis dangereux, à ma connaissance, il y a plusieurs monarchies constitutionnelles en Europe, dont l'une et non des moindres, puisqu'elle est le berceau du régime parlementaire, la Grande-Bretagne. La suppression du terme République dans la Constitution de la Hongrie est en effet un signe et un symbole fort et inquiétant, mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs. Il faudrait étudier en détail la nouvelle organisation des pouvoirs constitués afin de déterminer la nature du nouveau régime, les risques de dérive avant de crier "au loup".
Il y a clairement une tendance nationaliste de la part du gouvernement hongrois actuel, et il tente, symboliquement, de le graver dans le marbre constitutionnel, mais encore une fois, faute d'une étude approfondie de la nouvelle organisation des pouvoirs constitués et des ouvertures laissées dans le texte à une dérive autoritaire, il est un peu tôt pour conclure. En tout cas, c'est mon avis...